Une mobilisation générale des étudiants d’Europe est en gestation (mobilisation des étudiants en Autriche, occupations en Allemagne, amorce d’une agitation en Italie, en Hongrie)

lundi 16 novembre 2009.
 

Un mouvement spontané

C’est un profond mouvement spontané qui a jailli le jeudi 22 octobre à Vienne, puis a touché toutes les universités autrichiennes avant de s’étendre en Allemagne.

Personne ne semble avoir prévu cette mobilisation. Mais la situation était devenue insupportable. Le jeudi 22 octobre 2009, des étudiants se rassemblent puis quelques centaines décident d’occuper l’Audimax, (la plus grande salle de l’Université de Vienne). Cette occupation a fait tache d’huile, et en une semaine le mouvement s’est étendu à l’ensemble des universités autrichiennes. Partout ont lieu des manifestations, et des occupations.

Nombre d’enseignants et associations manifestent leur solidarité. Ce qui a provoqué cette mobilisation, c’est l’asphyxie financière de l’Université, les entraves multiples aux inscriptions et au libre choix des études. Mais quand on voit les plates formes revendicatives très nourries et précises, on mesure que c’est l’ensemble du système universitaire qui est en crise.

L’application du processus de Bologne

Ce qui est visé par la mobilisation, c’est le nouveau système BA/MA et PhD (Master, doctorat), lié au processus de Bologne, lequel a pour objectif de transformer les universités en entreprises concurrentes.

Ce qui est revendiqué par les étudiants, c’est –en particulier – un véritable accès aux études, le libre choix de la matière facultative, un libre accès au Master, et des moyens pour étudier.

De fait, l’introduction du nouveau schéma a été utilisée pour restreindre l’accès à certaines filières.

Et les "blocs de modules" qui sont imposés depuis cette année rendent très difficile l’étude de deux matières en même temps.

Les étudiants mettent en cause les examens qui servent à sélectionner : nous voulons « en finir avec des restrictions cachées de l’accès aux universités en forme d’examens „knock-out“ » exigent les étudiants.

Autre revendication : « La suppression de tous les frais universitaires » en même temps qu’un budget à la hauteur des besoins.

Pour les partis bourgeois, la gratuité et la qualité ne sont pas compatibles.

Ces partis bourgeois ont introduit durant l’année 2000 des frais d’inscription s’élevant à 365 euros par semestre. Cela a été supprimé par les sociaux-démocrates en 2008, mais comme ils gouvernent en alliance avec le parti démocrate chrétien, il n’y a pas eu pour autant un financement suffisant des universités par l’État ; d’où l’asphyxie. Et cette asphyxie est accrue par le fait que nombre d’étudiants allemands, frappés par la limitation des places, viennent étudier en Autriche.

Ce mouvement est d’autant plus important que, en Autriche, les grèves d’étudiants sont peu fréquentes et les occupations rares.

En Allemagne, Les universités d’Heidelberg, Potsdam et Munster sont occupées

Après deux semaines de mobilisation en Autriche, c’est en Allemagne que la mobilisation s’engage.

Au départ, la grève dans l’enseignement était prévue pour le 17 novembre. Mais la mobilisation en Autriche a été décisive pour engager le mouvement

La vague d’occupations a commencé mardi soir 3 novembre à l’université de Heidelberg, suivie mercredi par les universités de Munster et Potsdam.

Le jeudi 5, les locaux de l’université technique de Darmstadt, de l’université de Marbourg, de l’académie des arts graphiques de Munich et de l’université de Tubingen ont été occupés.

Vendredi 6, et samedi 7, la police a évacué l’amphithéâtre principal de Munster et celui de Marbourg.

Là encore, le mouvement a été spontané.

Et là encore, il y a une accumulation de revendications concernant aussi bien la gestion des Universités que l’économie générale du système de formation ou l’insuffisance des financements.

Le mouvement se focalise d’ores et déjà sur la grève et les manifestations qui étaient convoquées pour le 17 novembre.

Hongrie : Manifestation le 7 novembre à Budapest

L’agitation touche aussi la Hongrie. Les syndicats d’enseignants et associations de parents ont organisé le 7 une manifestation à Budapest « contre la scandaleuse politique de formation et le financement de l’école et des jardins d’enfants. (…) Les classes sont surchargées, des milliers de nos collègues sont au chômage, nos salaires sont ridicules et nos conditions de travail sont tragiques. Cela ne peut pas continuer ! » explique un appel syndical.

Italie, étudiants et précaires contre la réforme Gelmini de l’université

Mercredi 3 novembre, à Rome, des étudiants et des précaires ont occupé momentanément le ministère de l’Instruction Publique et ils ont tenu une conférence de presse pour dénoncer le nouveau projet de réforme.

D’autres actions ont eu lieu à Venise et Padoue.

La réforme de Berlusconi, si elle passait, porterait un coup décisif à l’université publique. Elle prévoit :

- Un conseil d’administration à la place du « Sénat académique » pour gérer chaque université, avec 40% des membres qui doivent être issus des banques, des entreprises ou du monde politique. Un Directeur général deviendra le véritable manager de l’entreprise que sera devenue l’Université.

- La concurrence entre les universités : une agence nationale évaluera les facultés, instituts et laboratoires de recherche et accordera les fonds publics en fonction des classements.

- L’institution d’un « Fonds pour le mérite », à destination des étudiants passant un test payant élaboré par une société de gestion.

- La création d’un « prêt d’honneur » pour financer les études, prêt qu’il faudra bien sûr rembourser.

- Pour les chercheurs : on passera du « chercheur à vie » au « chercheur à contrat ».

Partout, c’est la même offensive contre le droit aux études universitaires

Au-delà des particularités nationales, on voit bien que c’est la même offensive qui est conduite en France comme dans toute l’Europe : le processus de Bologne donne un cadre général aux offensives menées dans chaque pays ; il permet d’harmoniser ces attaques conduites par chaque bourgeoisie contre le système universitaire de chaque pays. Dans tous les cas, il s’agit d’une volonté d’adapter les universités aux besoins actuels du capitalisme en crise : rendre les études payantes, en combinant frais d’inscription élevés et prêts que les étudiants devront rembourser, mettre les universités en concurrence, développer les diplômes locaux, sélectionner selon les besoins du patronat, mettre les universités, leur gestion, la définition des enseignements, la recherche, le recrutement des enseignants, sous le contrôle direct du patronat.

C’est cette politique là qu’il va falloir briser

Sans que l’on puise préjuger des développements futurs de cette mobilisation, il y a déjà deux éléments importants qui sont incontestables dans ce qui s’est engagé : le caractère spontané des mobilisations qui surprend et déborde les organisations « syndicales » d’étudiants soumises aux gouvernements, l’aspiration à remettre en cause les fondements même de cette société. A cela s’ajoute la recherche clairement exprimée par les étudiants d’une mobilisation des étudiants de toute l’Europe, par-dessus les frontières.

A l’heure où certains, à la tête de l’État français, semblent obsédés par leur « identité nationale », cette volonté des étudiants d’ignorer les frontière est un fait très positif.

Serge Goudard, le 14 novembre 2009


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