Relance de la réforme des lycées : une pièce de plus dans le plan sarkozyste de démantèlement de l’enseignement public (4 articles)

mercredi 14 octobre 2009.
 

A peine Sarkozy a -t-il annoncé, le 13 octobre, les grandes lignes de sa réforme des lycées qu’on tentait de nous faire croire que Sarkozy avait renoncé à ses projets tels qu’ils figuraient dans l’ancienne réforme Darcos et qu’il s’agirait aujourd’hui d’une réforme « allégée », d’une réforme « à minima ». Quant à ceux qui apportent un soutien hypocrite à sa politique, en particulier le Parti socialiste et les Verts, ils alternaient entre formules satisfaites et regrets que Sarkozy n’aille pas assez loin : ce sont « des réponses cosmétiques » expliquait Bruno Julliard, « c’est loin d’être suffisant » disait en écho la Fidl, tandis que Jack Lang parlait d’« plan raisonnable » et que les Verts regrettaient une "réformette".

Quant aux dirigeants syndicaux, ils sont tout aussi élogieux : "Nous retrouvons dans ce plan de réforme des revendications que nous portions", se félicite ainsi Gérard Aschiéri.

Nous devons donc rétablir la réalité de ces mesures empruntées au rapport Descoings, rapport qui éclaire la réalité des annonces faites par Sarkozy.

Une réforme pour diminuer le nombre de postes

Officiellement, il s’agit d’offrir un soutien individuel aux lycéens, deux heures pour chaque élève de Seconde, Première et Terminale. Mais ces heures de soutien « n’alourdiront pas les emploi du temps des élèves ». Il s’agit donc en réalité de réduire de deux heures le nombre d’heures de cours dans chacun des trois niveaux du lycée. Mais la réalité va au delà : il est probable que ce soutien, s’il est fait par les professeurs, le sera en heures supplémentaires, car les postes sont supprimés par dizaines de milliers. Il est également vraisemblable que, en application de la mastérisation des concours, les étudiants, qui auront obligation, en M1 et M2, de faire des stages dans les établissements, seront affectés à tout ou partie de ces soutiens. (Descoings proposait « Un accompagnement pédagogique et citoyen par les étudiants en master » …). Cela va donc permettre de supprimer à terme un très grand nombre de postes

Faire travailler professeurs et élèves pendant les vacances

Une autre mesure d’économie se prépare : en finir avec les redoublements (que le gouvernement juge coûteux) grâce à des « stages de remise à niveau », et des « stages passerelles » pour changer de voie en cours d’année. Quand seront-ils faits, et qui les assurera ? La réponse se trouve dans un autre rapport fait par les députés UMP, le rapport Apparu : Seraient créés des « sas de réorientation » et de remise à niveau, animé par des enseignants volontaires. À la fin de la Seconde et de la Première, les élèves en difficulté suivraient un stage d’un mois (pendant les vacances) dans les matières où ils sont faibles. Puis un conseil de classe fin août validerait leur passage. Pour les élèves souhaitant changer de filière à mi-parcours de la Première, un sas de deux semaines serait organisé pendant les vacances de février.

Dès mardi soir, Luc Chatel précisait que« la nouvelle première permettra de corriger les trajectoires. Par exemple, un élève à la peine en S (scientifique) pourra, s’il le souhaite, passer en ES (économie et sociale) à Noël à la suite d’un stage passerelle décidé par le conseil de classe. Il suivra les cours nécessaires, pendant une semaine sur les vacances de Noël, de février ou de printemps. Et pour éviter à un lycéen de redoubler, des stages de remise à niveau seront également proposés l’été. Des professeurs volontaires vont aussi être formés pour mieux orienter chaque élève »

