Bilan des régionales : Revue de presse (Libération, Huma, Figaro, Monde)

mercredi 24 mars 2010.
 

1) Débandade Par LAURENT JOFFRIN Directeur de Libération

Waterloo ? Sedan ? Azincourt ? La Bérézina ? On hésite… En tout état de cause, la droite française vient de réaliser une des pires performances de son histoire. Un quart de l’électorat au premier tour, à peine plus. Il faut remonter loin dans le passé pour retrouver pareille déconfiture.

Certes on va embrouiller l’affaire, noyer le poisson, botter en touche. Deux arguments seulement viennent atténuer l’humiliation : l’abstention, dont le chiffre record est un sujet d’inquiétude pour les démocrates ; ils doivent méditer sur cette crise sociale qui est aussi une crise du politique. Le caractère régional du scrutin, ensuite, où les sortants bénéficient d’une prime naturelle.

Mais pour le reste, quelle débandade ! Le sarkozysme en actes devait rendre aux citoyens une confiance dans l’action politique : l’abstention atteint un sommet. Le débat sur l’identité nationale devait asphyxier le Front national : celui-ci réalise un score inquiétant et, dans quelques régions, il remporte un gros succès. La réunion de toutes les droites républicaines, grande idée du Président, devait permettre de creuser l’écart au premier tour : cet écart est effectivement creusé, mais au détriment de l’UMP. Enfin, et c’est sans doute le trait principal du scrutin, la gauche gagne une bonne dizaine de points par rapport à la précédente élection régionale, alors même qu’à l’époque le gouvernement en place était déjà impopulaire. Si l’on considère que cette élection est aussi un sondage grandeur nature, il se résume par un mot : le désaveu.

Il s’agit d’un premier tour et la majorité peut légitimement espérer que les abstentionnistes soient d’abord de droite. Un effort de mobilisation peut amortir l’échec, même si l’on n’en voit guère les prémisses. Dans ces conditions, le vote impose aux chefs de file de l’opposition une responsabilité nouvelle. Pour transformer le succès en victoire, l’union la plus large est un impératif catégorique. Les trois principales composantes de la gauche ont marqué des points : Martine Aubry est en passe de réussir à rétablir le Parti socialiste dans sa position de premier opposant ; l’écologie devient sans conteste la deuxième force de la gauche, confirmant sa percée des européennes ; le Front de gauche s’installe dans le paysage. Personne ne comprendrait que ce triple succès soit soudain compromis par des considérations de boutique. De ce scrutin régional peut naître un espoir national. Laissez-le grandir.

2) Régionales : une claque pour la droite

La droite subit un recul plus fort que prévu. L’abstention atteint un niveau record. La gauche enregistre une large avance. Le Front de gauche s’installe dans le paysage politique.

Ce devait être un vote sanction ; ce fut un vote gifle que le gouvernement de Nicolas Sarkozy vient d’essuyer hier au soir du premier tour des élections régionales. Dimanche en début de soirée, les premières estimations sorties des urnes convergeaient sur un verdict sans appel : il semblait en effet que le score des listes UMP resterait au bord des 30 %. Ce qui signifie que moins d’un tiers des Français qui se sont rendus aux urnes régionales ont manifesté leur soutien à la politique actuelle. Fait aggravant, le taux record de l’abstention n’est pas le reflet d’un climat de confiance à l’égard du gouvernement.

