Fillon hystérique sur l’insécurité : la baudruche se dégonfle

lundi 22 mars 2010.
 

"La semaine dernière à Epernay, des voyous ont violemment caillassé des policiers qui procédaient simplement à un contrôle routier. L’un d’entre eux vient de décéder. Caillasser, insulter, vandaliser, tirer, tuer : désormais il semble qu’il n’y ait plus aucune limite pour certains", s’est enflammé François Fillon lors du meeting UMP de mercredi soir, nous apprend Europe 1. Enorme gaffe : le policier n’est pas mort, proteste sur France Inter hier matin un syndicaliste (verbatim dans Le Monde) : "De telles déclarations ont un impact très négatif à la fois sur le moral des collègues et sur le moral de la famille de notre collègue. En cette période électorale, vouloir à tout prix faire de la récupération sur de l’événementiel sécuritaire, je sais pas si c’est de bon ton et judicieux."

Le Premier ministre devra piteusement s’excuser. L’erreur est effectivement révélatrice d’un empressement hystérique à sauter sur l’occasion d’un fait-divers dramatique pour racoler les voix des électeurs du Front national, à qui la suite du discours de Fillon fait des oeillades : "A tous ceux que la violence inquiète, à tous ceux qui veulent faire reculer la peur, je leur demande de nous juger sur nos actes et de ne pas se disperser dans leurs votes", cite Le Monde. Vraiment gonflé, le Premier ministre : dégonflons la baudruche. Sur les actes ? Chiche ! "Le gouvernement a supprimé 9000 postes de policiers et de gendarmes, dans les trois ans qui viennent, il en supprimera 11000. Je ne sais pas comment on peut affirmer aux Français qu’on va mieux les protéger en réduisant le nombre de ceux dont c’est le métier", rétorque le spécialiste au PS des questions de sécurité, Jean-Jacques Urvoas, sur RMC, repris par Le Post.

Quant à Nicolas Sarkozy, il annonce... une nouvelle loi !

Il "souhaite voir appliquer "systématiquement" une peine de sûreté incompressible de 30 ans pour tous ceux qui portent atteinte à un membre des forces de l’ordre", relate L’Obs.com. Ce qui fait bondir les syndicats de magistrats : "Il s’agit encore d’une réponse à un fait divers tragique avec des communiqués qui partent dans tous les sens", réagit Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature, tandis que Laurent Bédouet, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats, y voit "un pur effet d’annonce : on peut se demander ce qui va changer et qui ça va dissuader. Il s’agit encore d’un nouveau fait divers suivi d’une nouvelle loi". Faisons les comptes : depuis l’arrivée de Sarkozy au ministère de l’Intérieur en 2002, il a déjà fait voter... 25 lois sécuritaires* !

C’est pourtant le même homme qui déclarait en mars 2007, pendant la campagne présidentielle : "C’est d’ailleurs une maladie française de penser que quand on vote une loi, on résout un problème". Notre président n’en est pas à une contradiction près... Là où il demeure par contre remarquablement cohérent, c’est dans sa pratique du racolage outrancier à chaque échéance électorale : "J’ai décidé d’engager une lutte sans merci contre les voyous et les délinquants", osait-il le 20 avril 2009, en meeting UMP (mal) camouflé en déplacement présidentiel, ce que nous commentions ainsi : "la formule est grostesque. Comme si ça ne faisait pas sept ans qu’il serine le même refrain ! Sept ans qu’il multiplie les rodomontades en même temps que les lois inutiles et inefficaces.

Tout en privant la police française de moyens, concernée qu’elle est par la réduction des effectifs valable pour toute la fonction publique. En outre, la politique du chiffre qu’il impose conduit les forces de l’ordre à privilégier la chasse aux petites infractions, vite résolues, au détriment des enquêtes longues et difficiles. Plutôt adresser des PV aux automobilistes que s’attaquer à la vraie criminalité : voilà comment il peut jouer les fiers-à-bras en se vantant de l’augmentation du taux d’élucidation des affaires." Nous apportions une précision sur ce point dans L’homme qui faisait semblant de combattre l’insécurité : "Le Syndicat national des officiers de police dénonce « ces arrestations à la chaîne de fumeurs de shit, de porteurs d’Opinel, de prostituées et de clandestins pour faire du chiffre et booster le taux d’élucidation des affaires ». Pourtant, les vols de sacs à main, de voitures ou les cambriolages, ces délits dits de « proximité » qui empoisonnent les gens, ne sont pas plus élucidés.

La police n’arrête pas plus d’un voleur sur sept. Joli résultat pour celui qui se veut le chantre de la sécurité !" Parce que pendant ce temps-là, si les atteintes aux biens ont effectivement diminué, comment prétendre que la lutte contre la criminalité menée par le gouvernement est efficace alors que ne cesse de s’aggraver la violence à l’encontre des personnes (443 671 actes recensés en 2008, soit 14% de plus qu’en 2003) ? Imposture ! Alors le couple Fillon - Sarkozy, aux abois pour éviter la déroute électorale qui se profile, en est comme d’habitude réduit aux gesticulations grotesques et à la récupération sécuritaire forcenée pour séduire les lepénistes. Cette fois pourtant, même s’il ne faut jurer de rien, il semble que les Français ont - enfin ! - cessé d’être dupes.

Mise à jour du 19 mars : L’Obs.com rappelle ce matin qu’une peine incompressible systématique de 30 ans serait anticonstitutionnelle, au motif que "La Déclaration des droits de l’Homme prévoit en effet le principe de l’individualisation des peines." Et tant que nous y sommes, soulignons que Sarkozy a déclaré, à propos des meurtriers du policier de Dammarie-les-Lys, qu’ils "seront châtiés avec la plus grande sévérité". Mais ça ne le regarde pas ! En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, sans lequel il n’existe pas de démocratie, il appartient à la Justice de décider des condamnations et nullement à l’exécutif que représente le chef de l’Etat. Décidément, la Constitution et lui...

Olivier Bonnet


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message