Dévaloriser le bac

C’est un vieil objectif pour le patronat, et la dévalorisation du bac permettra ensuite de justifier sélection (ou « orientation musclée ») à l’entrée de l’Université. Il s’agit essentiellement de réduire à peau de chagrin les épreuves nationales anonymes, en développant le contrôle continu (« réviser la nature et le contenu des épreuves du baccalauréat » dit Sarkozy, en commençant par les langues vivantes). Un autre moyen de dévaloriser le bac est de donner des points aux lycéens qui collaborent à la politique du gouvernement (« reconnaissance de l’engagement des élèves dans une association » ou autre structure par la mise en place d’un livret de compétences). Un tel livret de « compétence » revient à liquider le diplôme national, chaque bachelier ayant sa « carte » propre de compétences. Et l’on va ainsi réintroduire une sorte de livret de travail qui suivra l’étudiant puis le travailleur (comme le veut le patronat) tout au long de la vie. Chatel indique lui-même qu’en apparence le bac sera préservé ; le bac ? « On n’y touche pas, le bac c’est une institution. Mais il évoluera forcement puisque nous réformons. Par exemple, dans le contenu des épreuves, avec notamment davantage d’examens de langues étrangères ».

Quant au « rééquilibrage » des filières

Son objectif est en réalité de rentabiliser et rationaliser l’enseignement au lycée ; n’envoyer en S que les élèves qui poursuivront des études dans le domaine scientifique, et faire de L une filière « utile » aux entreprises.

Il s’agit, sous couvert de renforcer l’apprentissage des langues, de transformer la série L en une filière utilitaire, de multiplier le nombre d’assistants de langue (à la place des enseignants) et de favoriser les séjours à l’étranger (Qui paiera ces stages ?). A cela s’ajoutera la multiplication des « contacts avec le monde l’entreprise » ce qui revient, comme à l’université, à multiplier les stages non payés au détriment des enseignements.

Dernier point : le gouvernement n’était pas encore parvenu à annualiser le temps de travail des enseignants (qui n’avaient pas été touchés par l’application des lois Aubry). Le projet de réforme des lycées le permettra, par le biais des stages durant les vacances et les aménagements de programme et d’horaires qui seront laissés pour une part au soin des établissements.

Non, ce n’est pas une réforme « a minima »

Il ne faut pas être dupe ; il s’agit du premier temps d’une offensive à deux coups, comme le préconisait Descoings afin d’éviter une vague de résistance. Sur ce plan, c’est l’application strictes des propositions de Descoings (et d’Apparu). Si ce projet passe, il ouvrira immédiatement la voie à une seconde étape, conforme à la politique générale de Sarkozy, conforme à la LRU et à la mastérisation : l’objectif est de casser les statuts nationaux des enseignants, de casser les programmes et diplômes nationaux, de démanteler l’enseignement public.

Cette réforme participe d’une offensive générale présentée en séquences séparées. Ainsi, le ministre Chatel a-t-il annoncé, sous couvert de « revalorisation » des enseignants, un salaire au mérite conforme au degré d’implication dans la réforme, voire même un nouveau grade pour les plus zélés. Qui peut accepter ?

C’est donc la résistance unie qui est nécessaire pour imposer le retrait de ce projet de réforme. Cela est inséparable d’une exigence première : que les dirigeants syndicaux refusent toute discussion de ce projet

Discussion et concertation au secours de la réforme gouvernementale

Ce n’est pas un hasard si Sarkozy, dès l’ouverture de son discours du 13, a salué les mois de concertation qui ont abouti au rapport Descoings. Cette concertation n’a en rien modifié le projet initial de Sarkozy et Descoings, mais elle cautionne le rapport sur lequel s’appuie Sarkozy.

La même méthode est annoncée pour la suite : Luc Chatel a réuni le 13 octobre tous les représentants syndicaux pour amorcer des discussions sur les modalités de mise en oeuvre de la réforme. Ces discussions se poursuivront pendant deux mois. Il s’agit donc bien désormais d’associer les syndicats à la mise en œuvre de la politique de Sarkozy.

Imposer le retrait du projet implique donc de manière claire que les responsables syndicaux refusent cette concertation. Et cela, il faudra le leur imposer.

Serge Goudard

Le 13 10 2009

2) Réforme du lycée : un plan "prudent et en partie décalé", selon le SNES

Le SNES-FSU, premier syndicat des enseignants du second degré, a estimé mardi que le plan de réforme du lycée présenté par Nicolas Sarkozy était "prudent et en partie décalé".

