La promotion de Home... une opération politique pilotée par Borloo (3 articles)

samedi 27 juin 2009.
 

On s’en doutait. Pas vous ?

On pensait bien, par ci, par là, que ce bel objet en couleurs et papier glacé, ce n’était pas complètement anecdotique, deux jours avant le scrutin. Comme si, soudain, on nous avait télécommandé dans nos boites à penser des vertus et des pudeurs d’écologistes et de défenseurs de la mer bleue et des petits z’oziaux. Comme s’il fallait absolument rendre très vite responsables les électeurs du lendemain, ceux qui, peut-être auraient eu la mauvaise idée de voter de travers. Pour ceux-là, on a mis en avant les images, les nounours qui vont mourir, les petites fleurs que si ça se trouve nos petits-enfants n’en pourront plus faire des bouquets, et le toutim. Et puis, voilà que ça a marché au-delà de leurs espérances, dis donc. Même que des électeurs de gauche depuis toujours ont mis un bulletin vert dans l’urne, au lieu d’un rose, par exemple. L’électeur de base socialiste se paie une bonne conscience en allant voter vert. En oubliant que l’écologie ne rime pas toujours avec joli. Que les enjeux sont ailleurs, dans la surexploitation de la planète, qu’il faudrait tout reconsidérer, nos modes de fonctionnement, notre façon de vivre, de consommer, de nous déplacer, bref, tout ça est dans notre programme, au Parti de gauche, on ne va pas vous faire l’article ! Mais tout ça, on n’en a pas entendu parler… Et pourtant, la liste verte, elle a fait combien ?

Brigitte Blang

1) Quand Jean-Louis Borloo demandait aux préfets de faire la promotion de « Home »…

La lettre a été envoyée aux préfets de région à la veille du début de la campagne officielle des élections européennes du 7 juin, qui astreint à une obligation de réserve les ministres et les agents publics. Elle émane du ministère de l’écologie. Jean-Louis Borloo y demande aux préfets de région de veiller à la diffusion, sur leur territoire, du film Home, d’Yann Arthus-Bertrand, « un appel à la prise de conscience écologique en matière de réchauffement climatique ». Une copie du film accompagne le courrier.

Certains préfets se sont exécutés, organisant une projection du documentaire. C’est le cas, par exemple, en Moselle, où le préfet de région, Bernard Niquet, a largement invité, le 5 juin, les fonctionnaires à se rendre au Caméo-Ariel à Metz, pour assister à la diffusion du film. Dans un courrier envoyé aux différentes sous-directions de la préfecture, M. Niquet indique qu’il « serait souhaitable que les directions soient représentées par une vingtaine de personnes ». Le préfet précise qu’il agit « à l’initiative du ministère de l’écologie ».

D’autres préfets se sont montrés plus réticents. « Nous rentrions dans une période de réserve, raconte l’un d’eux. Il n’était pas question pour moi d’organiser une séance publique. Et je n’ai pas vu l’intérêt d’organiser une projection privée à la préfecture, alors que les gens pouvaient tranquillement regarder le film chez eux. » « De ma carrière, je n’avais jamais reçu une telle demande à la veille d’une échéance électorale », commente un autre.

« Il n’y avait pas malice »

Le ministère de l’écologie ne dément pas l’opération, mais se défend de toute arrière-pensée électoraliste. « Nous avons mis à la disposition des préfets le film pour qu’ils le valorisent. Nous avions la volonté de partager ce magnifique document avec des gens que nous avons beaucoup sollicité sur le Grenelle. Il n’y avait pas malice. En aucun cas, il ne s’agissait d’une instruction », explique le conseiller en communication de Jean-Louis Borloo, Benoît Parayre

Dimanche 7 juin, au moment des résultats, certains dirigeants de l’UMP se réjouissaient de l’influence du film sur le score des écologistes. « Le score des Verts : Home diffusé deux jours avant le scrutin, 9 millions de spectateurs ! », avait fanfaronné Xavier Bertrand, le secrétaire général de l’UMP. Le 5 juin, des membres du gouvernement avaient même organisé une soirée autour du film. Nathalie Kosciusko-Morizet avait ainsi réuni des militants de l’Essonne, aux côtés de Jean-Louis Borloo et de Michel Barnier. « Chacun était libre de s’emparer du film », justifie l’entourage de la secrétaire d’Etat à l’économie numérique.

Au lendemain du scrutin, après un début de polémique sur l’opportunité de la programmation de ce film, la direction de France 2 avait soutenu que la décision avait été prise deux ans auparavant, lorsque la date du scrutin européen n’avait pas encore été arrêtée. La chaîne avait fait valoir que le 5 juin coïncidait avec la Journée mondiale de l’environnement. La direction de la chaîne publique avait encore affirmé que le film avait été diffusé sur 81 autres chaînes étrangères. Le CSA n’avait rien trouvé à redire et considéré que le film n’avait pas « porté atteinte au principe de pluralisme, ni à l’exigence d’équité qui s’impose aux médias audiovisuels en période électorale ».

