JL Mélenchon, le PG et la longue marche électorale de la gauche radicale (par Michel Noblecourt, Le Monde)

dimanche 1er novembre 2009.
 

Depuis la victoire du non au référendum de 2005 sur le projet de Constitution européenne, Jean-Luc Mélenchon, alors sénateur socialiste de l’Essonne, s’est mué en prophète de "l’autre gauche", celle qui considère que la social-démocratie est "aussi morte que le communisme d’Etat". L’ancien ministre de Lionel Jospin a d’abord tenté de transformer l’essai de 2005 à l’élection présidentielle de 2007. Le projet de M. Mélenchon visait à ce que la gauche s’étant battue pour le non - les "nonistes" -, de Marie-George Buffet à Olivier Besancenot et José Bové, ait un candidat commun à l’Elysée. Peine perdue.

Résolument "optimiste", M. Mélenchon a repris sa longue marche électorale. Puisant son "inspiration" dans le parti qu’Oskar Lafontaine a créé en Allemagne, Die Linke, avec des dissidents du Parti social-démocrate (SPD) et d’anciens communistes de l’Est, M. Mélenchon aimerait réunir cette "autre gauche" dans un "Front de gauche". Le 7 novembre 2008, il a quitté, juste avant le congrès de Reims, le Parti socialiste (PS), soupçonné d’avoir engagé sa "mutation définitive en Parti démocrate". Et il a fondé, le 29 novembre 2008, sa propre formation, le Parti de gauche (PG). M. Mélenchon, devenu député européen, veut rassembler la gauche radicale - le Parti communiste (PCF), le PG, la Gauche unitaire de Christian Picquet et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) - en vue des élections régionales de 2010, puis des élections présidentielle et législatives de 2012.

Dans le recueil de discours qu’il vient de publier, L’Autre Gauche (Café République-Bruno Leprince, 140 p., 5 euros), M. Mélenchon définit clairement sa stratégie. Décidé à rompre des lances avec ses anciens amis du PS, il rêve ouvertement de plumer la volaille socialiste. Partant du postulat qu’"on ne peut pas rassembler une majorité de transformation sociale sur la ligne sociale-libérale", il juge qu’"il faut mettre en quarantaine le social-libéralisme". La gauche radicale doit se fixer l’objectif de "passer en tête de la gauche" et de remporter "une victoire précise contre la droite et contre le social-libéralisme".

L’ancien ministre est convaincu qu’"il y a une immense disponibilité à gauche pour agir en dehors du sentier de l’impuissance, battu et rebattu par le social-libéralisme". M. Mélenchon assure que "ce n’est pas par détestation des socialistes" qu’il veut bâtir des listes autonomes de la gauche radicale aux régionales. Son ambition se veut plus noble : "Le Front peut et doit disputer aux sociaux-démocrates le poste de pilotage de la gauche." Chimère ?

La longue marche est encore pleine d’embûches. Aux élections européennes du 7 juin, le PCF, le PG et la Gauche unitaire ont constitué un Front de gauche dont les résultats électoraux sont encore bien loin de ceux de Die Linke en Allemagne (11,9 % aux législatives du 27 septembre). Au scrutin européen, le Front de gauche a recueilli 1 115 021 voix, soit 6,48 % et 5 élus. Par rapport au score du PC aux européennes de 2004 (5,88 %), le bonus est modeste : un gain de 105 045 voix, soit + 0,6 point et deux élus de plus.

Le 18 octobre, le leader du PG, toujours "optimiste", a laissé entrevoir que, pour les régionales, un accord était en vue avec le NPA, celui-ci acceptant de fusionner ses listes avec celles du PS au second tour. Une proclamation qui lui a valu une vive réplique de son allié communiste. "Un désaccord sérieux persiste (avec le NPA), a-t-il affirmé dans un communiqué, sur la volonté de construire des majorités de gauche excluant certes toute compromission avec le MoDem, mais prenant toutes leurs responsabilités jusque dans les exécutifs."

De fait, les amis de M. Besancenot, qui veulent opposer à la "recomposition rose/orange/verte" en cours "le bloc des anticapitalistes, des révolutionnaires et des antilibéraux", ne semblent guère décidés à jeter leur hostilité au PS à la rivière. Si le NPA se dit prêt à "envisager des fusions démocratiques ou techniques" avec le PS au second tour, celles-ci excluent le MoDem et ne sauraient déboucher sur la participation à une majorité de gestion "sur une base programmatique commune introuvable". Impossible équation.

Le PC, qui aux régionales de 2004 avait fait liste commune avec le PS à l’exception de sept régions, dont l’Ile-de-France et l’Aquitaine, se montre très pragmatique. Les 24 et 25 octobre, son conseil national a présenté une "offre nationale" pour des listes autonomes d’un "Front de gauche élargi" au NPA à condition qu’il accepte de participer à des majorités de gauche avec le PS. "Le PS risque de nous faire payer notre autonomie au deuxième tour et on peut perdre des plumes", confie un dirigeant communiste. Le PCF a 184 conseillers régionaux sortants, ce qui le conduira, dans certaines régions, à rejoindre le PS au premier tour.

M. Mélenchon restera-t-il dans le Front de gauche en cas de défection - probable - du NPA ? La longue marche de la gauche radicale est loin d’être à son terme. Le PCF, qui a perdu beaucoup d’élus, déteste l’aventure et se méfie du "sectarisme" du NPA. Il sait qu’au second tour des régionales le PS s’ouvrira, selon la formule de Martine Aubry, ratifiée par le bureau national le 20 octobre, "aux humanistes et aux démocrates", c’est-à-dire au MoDem. Il s’en accommodera. A sa manière.


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