Mélenchon : « Le décervelage mené par les sociaux-démocrates se paye comptant »

lundi 31 août 2009.
 

Le « patron » du PG a fait sa rentrée à Clermont-Ferrand visiblement apaisé. Aux reproches d’Olivier Besancenot, il préfère ne pas répondre. Les difficultés rencontrées pour faire perdurer le Front de gauche ? Il les reconnaît. Les bons résultats des écologistes ? Il arrive à y voir quelque chose de positif. Sa seule indignation, il la réserve finalement aux « sociaux-démocrates » en général et au PS en particulier.

Marianne2.fr : Le NPA continue à crier « unité, unité », mais comment ne pas croire qu’il ne s’agit là que d’une posture ?

Jean-Luc Mélenchon : Je ne sais pas et je n’ai pas envie de savoir. Je m’occupe seulement des actes politiques qui sont posés. Avec ça, on a déjà assez à faire. Ce que je peux dire, c’est que nous sommes un peu victimes de ce qu’on craignait le plus : le dialogue par médias interposés. Tant que je n’ai pas rencontré à nouveau le NPA pour faire le point, je ne me prononce pas. C’est que j’ai trop de signaux contradictoires. D’un côté, l’interview d’Olivier Besancenot donnée à Marianne2, qui, à mes yeux, était un événement quand même marquant. De l’autre les messages qui nous viennent de certains dirigeants du NPA. Honnêtement, je suis un peu perplexe sur l’état d’esprit du NPA. Ce dont je suis sûr, c’est que nous nous sommes quittés fin juillet bons amis et disponibles pour faire l’unité.

C’est ce que vous reproche Olivier Besancenot : votre précipitation à annoncer un accord entre vos deux formations pour les régionales ?

Mettons ça sur le compte de mon ardeur juvénile ! Plus sérieusement, je n’ai pas eu le sentiment d’outrepasser ce que l’on s’était dit. Ce jour-là, il a été avancé plusieurs choses essentielles. Premièrement, qu’ils étaient disposés à faire des listes autonomes unitaires au premier tour. Deuxièmement, qu’ils étaient disponibles pour faire des fusions avec la liste de gauche arrivée en tête pour le deuxième tour. Ils avaient appelé ça : « fusion technique ». Quelques jours plus tard, dans le cadre d’une autre réunion, Pierre-François Grond (le « numéro 2 » du NPA, ndlr) avait parlé de « fusion démocratique », le mot « démocratique » étant ajouté pour tenir compte du fait que cette fusion de listes devait garantir la représentation proportionnelle au nombre de voix recueillies. Tout ça je ne l’ai pas inventé : ça a été dit, ça a été acté. Il y avait un socle acquis.

Et pendant ce temps-là, vos camarades communistes, eux, jouaient la montre et continuent encore à le faire ?

Moi, je comprends ce que disent les communistes. Ils sont présents dans vingt régions sur vingt-deux, à la fois dans les assemblées et dans les exécutifs. Il est légitime qu’ils estiment avoir leur part au bilan positif de ces régions. Et ça serait absurde de dire que ces régions n’ont aucun bilan positif. De la même manière, je comprends qu’ils aient une approche plus régionale que nationale compte tenu, d’une part, de cette expérience concrète et, d’autre part, au vu de leurs statuts. Les statuts des communistes délèguent la décision à l’échelon concerné, l’échelon local. C’est difficile. Je ne vais pas cacher cette réalité. Il est possible que le résultat final ne soit pas très cohérent. En tout cas, moi je ferais tout pour que ce soit cohérent.

Des problèmes de cohérence puisque, apparemment, on se dirige vers des accords à géométrie variable d’une région à l’autre ?

Il y a des points de vue très différents, régionalement, aussi bien au NPA que chez les communistes, et dans deux sens diamétralement opposés. Il y a des endroits où le NPA veut entendre parler d’alliance avec personne, ni au premier ni au second tour. Parallèlement, il y a des régions où les communistes seraient disponibles pour des alliances dès le premier tour avec le PS. Il va donc falloir beaucoup de doigté pour résoudre cette difficulté.

Et puis il y a les difficultés que l’on n’a pas encore traitées. Prenons un exemple : nous, nous sommes absolument hostiles à l’alliance avec le MoDem et jamais on ne cautionnera une telle alliance. Mais que fait-on dans le cas où, au deuxième tour, les socialistes ramènent dans leur fourgon le MoDem. Là, la fusion de listes ne sera jamais autre chose que « technique ». Mais sur cette question-là, j’avoue ma perplexité. Je suis perplexe parce qu’on a un devoir de rassemblement au deuxième tour et que le MoDem rend ça impossible.

