En 1917, Mussolini était un agent des services secrets de Sa Majesté

samedi 17 octobre 2009.
 

L’Angleterre, qui produit d’admirables reines et d’effrayants puddings, est aussi réputée pour ses agents secrets, dont les exploits ont inspiré le cinéma et la littérature. Que penserait aujourd’hui George Smiley de la "taupe" Benito Mussolini, recrutée par le service de contre-espionnage MI5 en 1917 ? La réalité a de l’imagination, se serait sans doute dit le héros de John Le Carré.

A croire Peter Martland, historien de l’université de Cambridge, le futur dictateur fasciste avait reçu l’équivalent de 6 400 euros par semaine pour œuvrer au maintien de l’Italie aux côtés des Alliés lors de la première guerre mondiale. Après le retrait de la Russie bolchevique, le Royaume-Uni redoutait que l’Italie, peu fiable, signe un armistice séparé avec les empires centraux.

C’est pourquoi, à partir de l’automne 1917, le futur Duce avait été payé 100 livres par semaine pendant au minimum un an pour écrire des articles favorables à la Triple Entente dans son journal. Mussolini avait promis à son agent traitant qu’il pouvait également mobiliser des anciens combattants pour tabasser les pacifistes.

L’"honorable correspondant" du "Cinq" n’avait rien d’honorable. Mussolini a fourni à Londres ce qu’il avait lu dans la presse ou entendu dans des cocktails. La recrue ressemblait à un agent secret tel que décrit la fiction : dilettante, l’argent facile, et surtout grand séducteur. "Je soupçonne Mussolini, qui était connu pour être un coureur de jupons, d’avoir dépensé une bonne partie de l’argent pour ses maîtresses", estime Peter Martland, qui a retrouvé la trace des paiements dans les archives de Samuel Hoare, à l’époque représentant du MI5 à Rome.

Invasion de l’Abyssinie

Par la suite, le MI5 a pris la mesure des véritables intentions de son ex-recrue, arrivée au pouvoir en 1922. D’après le livre The Defence of the Realm ("La Défense du royaume"), l’histoire officielle du MI5 publiée récemment, l’agence avait, dès 1936, averti le 10 Downing Street de l’inutilité de négocier avec Hitler et Mussolini. L’auteur, Christopher Andrew, révèle notamment les preuves sur les intentions belliqueuses des deux dictateurs apportées au contre-espionnage par un diplomate allemand anti-nazi en poste à Londres.

Devenu ministre des affaires étrangères, Samuel Hoare avait prêté main forte à Mussolini lors de l’invasion italienne de l’Abyssinie (Ethiopie), en 1935. Aux côtés du premier ministre français, Pierre Laval, le secrétaire au Foreign Office avait proposé un plan de partage du pays favorable à Rome. La polémique provoquée avait contraint ce champion de l’apaisement à la démission.

Marc Roche (Londres, correspondant)


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