Depuis son indépendance, l’Irlande est gouvernée par la droite et le centre-droit. Lors de ces législatives du 8 février, le Sinn Féin a opéré une percée spectaculaire, avec 24,5%, +10 points. Il relègue le Fianna Fàil (22,2%) et le Fine Gael (20,9%) derrière lui. Pendant longtemps diabolisé et associé à l’Armée républicaine irlandaise (IRA), l’opposition constante du Sinn Féin aux politiques d’austérité budgétaire et de régression sociale porte enfin ses fruits.

Une campagne pour la justice sociale. Malgré une croissance record, les inégalités ont explosé en Irlande. Les fruits de la croissance n’ont pas « ruisselés », loin de là. La question du partage des richesses était au cœur de la campagne du Sinn Féin, avec des propositions concrètes et financées pour répondre à la grave crise du logement ou encore des hôpitaux en crise. Les similarités avec la situation en France ne sont pas fortuites. Pour l’Irlande aussi, la Commission européenne a recommandé des mesures austéritaires. L’âge de la retraite a été fixé à 66 ans depuis 2014 puis les gouvernements se sont engagés à le repousser à 67 ans en 2021 et 68 ans en 2028. Le Sinn Féin a fait campagne pour rétablir l’âge de la retraite à 65 ans.

Le Brexit n’a pas joué un grand rôle dans les élections. Il a néanmoins permis au Sinn Féin d’établir sa crédibilité gouvernementale, fort de son sérieux dans les négociations avec Londres pour éviter la création d’une frontière dure entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Qu’il soit au gouvernement ou première force d’opposition du pays, le Sinn Féin a déjà appelé l’UE à soutenir la réunification de l’île.

Les négociations gouvernementales sont parties pour durer.Si le Sinn Féin a remporté le plus grand nombre de votes, il n’a pas pour autant la majorité à l’assemblée. Et ce en raison de la complexité du mode de scrutin irlandais et de l’absence de candidats du Sinn Féin à certains endroits. Plusieurs options sont possibles pour la formation d’un gouvernement. Pour pouvoir gouverner, le Sinn Féin doit avoir le soutien de toutes les forces de gauche et au moins la moitié des élus indépendants. La droite et le centre-droit pourraient gouverner avec le soutien des Verts. Une option qui n’est pas incongrue au regard de leur expérience commune en 2012. En cas d’échec des négociations, les Irlandais seraient de nouveau appelés aux urnes et le Sinn Féin pourrait augmenter son score.

Sophie Rauszer et Alan Confesson