Votre nouvelle stratégie, c’est ce fameux paquet électoral : un projet commun pour les trois prochains scrutins à venir. Mais quand on voit les difficultés que vous avez à vous accorder pour les régionales, on peut légitimement douter de la réussite de cette stratégie ?

Quand j’avance l’idée du paquet, je sais très bien que les trois élections sont de natures différentes. Mais ce que j’espère grâce à ce paquet, c’est que les électeurs de gauche qui, massivement s’abstiennent aujourd’hui, retrouvent une raison de participer à ces élections et qu’ils comprennent que chacun participe à un effort de longue durée.

Je prends cette initiative pour deux raisons. La première, c’est que j’essaie de mettre sur la table quelque chose qui correspond à ce que nos différents partenaires ont eu l’occasion de nous dire : le « front durable », c’est bien l’expression utilisée par le NPA ? Et puis il y a une deuxième raison : c’est que les socialistes ont pris, eux, une initiative qui modifie le champ politique : les primaires. On ne peut pas en rester simplement à critiquer cette nouvelle machine à se donner des claques qu’ont inventée les socialistes. Il faut que l’on soit proposant. Si d’un côté, les socialistes organisent leurs primaires, de l’autre, nous, nous faisons une proposition globale qui permettra de créer une unité cohérente par rapport à la foire d’empoigne que va être cette primaire. Je trouve que ça nous installe dans une dignité, dans un statut de force tranquille.

Si on imagine le pire des scénarios : le NPA décide de faire cavalier seul et le PC n’affiche pas de ligne claire au niveau national, qu’est ce que ça signifie pour le PG ?

Par nature, je préfère imaginer le meilleur des scénarios ! Mais là, ça serait une catastrophe, un champ de ruine, un échec et ce n’est pas la peine d’essayer de le cacher. Pour nous, au PG, ça voudrait dire de très mauvais moments à passer. Ça, c’est le pire des scénarios. On peut imaginer aussi le meilleur. Je reste persuadé qu’une alliance de “l’autre gauche” solide, raisonnée, proposante et positive peut nous permettre de passer devant. Je sais qu’il y a souvent du scepticisme. Mais ceux qui sont sceptiques ne tiennent aucun compte de l’état de la société, de ses déchirures, de ses aspirations à trouver des solutions réelles, des solutions qui ne peuvent qu’être radicales. La crise écologique ? Ce n’est pas avec des “mesurettes” que l’on va s’en sortir. La crise financière ? La question n’est pas de savoir si elle va s’amplifier mais quand elle va rebondir ? Les causes de la crise financière sont toujours à l’œuvre.

Vous expliquez que la société évolue, que les aspirations ne sont pas les mêmes. Mais dans le même temps, on constate que la crise qu’a traversé la social-démocratie lors des européennes n’a pas profité à « l’autre gauche » : Die Linke — le parti dont vous vous êtes inspiré — ne progresse pas en Allemagne et reste une simple force d’appui pour construire des majorités au coup par coup ? (1)

Clairement, ça prouve que la décomposition de la social-démocratie ne renforce pas la gauche. Ce qui est un scénario imprévu. Le travail de décervelage et d’ahurissement qui est mené par les leaders sociaux-démocrates se paye comptant : l’égarement de l’opinion des travailleurs. Cette désorientation s’est surtout traduite par de l’abstention. Il y a pourtant un aspect positif que j’observe en France. C’est que ça s’est aussi traduit, en partie, par un renforcement de l’écologie politique. Incontestablement, même si on désapprouve les orientations stratégiques des écolos, il y a quand même un contenu progressiste.

Évidemment, je préfèrerais que ça se tourne vers nous mais, honnêtement, je ne suis pas désolé que les écologistes en aient capté l’essentiel. C’est plutôt un bon signe. D’ailleurs à l’heure qu’il est, le potentiel réformiste de l’écologie politique est supérieur en France à celui du mouvement socialiste. C’est aussi pour ça que nous avons fait de l’écologie un des thèmes centraux de notre « remue-méninges ». Car contrairement à ce que croyait la première gauche, l’écologie politique n’abaisse pas le niveau d’exigence sociale. Ce n’est pas vrai. Moi je considère que l’écologie élève l’exigence révolutionnaire d’un projet de gauche.

(1) Interview donnée avant que ne tombent les bons résultats de Die Linke dans la Sarre, en Saxe et en Thuringe.


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