Cette abstention, tout laisse à penser qu’au début de la campagne elle était intégrée dans la tactique de l’Élysée. Tout s’est déroulé comme si la droite redoutant la sanction populaire avait dans un premier temps tout entrepris pour décourager le citoyen. L’opinion publique ne peut retenir comme contribution du parti « majoritaire » que des ragots de basse police contre un candidat du PS ou des propos racistes tenus par Gérard Longuet, sénateur UMP conseiller de Nicolas Sarkozy. Ce n’est que dans les derniers jours de la campagne que l’Élysée a tenté de redresser la situation et entrepris de susciter un début de remobilisation de ses troupes. Nicolas Sarkozy allant même, dans le Figaro Magazine, à exhorter les électeurs de droite à se rendre dans les bureaux de vote. De son côté, François Fillon fut envoyé hors de la tranchée dans quelques meetings pour labourer les thèmes identitaires de la droite de droite : sécurité, immigration. Or les tout derniers sondages portant sur les motivations des électeurs plaçaient l’emploi au premier rang des préoccupations des Français, quelles que soient par ailleurs leurs préférences politiques.

La gauche, dans toutes ses composantes, enregistre une large avance sur le camp sarkozyste. Quelques points seulement séparaient hier soir les listes du PS et celle de l’UMP. Selon la SOFRES, le PS devançait l’UMP de 30 % contre 23 %. Si les listes d’Europe Écologie flirtaient avec les 12 ou 14 %, les équipes du Front de gauche étaient créditées selon les premières estimations d’une fourchette entre 6 % et 7 %. Cette alliance, qui a fait ses premières armes lors des européennes de juin 2009, s’implante dans le paysage politique, comme une composante qui va compter dans la recomposition politique. Localement, des résultats témoignent de cette évolution. Á Martigues la liste conduite par Jean-Marc Coppola atteint 23 % derrière 30 % à la liste Vauzelle. En Auvergne, la liste Chassaigne dans certaines localités doublait son résultat de 2004.

Á vouloir séduire l’électorat du Front national en multipliant les provocations et les campagnes idéologiques visant à diviser les habitants de notre pays, les stratèges du sarkozysme ont remis en selle le parti officiel de l’extrême droite française. Crédité de 10 % jusqu’à 12 % selon les instituts de sondages, le FN a donc capté une partie des électeurs de droite, dans les milieux populaires, déçus par la politique sociale de Nicolas Sarkozy. Marine Le Pen a mené dans le Nord-Pas-de-Calais une campagne de démagogie sociale qui a rencontré un écho certain dans un contexte d’explosion du chômage et de précarité. Même limité à des zones géographiques bien définies (le Sud-Est et le Nord-Pas-de-Calais), le progrès du FN est à mettre au bilan de Nicolas Sarkozy qui prétendait le phagocyter en reprenant ses thèmes de campagne. Il est en autre grand perdant au lendemain de ce premier tour. Le Modem se trouve plus ou moins mis hors jeu des tractations qui avaient tenté certains dirigeants socialistes pour le second tour. Tout s’est passé comme si le corps électoral avait rejeté l’hypothèse d’alliance contre nature. Á moins de 5 %, le parti de François Bayrou se trouve exclu des négociations qui vont s’ouvrir à gauche. La situation politique s’en trouve quelque peu clarifiée.

Jean-Paul Piérot

3) Le Front de gauche a renouvelé son score des européennes, mais ne l’a pas sensiblement amélioré (Le Figaro)

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, l’alliance PCF-Parti de gauche et Gauche unitaire obtient 5,90 % des voix, éclipsant cependant, de façon plus franche qu’aux européennes, le NPA d’Olivier Besancenot en forte chute (autour de 2,4 % des voix).

Le Front de gauche « confirme son existence », a assuré dimanche soir le président du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon. Mais le député européen a surtout pointé l’abstention qui, pour lui, n’est « pas une case creuse ». « C’est une case d’insurrection civique », a-t-il dit, constituée de gens qui en ont « ras le bol ». De son côté, la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a estimé que ce premier tour était « un vote sanction très clair » qu’elle a appelé à « amplifier au second tour ».

