Argentine, Europe mêmes causes, mêmes effets ? (Stéfane Alberny)

mercredi 22 mars 2006.
 

Mardi 21 mars, l’association ATTAC organisait une soirée débat à Rodez autour du film « The Take », film de deux journalistes canadiens sur la crise argentine de 2001 et sur le combat des citoyens argentins pour en sortir.

Ce film évoque la grande braderie de Carlos Menem pendant les années 90 où sous la pression du FMI tout ce qui pouvait être vendu du patrimoine national l’a été, depuis les entreprises florissantes jusqu’à la santé, l’éducation et j’en passe. Tout ceci au profit de quelques privilégiés nationaux et de multinationales, lesquels, lorsque l’Argentine saignée à blanc s’est retrouvée dans l’impossibilité d’honorer sa dette et de répondre à ses besoins intérieurs, se sont empressés de faire sortir du pays sous la garde de la police leur énormes capitaux en cash.

Au lendemain de la crise financière le peuple argentin, dont la valeur de la monnaie a été divisée par 4, a envahi la place publique pour résister à la marche en avant du libéralisme. Le film retrace, outre les difficultés quotidiennes des citoyens argentins sans liquidités dans un monde marchand, le parcours de travailleurs dont les entreprises ont été fermées suite à la démission des patrons qui entre parenthèses sont partis avec les salaires. Pour survivre, car c’est bien le mot qu’il faut employer, ces travailleurs ont décidé de résister en reprenant eux mêmes leur entreprises pour essayer d’en tirer un moyen de subsistance. L’autogestion devient le maître mot en argentine, accompagnée du slogan Occuper, Résister, Produire. Car ceci bien sûr est illégal dans un pays ou le droit à la propriété est inscrit dans la constitution. Les travailleurs militants sont confrontés à la justice et à la police qui d’un côté ne peut (ou ne veut ?) poursuivre les patrons pour récupérer les salaires impayés mais de l’autre applique avec zèle la loi pour expulser par la force les salariés des entreprises occupées.

Par cette crise les argentins ont retrouvé la voie de la démocratie directe, les assemblées se multiplient sur les places des villes et des villages avec en point d’orgue les manifestations du 19 décembre où des millions d’argentins envahissent la place de mai pour scander « qu’ils s’en aillent tous », rejetant en masse le système libéral qui les a trompé.

Cette lutte laisse des traces profondes dans les convictions des jeunes militants, jeunes par force car les vieux ont soit été tués, soit emprisonnés et cassés, soit exilés sous la dictature, et j’ai été frappé par un slogan écrit sur un mur et repris par une jeune militante qui disait ceci : « Nos rêves ne rentrent plus dans vos urnes ». Les argentins ne croient plus en l’état qui ne peut plus réguler quoi que ce soit face au rouleau compresseur du libéralisme. Ils se tournent avec force vers les coopératives et l’autogestion pour façonner par eux mêmes leur présent et leur avenir.

Ce film ne va pas assez loin à mon sens sur le devenir de ce mouvement, mais c’est une bouffée d’espoir pour les militants que nous sommes.

Un pays vendu au marché, une classe politique à la botte des patrons, des services publics bradés, des avancées sociales fortement remises en question, l’Argentine des années 90 ressemble à s’y méprendre à l’Europe des années 2000. D’ailleurs un argentin anonyme déclare : « L’Argentine est déjà là où le monde entier va, servez vous de nos erreurs. »

A bon entendeur, contrairement à ce que l’on entend, combattre aujourd’hui le démantèlement des services publics ou du code du travail n’est pas un combat d’arrière garde mais un combat pour notre survie future en tant que citoyens libres.

Stéfane Alberny


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