« Les riches ont tous des casseroles, peu n’ont rien à cacher » (Michel Pinçon)

lundi 19 juillet 2010.
 

Le sociologue Michel Pinçon, spécialiste de la grande bourgeoisie, décrypte la manière dont la droite s’insère dans celle-ci et 
ses réseaux d’affaires. Un univers qui privilégie l’entre-soi et accroît tout à la fois son pouvoir d’action et son capital.

L’affaire Woerth est-elle l’illustration 
des réseaux 
de relations, que vous évoquez dans vos ouvrages, comme un des traits spécifiques de la bourgeoisie ?

Michel Pinçon. Cette affaire met effectivement en évidence l’importance des réseaux entre les individus dans leur vie sociale. C’est un pouvoir important car chacun, dans ce monde-là, 
a dans sa sphère d’activité, dans sa famille, des interrelations qui, en se cumulant, donnent des pouvoirs fantastiques à chaque individu, des moyens d’action variés et efficaces…

Ces connexions entre le monde politique et le monde des affaires sont-elles courantes ?

Michel Pinçon. Elles le sont effectivement. Pour ce qui est des connexions entre la bourgeoisie et le monde politique, c’est essentiellement à droite que tout cela se passe. Elles ont pour caractéristique un personnel politique au service de la haute société, des entreprises, des banquiers, etc. Mais il existe aussi des hommes politiques issus de ce milieu. Il y a, par exemple, des politiques et des héritiers à la tête du cercle de l’Union interalliée – ce fut le cas d’Édouard Balladur  ; ils s’insèrent également dans les clubs mondains.

Qu’ont en commun les membres qui composent le gouvernement de Nicolas Sarkozy et les milieux d’affaires ?

Michel Pinçon. Ils partagent une dimension idéologique profondément néolibérale. Ils sont évidemment attachés 
aux structures capitalistes avec, aujourd’hui, une dimension financière. La multiplication de ces structures financières permet de générer des profits rapidement et sans efforts notables. C’est un sous-univers de personnes récemment arrivées dans 
le monde des affaires. À l’inverse de Rothschild, ces nouvelles fortunes ne remontent pas 
au XIXe siècle.

Dès le début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy a fait de l’affichage de sa proximité avec les élites financières, la marque de sa politique. L’affaire Woerth illustre-
t-elle cette philosophie et 
ses dérives ?

Michel Pinçon. Il s’agit incontestablement d’un accident de parcours. D’abord, le problème de Liliane Bettencourt et de sa fille, auquel se sont greffées les conversations enregistrées par un majordome qui n’aurait même pas dû en être témoin. À partir de là, il s’est passé quelque chose de très redouté dans cet univers : une information le concernant est sortie de ce milieu. Relations chics, familiales, entre-soi... On ne fréquente pas n’importe qui, c’est une garantie de discrétion. C’est très représentatif de cet univers et de ce qu’on pourrait découvrir, si on cherchait vraiment. Ils ont tous des casseroles, peu n’ont rien à cacher du côté des paradis fiscaux, des niches fiscales et de tout ce qui permet de diminuer l’imposition.

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, les Ghettos du Gotha, coll. « Points-Seuil ».

Entretien réalisé par 
Manon Ferrandi


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