Si ce score n’est pas à la hauteur de leurs attentes, il est tout de même une bouffée d’oxygène pour les communistes qui ont réalisé, à la présidentielle de 2007, le pire score de leur histoire : 1,93 %. Même si l’ancienne candidate qui, a priori, pourrait quitter son poste au congrès de juin, affirme que « cette liste d’union » lancée aux européennes est « une initiative du PCF », elle reste pourtant fortement associée à la figure charismatique de Jean-Luc Mélenchon. Mais l’ancien PS et député européen n’est pas parvenu à s’imposer face aux communistes comme chef de file en Ile-de-France. Pierre Laurent, le bras droit de Marie-George Buffet, y a fait campagne pour tenter de s’imposer, en juin, à la tête du PCF. Dimanche soir, les estimations lui donnaient 6,4 %, soit plus que la moyenne nationale, sachant que le Front de gauche n’a été présent que dans 17 régions sur 22.

Négociations avec le PS

Mélenchon, qui rêve d’incarner « l’autre gauche » non socialiste, a cependant profité de cette liberté pour courir la campagne dans toute la France. Dans le Limousin par exemple, où la tête de liste Front de gauche de Christian Audouin (PCF) s’est alliée au NPA et a obtenu 13,13 % des voix, un score exceptionnel.

Dès dimanche soir, les négociations ont débuté avec les socialistes. « Nous voulons des listes communes de toute la gauche » au second tour a déjà indiqué Marie-George Buffet, qui espère influer sur les programmes pour qu’ils soient « clairement en rupture ».

Le NPA de Besancenot a perdu son pari de l’autonomie

La stratégie d’autonomie défendue par la direction nationale du NPA était un pari audacieux. Pari perdu. Le Nouveau Parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot obtient 2,4 % des voix, contre 4,9 % aux européennes. « Globalement, notre score est décevant », a reconnu la direction nationale du NPA, appelant, au deuxième tour, à infliger « la défaite la plus importante possible aux listes soutenues par Sarkozy ». Olivier Besancenot a concédé hier soir que son parti avait réalisé « un mauvais résultat ». Lui-même, chef de file en Ile-de-France, n’aurait rassemblé que 3 % des voix, selon TNS-Sofres. Il envisageait, la semaine dernière, de franchir les 5 %.

Outre le choix de l’autonomie, la polémique autour de la présence d’une candidate voilée sur la liste du Vaucluse a aussi plombé la campagne. Hier soir, le Limousin était la seule région où le NPA pouvait espérer obtenir un élu. Une des trois régions, avec le Languedoc-Roussillon et les Pays de la Loire, dans lesquelles le NPA local, allant à l’encontre des choix nationaux, s’était allié au Front de gauche. En Limousin, le chef de file PCF, Christian Audouin, pouvait se flatter d’un score à deux chiffres (13,13 %) permettant à « l’ensemble des composantes de (sa) liste d’être représentées à la région ». Et le président PS sortant, Jean-Paul ­Denanot, semblait disposé à accueillir des représentants de l’ex-LCR.

4) Régionales : la droite recule sur tous les fronts

On attendait une défaite de l’UMP, mais sans doute pas d’une telle ampleur. Selon les estimations de TNS-Sofres, réalisées à 19 heures sur 90 bureaux de vote, le parti présidentiel perdrait sa place de première formation politique de France, avec 26,5 %. Le PS serait largement en tête de ces élections, avec 30 %, trois points et demi au-dessus.

Pour Europe Ecologie, qui comptait poursuivre la dynamique née des européennes, le résultat de ce premier tour serait une contre-performance. Avec 12 %, les écologistes seraient au coude-à-coude avec le Front national pour le titre de troisième force du pays. Le FN réaliserait une performance meilleure qu’attendu et pourrait provoquer nombre de triangulaires.

L’autre grand perdant du scrutin serait le MoDem, crédité de 4 %, deux fois moins que son score aux européennes. A 6 %, le Front de gauche réussirait en revanche son pari, celui d’être la troisième formation de gauche, loin devant le NPA, à 2 %, une contre-performance. Lutte ouvrière et l’Alliance écologiste indépendante seraient quant à elles à 1 %.


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