Nouveau référendum européen en Irlande : quatre fois non ? (par Susan George, Aurélie Trouvé, Michael Youlton)

vendredi 2 octobre 2009.
 

« Les gouvernements européens se sont ainsi mis d’accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler » : voici ce que Valéry Giscard d’Estaing disait en 2007 du Traité de Lisbonne, frère jumeau du Traité constitutionnel européen (TCE).

Le 2 octobre prochain, les Irlandais iront voter sur un traité rejeté trois fois, par les Français, par les Néerlandais et par eux-mêmes. En France et aux Pays-Bas, ce traité a pu finalement être adopté en privant les citoyens d’un nouveau vote et en le confiant aux parlementaires.

Mais en Irlande, une disposition constitutionnelle oblige, pour toute modification significative des traités européens, à une consultation préalable du peuple par référendum. Voilà donc le gouvernement irlandais obligé de faire revoter des citoyens qui ont « mal » voté en juin 2008. Une campagne largement financée par les grandes entreprises

Tous les moyens sont mis en œuvre pour tenter de faire changer d’avis les Irlandais, par crainte que ne se joue le même scénario. A commencer par les moyens de communication, à coup de campagnes largement financées par les grandes entreprises comme Ryanair et Intel, qui ont donné des sommes énormes pour la cause du oui.

Mais aussi, quand des centaines de travailleurs de Dell se voient licenciés suite à une délocalisation en Pologne, M. Barroso accourt immédiatement pour distribuer des carottes avant le référendum : quelques millions d’euros pour la formation et le reclassement. Ceci afin que ne soit pas soulevé le fond du problème, une Europe du libre-échange sans processus d’harmonisation sociale vers le haut et où les entreprises se délocalisent là où les règles sont les moins contraignantes.

De même, la Banque centrale européenne soutient par des subventions le NAMA (National Assets Management Authority), chargé de nettoyer les banques irlandaises des actifs toxiques.

Les partisans du oui mettent en avant ce soutien de l’Union européenne, mais se gardent bien de dire qu’il est conditionné à des coupes drastiques dans les programmes sociaux et les fonds publics, qui poussent des milliers d’Irlandais à manifester en ce moment.

Enfin, en pleine crise économique, les partisans du oui ne se gênent pas pour faire croire, si le non l’emportait, à la suppression des avantages dont l’Irlande a bénéficié après son adhésion à l’Union européenne. L’alliance hétéroclite du oui

Autour du oui, s’est constituée une alliance aussi large qu’hétéroclite, constituée du parti majoritaire (au plus bas dans les sondages depuis 60 ans, 20 % d’opinions favorables), du principal parti d’opposition, des organisations catholiques et protestantes, des syndicats patronaux…

Côté non de gauche, le rassemblement d’une quinzaine de petites organisations citoyennes, politiques et syndicales se bat contre l’Europe néolibérale et pour une Europe sociale et démocratique. Il dénonce notamment le risque d’une militarisation inscrite dans le Traité de Lisbonne, dans une Irlande attachée à la paix.

Lors du dernier référendum, cette campagne pour un non de gauche au traité a eu un rôle bien plus important que ce qui a pu être rapporté dans les médias : ceux-ci ont préféré stigmatiser ce vote en le confondant avec le non nationaliste et conservateur.

C’est uniquement vers ce non que des promesses ont été faites par le gouvernement irlandais et le Conseil européen, qui ont pris des engagements (non contraignants) concernant la nomination d’un commissaire irlandais, la possibilité de poursuivre un dumping fiscal en Irlande ou encore celle de maintenir l’interdiction d’avorter. Mais les citoyens voteront sur le même texte que la première fois, sans qu’aucune avancée sociale n’ait été introduite. L’opportunité d’ouvrir le débat

Depuis le non français au TCE, de l’eau a coulé sous les ponts. La crise a mis en lumière les impasses des traités actuels. Des articles réputés inattaquables, relatifs aux aides d’entreprises ou encore au Pacte de stabilité et de croissance, ont été allègrement piétinés, situation de crise oblige.

Au moment où une action politique forte était nécessaire au niveau européen pour endiguer le désastre économique, celle-ci n’a pas été empêchée par l’absence d’un nouveau traité, mais bel et bien par le carcan des traités européens et par l’idéologie néolibérale des instances communautaires, qui sera confortée par le Traité de Lisbonne.

Si les électeurs irlandais disaient non pour la seconde fois, cela pourrait au moins offrir l’opportunité de mettre en débat, avec l’ensemble des citoyens, le contenu d’un nouveau traité, qui puisse réellement résoudre les problèmes sociaux, écologiques et démocratiques auxquels est confrontée l’Union européenne.

Susan George (membre du Conseil scientifique d’Attac),

Aurélie Trouvé (coprésidente d’Attac),

Michael Youlton (coordinateur de la campagne irlandaise pour le non au Traité de Lisbonne)


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