"Se plaçant d’entrée dans une posture solennelle et théâtrale pour marquer son implication personnelle, le président de la République a présenté un plan de réforme du lycée prudent et en partie décalé", déclare le Syndicat national des enseignements de second degré-FSU (SNES-FSU) dans un communiqué diffusé mardi.

Pour le SNES, Nicolas Sarkoy "prend acte au passage des dysfonctionnements du lycée actuel sans pour autant reconnaître la responsabilité de sa politique éducative que ce soit sur l’enseignement des langues vivantes, l’orientation scolaire et les conditions de travail".

"Le discours est cependant décalé car les mesures annoncées ne répondent pas à la principale revendication des personnels : améliorer les conditions de travail et d’étude", ajoute le SNES. AP

3) Réactions de syndicats d’enseignants à la réforme des lycées

Source : http://www.vousnousils.fr

- Le Snes-FSU, premier syndicat des professeurs des lycées, a jugé que Nicolas Sarkozy avait "répondu" à certaines de ses "demandes fortes", comme "l’urgence d’une rénovation des séries technologiques industrielles" ou "le rééquilibrage des séries générales avec une rénovation de la série L" (littéraire).

Pour autant, la réforme "ne répond pas à la principale revendication des personnels : améliorer les conditions de travail et d’étude".

Et des "zones d’ombre" persistent, comme sur les contours du cycle terminal qui restent "flous" ou le rôle des conseillers d’orientation psychologues (Copsy) qui "n’est pas réaffirmé".

- Pour le Snalc-CSEN, syndicat indépendant mais considéré comme classé à droite des autres organisations, les annonces ne constituent "ni une rupture ni une nouveauté", mais il se félicite "de la volonté de revaloriser la voie technologique" et estime que pour la filière littéraire "l’ouverture à l’international par le biais des langues vivantes et du droit ne manque pas d’intérêt".

Il "rappelle pour finir que dans le cadre des suppressions de postes, seule une profonde réforme du collège permettrait de résoudre le problème de l’arrivée massive en classe de seconde d’élèves incapables d’y suivre les enseignements dispensés".

- La Cgt Educ’Action, minoritaire, juge que "des passages du discours peuvent séduire comme la partie sur la lutte contre les inégalités, l’accès développé à la culture, la démocratisation ou encore la volonté de casser la hiérarchie des filières", mais elle déplore que cela soit à "moyens constants".

"Comment afficher une ambition pour l’enseignement des langues quand on supprime les dédoublements, les postes d’enseignants et qu’on les remplace par des locuteurs natifs qui n’ont aucune formation pédagogique ?", demande le syndicat.

4) La réforme des lycées revient

En décembre 2008, Darcos était contraint par la mobilisation lycéenne de reporter sa réforme des lycées.

Sarkozy confiait alors à Descoings la mission d’établir un rapport préparatoire à la relance de ce projet.

Depuis quelques semaines, des informations différentes se sont succédées quant à la date prévue des annonces gouvernementales : septembre puis octobre, ou décembre....

La valse-hésitation semble aujourd’hui terminée ; ce mardi 13, l’architecture de la nouvelle réforme a été annoncée....par Sarkozy en personne.

Ce à quoi il faut s’attendre : Sarkozy reprendra les propositions du rapport Descoings, selon la formule préférée par ce dernier : une réforme en deux temps, pour mieux faire passer la pilule ; une réforme pour diminuer les heures de cours (économie oblige) ; une réforme qui complètera la loi d’autonomie des universités et la mastérisation des concours de recrutement : pièce après pièce, le puzzle des réformes gouvernementales se met en place, avec en perspective un champ de ruines en lieu et place de l’éducation nationale.

Ce qu’attend Sarkozy des dirigeants syndicaux : qu’ils l’aident à mettre en place cette réforme.

Ce à quoi nous devons nous préparer, ce sont des discours (notamment syndicaux) sur le thème : "il y des aspects intéressants, il y des faiblesses, il faut discuter pour améliorer...".

Mais que peut on attendre de ce gouvernement sinon une réforme-destructrice, comme l’est la réforme proposée par Descoings ?

Et comment, dans ces conditions, ne pourra t on pas commencer par faire une analyse sans concession de ce projet, et engager le combat au lieu de quémander encore et encore au gouvernement de nouvelles négociations ?

Serge Goudard


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