La communauté internationale condamne le coup d’État contre le président Manuel Zelaya. En dépit du couvre-feu, les enseignants appellent à une grève générale illimitée.
Les présidents démocratiquement élus ne sont plus assassinés dans leur palais. Il n’empêche, un coup d’État a bien eu lieu, dimanche, au Honduras. Les forces armées, conduites par le général Romeo Vazquez, destitué quatre jours plus tôt par le président Manuel Zelaya qu’il accusait de conspiration, quadrillent ce petit pays niché au centre de l’Amérique centrale. Les déclarations de condamnation affluent depuis. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, a vivement demandé que le président soit restitué dans ses fonctions tandis que se déroulait, hier, une session d’urgence de l’Assemblée générale.
Zelaya au sommet de l’Alba
L’Organisation des États américains, le groupe de Rio, les chefs d’État et de gouvernement latinos, toutes étiquettes politiques confondues, ont fermement réprouvé le coup d’État. Idem pour l’Union européenne ainsi que la France. Service minimum en revanche pour les États-Unis, pourvus d’une base militaire dans le pays, qui, par la voix de leur secrétaire d’État, Hillary Clinton, se sont risqués à enjoindre « toutes les parties à respecter l’ordre constitutionnel » (sic).
À Managua, au Nicaragua, le président Zelaya s’est réuni hier avec ses homologues cubain, vénézuélien, bolivien à l’occasion d’une rencontre de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (le Honduras en est membre), dont l’ordre du jour a été bousculé. Les chefs d’État présents cherchaient à affiner une réponse commune face à la crise hondurienne qui a désormais pris une tournure régionale.
La veille au soir un millier de Honduriens ont cherché à manifester dans la capitale avant d’être dispersés par des tirs de l’armée, ont rapporté plusieurs médias. Peu avant Manuel Zelaya avait souhaité s’adresser à sa nation depuis son exil.
Mais sans succès, les chaînes à même de relayer l’information ayant été bouclées. « Je n’ai jamais démissionné », a-t-il pourtant déclaré, déniant ainsi toute légitimité au « président intérimaire », Roberto Micheletti, qui a décrété un couvre-feu de quarante-huit heures et composé un nouveau gouvernement.
Selon la version des putschistes, dans une prétendue lettre officielle en date du 25 juin, Manuel Zelaya aurait évoqué, outre « la crise politique polarisée qui a abouti à un conflit national », des « problèmes insurmontables de santé » qui l’auraient poussé à « renoncer irrévocablement à la présidence » !
La ficelle est un peu grosse.
Car on voit mal un président démissionner trois jours avant l’organisation d’une consultation populaire en vue de convoquer une assemblée constituante, dont l’enjeu n’est autre que la seule limitation du mandat présidentiel. Cet aspect, répété à l’envi, a servi de prétexte à la Cour suprême, soutenue par un Congrès majoritairement de droite hostile à Zelaya, pour qualifier le référendum d’« illégal », désapprouver le limogeage de Romeo Vazquez, et l’inviter, dans la foulée, à faire sortir les militaires des casernes.
Ce triste scénario donne une impression de déjà-vu, tant les rouages ressemblent au « golpe » avorté contre Hugo Chavez le 11 avril 2002.
Ce jour-là, le président vénézuélien avait été également séquestré ; les chaînes de télévision publiques fermées tandis que les ondes privées répétaient en boucle qu’il avait démissionné, ouvrant ainsi un boulevard, avec l’aide précieuse de la CIA, au patron des patrons, Pedro Carmona, afin qu’il s’autoproclame président et évince un chef de l’État trop à gauche. Le retour de Hugo Chavez n’avait été possible qu’à la faveur d’une immense mobilisation populaire.
Coups d’état, le retour ?
C’est cette donne qui pourrait contrarier les desseins des nouveaux maîtres de Tegucigalpa. « Le seul que nous reconnaissions comme président du pays, c’est "Mel" (surnom de Zelaya) et ce qu’ils ont fait est totalement illégal », a fait savoir Eulogio Chavez, de la Fédération des syndicats d’enseignants du Honduras qui a appelé à une grève illimitée. « Nous demandons sa réinstallation immédiate, sinon nous descendrons dans les rues jusqu’à ce que nous l’obtenions », a-t-il précisé.
Bombant le torse et droit dans ses bottes, Roberto Micheletti s’est fait menaçant.
" Que ce soit Barack Obama ou, encore moins, Hugo Chavez, personne n’a le droit de venir menacer le Honduras », a-t-il averti, en faisant allusion aux déclarations du président vénézuélien qui a, en somme, rappelé que l’ère des coups d’État contre des régimes démocratiques était révolue en Amérique latine et qu’il fallait le faire savoir.
Et ce d’autant plus que plusieurs diplomates (Cuba, Nicaragua, Venezuela) en poste au Honduras ont été admonestés en voulant protéger des ministres de Zelaya. Grave et ridicule, Micheletti s’est dit prêt « à la guerre ».
Cathy Ceïbe
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