Les Irakiens sont moins réceptifs au discours confessionnaliste

samedi 13 juin 2009.
 

Entretien avec Raïd Fahmi, ministre communiste des Sciences et de la Technologie.

Quelle est, en termes politiques, la situation actuelle de l’Irak ?

Raïd Fahmi. La situation n’est pas simple, elle est changeante. On peut dire qu’il y a un certain mouvement fait de tâtonnements. Tout le monde réalise que les anciennes alliances ne fonctionnent plus, qu’il faut de nouvelles configurations. Mais celles-ci ne sont pas encore très bien définies. Il existe également un changement dans le rapport de forces. La question qui se pose est de savoir ce qu’il en sera lors des élections législatives prévues pour janvier 2010.

En fait, les Irakiens sont maintenant moins réceptifs à certains discours et s’interrogent sur des notions comme l’État-nation, le patriotisme, le confessionnalisme, le sectarisme… Les différents partis politiques ont saisi ce changement. C’est le cas aussi de celui du premier ministre, Nouri al-Maliki, le parti Dawa (islamiste, chiite - NDLR). L’essentiel de la campagne qu’il a menée lors des élections locales de janvier dernier a reçu un bon écho. Maintenant il parle de coalition sur une base nationale et non plus, comme avant, sur une base sectaire. Le problème qui se pose à lui dorénavant est de savoir s’il peut se positionner ainsi, tout en gardant le soutien qu’il a acquis en raison de son enracinement confessionnel. La synthèse n’est pas facile. Deux discours, cela signifie deux logiques. Va-t-il aller jusqu’au bout ? Tout dépend de sa personnalité, mais aussi de l’évolution de la situation générale en Irak.

Que se passe-t-il au sein des différents partis ?

Raïd Fahmi. La compétition entre les différents groupes est acharnée. Alors que la représentation du pouvoir sur la base confessionnelle, sectaire, a été consolidée, on sort maintenant de cet état de fait. Les autres problèmes commencent à se poser : quel genre de gouvernance ? comment combattre la corruption ? comment renforcer la sécurité ? Les deux aspects (confessionnel et non confessionnel) coexistent, sur lesquels viennent se greffer les demandes et les besoins de la population. Le calme étant en grande partie revenu, on ne peut plus se contenter de dire à telle ou telle communauté qu’elle est menacée. Maintenant apparaissent les notions de justice sociale, de services essentiels manquants, de problèmes de corruption, de façon de gérer. Il y a donc une contradiction entre les bases sur lesquelles le gouvernement a été formé et les nouvelles exigences qui se font jour. Al-Maliki a le vent en poupe. Il veut à présent s’affranchir d’un certain nombre de contraintes posées par ses alliés. Il fait allusion, par exemple, aux faiblesses de la Constitution, il veut plus d’autorité, parle de la présidence. Les autres forces politiques le considèrent maintenant comme dangereux. Elles utilisent leur influence au Parlement pour contrecarrer ses lois.

À la fin du mois de juin, les troupes américaines doivent avoir quitté les villes irakiennes. Qu’est-ce que cela génère ?

Raïd Fahmi. Les partis préparent le départ des Américains. Certains, comme les baasistes, pensent qu’ils peuvent en profiter. D’autres se disent qu’ils doivent agir différemment. Cela dit, les États-Unis ne vont pas se retirer comme ça, sans essayer d’assurer ce que j’appellerais un « retour sur leurs investissements ». Ils vont essayer d’entraîner leurs alliés dans la région. On peut penser à un rôle plus important de la Turquie et au rapprochement de certains pays. Ce sont des enjeux de taille pour l’Irak.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey


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