Les universités américaines dans la tourmente du marché

lundi 29 juin 2009.
 

Washington . La réduction des donations ou les déboires de la spéculation ont creusé les déficits des établissements jusqu’aux plus prestigieux.

Réputée pour son accueil des étudiants venant de familles sans grands moyens financiers, l’administration de l’université de Reed, à Portland (Oregon), a calculé, recalculé les comptes pendant des semaines pour conclure qu’ils ne pouvaient plus garder la classe d’accueil prévue pour ces étudiants. Plus assez d’argent. Moins de généreux donateurs, moins de fonds venus des fondations ou des anciens élèves (-25 %). Les « réserves » placées en Bourse ont périclité. Les coûts de gestion augmentent plus vite que les prix et il manque 50 000 dollars pour boucler le budget de l’établissement, qui accueille 1 300 étudiants.

La solidarité passe à la trappe au moment où les demandes d’inscription de candidats démunis sont plus nombreuses (23 % cette année) avec la montée du chômage, l’augmentation des frais médicaux…

1500 universités privées

La crise frappe toutes les universités, tout le système d’éducation dont le pays était si fier, présenté par les idéologues de Sarkozy comme un modèle d’intégration, d’équité et d’efficacité.

Le président de Reed, Colin Diver, explique que la direction s’est refusée à réduire le personnel. Ce serait porter atteinte aux programmes, à la qualité de l’enseignement, explique-t-il au New York Times. Augmenter les droits d’inscription, le coût des études serait augmenter la pression sur des familles qui se débattent dans des situations difficiles.

Reed est emblématique. Mêmes les plus riches des 1 500 universités privées subissent des déficits qu’elles - comblent en supprimant des emplois, en abandonnant des programmes. À Clemson, un autre établissement, on a même supprimé cinq jours de salaires. À Syracuse, un tiers des étudiants font appel à l’aide sociale. Un record pour cette ville du nord-est. Dans dix-neuf États, en vingt-cinq ans, l’apport extérieur de capitaux est passé de 30 % à 19 %.

Cette dégradation fait l’objet d’une analyse détaillée d’Andrew Delbanco, dans la New York Review of Books. Il publiera un livre sur le sujet à la prochaine rentrée qui s’annonce désastreuse.

Les universités prestigieuses, Harvard, Yale, Stanford, sont aussi dans la tourmente. Les administrateurs connaissent la même descente aux enfers. Les hommes d’affaires qui en fixent la stratégie ont aussi spéculé avec les fonds des universités au casino de Wall Street, quand ils n’ont pas investi chez l’escroc Bernard Madoff. Vingt millions envolés pour l’université de New York (NYU) et celle de Tufts (Massachusetts), qui se présente modestement comme « dédiée à l’éducation des nouveaux leaders qui vont changer le monde ». Emplois, salaires sont pris dans ce tourbillon. Des enseignants font des cours dans plusieurs établissements pour se maintenir à flot.

et les universités publiques ?

Si les universités publiques sont relativement épargnées, malgré les restrictions de crédits fédéraux et des États, la crise d’un marché qui devait assurer la prospérité générale les atteint également. Le gouverneur de la Californie, autre symbole éclatant de la réussite, vient d’annoncer la réduction de centaines de millions de dollars pour la célèbre université de Californie (UCLA). L’une des six universités les mieux classées aux États-Unis, qui compte plus de prix Nobel qu’aucune autre. Les créateurs d’Apple et d’Intel y ont été formés. 120 000 emplois, 220 000 étudiants, cinq centres médicaux soignant 3 600 000 patients par an sont visés par les coupes proposées par Terminator, dans le rôle du gouverneur républicain - Arnold Schwarzenegger, dont l’État est en faillite.

Jacques Coubard


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