En Europe pourtant, très peu de chaînes ont programmé ce film. Une chaîne publique suisse l’a diffusé, mais la Confédération helvétique ne fait pas partie de l’Union européenne, ainsi que la chaîne publique portugaise RTP2. En Italie, en Espagne ou encore en Grande-Bretagne, le film a échappé aux... électeurs.

Sophie Landrin

Source Le Monde.fr

2) Home : Yann Arthus-Bertrand inflige au monde sa vision esthétique de l’écologie financée par un mécène, le groupe Pinault qui annonce 2000 licenciements

Source : http://www.politis.fr/article7261.html

L’art de transformer une catastrophe à venir en objet esthétique et politiquement aussi correct que lénifiant. Le triomphe de la communication face aux inquiétudes des écologistes et d’une partie de la population mondiale. Le film va faire un tabac au Bangladesh et au Niger...

La presse presque unanime se déchaîne pour vanter les mérites du film de Yann Arthus-Bertrand passant en « première mondiale » sur France 2, sur Internet, dans les cinémas de 127 pays et aussi, parait-il, sur 65 chaînes de télévision du monde pour célébrer la journée mondiale de l’environnement. Pour son plaidoyer de belles images, comme d’habitude chez ce « nouvel écologiste », comme dans sa « Terre vue du ciel », il oublie tout simplement l’homme, les hommes ; ce photographe a trouvé un filon lui ayant rapporté (pour le livre tiré du premier film) prés de 6 millions de droits d’auteur, sans compter les produits dérivés. Pour le plus gros coup de sa carrière il a mobilisé des banques, des villes, des chaînes de télé et le mécène François-Henri Pinault qui dirige le groupe PPR fondé par son père François Pinault considéré comme la plus grande fortune d’Europe. Pour mémoire, le groupe PPR c’est Le Printemps, Gucci, Puma, Yves Saint-Laurent, Boucheron, Balenciaga, etc. Des babioles auxquelles il faut ajouter Conforama (800 licenciements), la Fnac (400 licenciements) et la Redoute (670 licenciements). De quoi dégager, sur un chiffre d’affaires de 3380 millions d’euros, quelques économies pour payer le film de Yann Arthus-Bertrand. Lequel court d’un média à l’autre pour nous expliquer qu’il a travaillé à l’oeil, qu’il n’en tirera aucun bénéfice. De quoi faire sangloter dans les chaumières devant une telle abnégation. En attendant le livre et le CD...

Cet homme qui a découvert il y a quelques années, pour faire son premier film presque exclusivement financé par les Nations Unies, que l’écologie permettait de se faire une extraordinaire publicité et de gagner de l’argent, est sans aucun doute le plus grand escrologiste de l’année. La seule fois où je l’ai rencontré, dans un avion qui nous ramenait de Macédoine en avril 1999, il ignorait le mot écologie. Ce n’était alors pour lui qu’une vaine agitation et une vague source d’esthétique vue d’hélicoptère ou de ballon dirigeable.

Ce qui est remarquable dans les délires néo-écologistes de Yann Arthus-Bertrand, c’est sa capacité à oublier les hommes, à occulter les conflits, à nier les exploitations, à passer sous silence les rapports de force et les origines des destructions. L’écologie, même catastrophique, se fait image, esthétisme et bons sentiments. Pour faire d’une horreur ce qu’il considère comme une oeuvre d’art susceptible de capter le public pour lui faire oublier les mécanismes économiques et politiques des destructions. Tout en lui suggérant, à ce public, qu’il est le premier responsable. Une façon comme une autre « d’entraîner dans le consentement de la catastrophe » comme le dit si bien Paul Virilio.

Alors que Nicolas Hulot a transformé son esthétisme de la découverte du monde en pensée et prise de conscience écologique de plus en plus approfondie, l’auteur de « Home » puisque tel est son nom vendable dans toutes les langues, à transformé l’écologie, sa vision de l’écologie, en fait-divers et en images finalement sécurisantes. Nicolas Hulot n’est pas doué en politique, domaine dans lequel il a sagement renoncé à s’impliquer directement, mais Yann Arthus-Bertrand a réussi à ramener l’écologie à un art du spectacle et de l’esbroufe parfaitement récupérable et assimilable par les politiques. Donc en objet purement politique, version douce et inoffensive. Exploitable par tous les politiques amis de François-Henri Pinault qui s’est marié dans un luxe inouï au théâtre de la Fénice de Venise au mois d’avril dernier. L’histoire ne dit pas si notre nouveau cinéaste était de la noce et ce qu’il pense de ce gaspillage luxueux par l’un des amis de coeur du président de la République.

Le 5 juin, jour anniversaire de la première conférence mondiale des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm en juin 1972, il sera, il aura été, bien difficile d’échapper au consensus mou de la beauté catastrophique et au concert de louanges montant vers la camarilla présidentielle à la veille d’une élection européenne...

Que Yann Arthus-Bertrand laisse entendre qu’il vote Europe-Ecologie ne me console pas le moins du monde. Car l’écologie est tout sauf un art. Curieusement, Al Gore l’avait (presque) compris.

PS Grosse cerise sur ce gâteau industriel : vendredi soir, François-Henry Pinault est venu lui-même vendre la marchandise dans le journal de France 2....

par Claude-Marie Vadrot


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