Je crois à l’imminence d’une révolution citoyenne « qu’ils s’en aillent tous » (interview de Jean Luc Mélenchon dans Le Point)

dimanche 14 juin 2015.
 

Le point - « A quelques jours de leur congrès les communistes vous reprochent votre agressivité envers les socialistes. L’ennemi pour vous c’est la droite ou le PS ? »

« Pour moi, pour battre la droite, il faut changer la gauche. Donc mettre fin à l’hégémonie du PS. Aussi longtemps que le PS peut utiliser le chantage au vote utile, il ne bouge pas idéologiquement, il s’encroûte, il attend que les suffrages pleuvent comme tombe la neige en hiver. Il nous faut donc secouer le cocotier pour gagner la confiance populaire. »

Le Point - « Ça semble lui sourire : avec Aubry ou DSK, le PS est en bonne position pour gagner l’Elysée ! »

« Sarkozy est loin d’être battu d’avance ! Les socialistes finiront par lui donner un air protecteur s’ils font la bêtise de choisir le représentant de commerce universel du libéralisme, Dominique Strauss Kahn. C’est aujourd’hui l’homme qui impose les pires politiques antis sociales en Europe ! »

Le Point - « Il n’est pas un homme de gauche ? »

« Strauss-Kahn est membre du Parti socialiste. Et alors ? Ce qui compte c’est ce qu’il fait. Il ne pourra pas s’en dédire ! C’est la pire politique libérale jamais appliquée en Europe ! Partout où il passe, il arrive avec la même boîte à outils : une grosse machine pour cajoler les riches, et une tenaille pour les autres. Cet homme est en train de provoquer une catastrophe universelle : la contraction de la première économie du monde, l’Europe, en imposant à tous la même médecine de rebouteux qui ne débouchera sur rien. »

Le Point - « Mais la crise est un moment de l’histoire où il faut agir en urgence… »

« Il faut surtout agir à bon escient ! Le moment est venu de faire la relève des solutions à droite et à gauche. La social-démocratie des Schroeder et des Blair et maintenant celle des larbins du FMI, les Papandreou, Zapatero, Socratès, est totalement épuisée. Elle est incapable d’affronter des crises de cette nature. Le PS se fond dans le moule de cette recette au moment précis où elle échoue. En pleine crise du capitalisme, le PS adopte un programme en retrait sur les précédents et il opte pour un socialisme compassionnel anglo saxon, le « care » ! Au secours ! »

Le Point - « Vous vous êtes dit « capable » d’être candidat à l’Elysée. Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ? »

« L’étrange serait de me dire incapable de représenter mes idées. Une première dans ma vie ! Mais je ne me sens pas prédestiné, comme la plupart des envoutés que je vois gesticuler sur la scène de la présidentielle. Il y a des gens ivres de pouvoir. Ces élèves des grandes écoles qui ont l’habitude de se battre jusqu’au dernier sang pour avoir la première place ! Ils constituent l’aristocratie des partis de pouvoir. Ces gens sont dressés dans l’habitude du « moi je » et de la compétition. Mauvaise éducation ! »

Le Point - « Pas vous ? »

« Ma culture est celle du collectif. Je viens du rang commun. Je suis un homme d’assemblée, j’ai été parlementaire pendant plus de vingt ans. Le régime parlementaire peut être stable : regardez l’Allemagne aujourd’hui. Je rappelle que nous avons gagné la Grande Guerre avec un régime d’assemblée. Je doute qu’un système ramassé sur un homme isolé soit plus efficace. De toute façon, même dans un système de pouvoir parlementaire, à la fin il y a une responsabilité individuelle du chef du gouvernement. Mais elle est confrontée à un collectif : l’assemblée nationale. Tandis que le système de la 5e république, c’est l’organisation de la déresponsabilisation du premier responsable. C’est ce processus pervers qui finit par monter à la tête de tous les compétiteurs. Moi, il ne me contamine pas ! Dans mon cinéma personnel, il n’y a pas le perron de l’Elysée mais la tribune de l’Assemblée nationale. Notre programme c’est que le candidat du Front de Gauche soit le dernier président de la cinquième république ! Passons vite à la VIème ! »

Le Point - « Pourquoi croyez-vous aux chances du Front de Gauche ? »

« Les circonstances historiques peuvent nous donner notre tour. On peut sourire quand je dis ça. Les élites voient l’Histoire comme un mouvement linéaire, tranquille, comme l’est leur propre existence. Mais il y a ceux qui savent que l’Histoire de France est tragique. Dans les moments de grandes secousses, les français se tournent vers les audacieux qui n’ont pas la main qui tremble, ceux qui savent ce qu’ils veulent. Par temps calme, quand une douce brise gonfle mécaniquement les voiles, le pays a moins besoin de gens comme nous. Mais quand il y a un avis de grosse tempête, alors nous sommes mieux adaptés à la situation que les marins d’eau douce qui sont aujourd’hui à la barre. »

Le Point – « La crise vous sert ? »

« Je ne suis pas un cynique. Mais je crois à l’imminence d’une révolution citoyenne. Vous verrez qu’en France, ça se terminera aussi par ce message : « qu’ils s’en aillent tous » ! Les gens sont exaspérés par des élites incapables de faire face à la situation, mais parfaitement capables d’organiser le confort de leur propre vie. Vous regrettez la révolution de 1789, vous ? Aujourd’hui, pour abolir les privilèges, il va bien falloir que ça secoue un peu. De l’ouvrier à l’ingénieur tous ceux qui produisent vont se liguer contre la tyrannie de la finance. Dans ce cas, vous aurez un choix : la violence de l’extrême-droite, ou la sortie maîtrisée dans le cadre de la révolution citoyenne que je défends. Mais vous pouvez aussi acheter un fer à cheval UMP ou quelques pattes de lapin socialiste… Pas sur que ca vous porte chance ! »

Propos recuellis par Michel Revol.


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