16 novembre 1943 : Olga Bancic, grande résistante du groupe Manouchian, est arrêtée par des policiers français au service des nazis

samedi 24 février 2024.
 

1) Hommage à Olga Bancic membre des FTP-MOI (par UFAC Bagnolet)

Symbole des femmes étrangères engagées dans la Résistance française, Olga Bancic appartenait au groupe des 23 Résistants que "l’Affiche Rouge" rendit célèbre : 20 étrangers et 3 Français, 12 juifs sur 23. Ils appartenaient aux FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’Oeuvre Immigrée), organisation de combat très active dans la région parisienne en 1942-1943. Arrêtés et torturés, les 22 hommes furent fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Parce qu’une femme n’a pas droit au peloton d’exécution, selon le droit militaire allemand, Olga Bancic sera

- transférée à la prison de Stuttgart ou elle a été torturée pendant plusieurs semaines avant d’être guillotinée.

- décapitée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944, jour de ses 32 ans.

Olga est né en 1912 à Kichinev, dans la Roumanie alors intégrée à l’Empire russe. Sixième enfant d’une famille de petits fonctionnaires, elle connaît très tôt la misère et la guerre. Apprentie matelassière dès l’âge de 12 ans, elle participe à une grève, est emprisonnée, battue, relâchée, et enfermée à nouveau pour les mêmes motifs.

Elle n’a pas encore 17 ans quand elle se marie et part à Bucarest. Elle rejoint les rangs des Jeunesses communistes. En 1933, les fascistes roumains répriment brutalement le mouvement de protestation s’opposant à l’avènement d’Hitler à la tête de l’Allemagne.

Olga est condamnée à deux années de prison qu’elle purge. Libérée, mais sous surveillance, elle gagne la clandestinité. Traquée, elle quitte son pays pour la France. Nous sommes en 1938, et Olga participe activement à l’aide aux Républicains espagnols. Début 1939, elle devient maman d’une petite fille qu’elle appelle Dolorès, en hommage à Dolorès Ibarruri, la "Passionaria".

Au cours de la guerre, elle intègrera les FTP-MOI. Plus précisément au 1er détachement, composé en majorité de Roumains d’origine juive. Chargée d’un service de liaison, son nom de code est Pierrette et ses faux papiers la nomment Alice Montia ou bien Marie Lebon. Son mari, Alexandre Jar, appartient également au 1er détachement MOI. D’un commun accord, ils décident de vivre séparément (sécurité oblige). La petite Dolorès est mise à l’abri dans une famille française.

Olga gère un dépôt d’armement et organise la distribution et la récupération des armes lors des "coups de main" contre l’occupant.

Le 16 novembre 1943, à l’issue de l’une des filatures des Brigades Spéciales de la préfecture de police de Paris, Olga Bancic, Marcel Rayman et de nombreux autres FTP-MOI se retrouvent dans les locaux des B.S., salle 23.

Les témoignages concordent : interrogatoires sauvages pour tous -Olga est allongée sur deux bancs réunis par ses camarades- elle a un courage énorme... Elle quitte la préfecture pour la prison de Fresnes, le 27 novembre probablement.

Le procès des 23 s’ouvre le 19 février 1944 : 23 condamnations à mort. Olga sera déportée, d’abord à Karlsruhe, puis à la prison de Stuttgart où, le 10 mai à 5 heures, elle est décapitée.

Sa dernière lettre, elle l’écrit pour Dolorès :

" Ma chère petite fille, mon cher petit amour,

Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.

Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour. J’ai toujours ton image devant moi.

Je vais croire que tu verras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon coeur. Tous les deux vous m’êtes chers. Ma douce enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t’aime beaucoup.

Tu ne sentiras pas le manque de ta mère.

Ma chère enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute la vie avec ton père, avec tout le monde. Je vous embrasse de tout mon coeur, beaucoup, beaucoup.

Adieu mon amour.

Ta mère

Olga Bancic"

2) Olga Bancic « Malgré des tortures ignobles, elle ne céda jamais »

Par Max Weinstein, 
Vice-Président de l’association Mémoire des Résistants Juifs 
de la MOI (MRJ-MOI).

Juive, roumaine et communiste, Olga Bancic a toujours combattu le système fasciste. Seule femme du groupe Manouchian, engagée dans les FTP-MOI, elle fut parmi les premières à organiser des actes de résistance qui 
se transformèrent 
en lutte armée.

C’est un honneur pour la France d’avoir pu compter dans les rangs de la résistance à l’envahisseur nazi une femme de la trempe d’Olga (Golda) Bancic. Elle était d’un courage inébranlable, une grande figure féminine, une mère aimante, qui rehausse avec force le rôle qu’ont joué de très nombreuses femmes et jeunes filles avec l’ensemble des résistants. Et l’on sait que, malgré les tortures ignobles de ses geôliers, elle n’a pas cédé ni concédé le moindre renseignement pouvant les servir dans leurs tristes besognes. On sait aussi que, durant le laps de temps qui s’est écoulé entre la date de sa condamnation et son exécution en Allemagne elle fut de nouveau lourdement harcelée et torturée, sans jamais céder. Une véritable héroïne, communiste, juive et résistante.

Sixième enfant d’un petit fonctionnaire, à quatorze ans, elle a commencé à travailler comme ouvrière. Après une enfance et une jeunesse active et animée en Roumanie, pays où elle est née en mars 1912 dans la ville de Kichinev, alternant travail clandestin et séjours en prison pour ses activités syndicales et revendicatives, à seize ans et demi, elle se marie et part à Bucarest, où elle adhère aux Jeunesses communistes. Recherchée, traquée de toutes parts, elle quitte son pays et arrive en France en 1938 pour suivre des études à la faculté des lettres. Alors âgée de vingt-six ans, elle participe avec un de ses compatriotes, Jacob Salomon, à l’envoi d’armes aux républicains espagnols. Elle épouse Alexandre Jar, ancien des Brigades internationales et écrivain (1911-1988), et donne naissance en 1939 à une petite fille, Dolorès.

1940, c’est la guerre avec l’occupation allemande de la France. Sans la moindre hésitation, Olga s’engage et fait partie des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans de la main-d’œuvre immigrée) dans la lutte contre les nazis. Elle hésite d’autant moins que le système fasciste, sinistre ennemi, elle l’a vécu en Roumanie où elle fut persécutée. Elle fut parmi les premières à organiser et réaliser des actes divers de résistance qui se transformèrent assez rapidement en lutte armée.

Pour être libre de ses mouvements et pouvoir se consacrer entièrement à la Résistance, elle confie sa petite fille à une famille française qui en prendra bien soin.

Elle est chargée de l’assemblage de bombes et divers engins explosifs, de leur transport à destination et également du convoiement d’armes destinées aux opérations, armes qu’elle récupère après chaque opération pour les mettre en lieu sûr.

Le 16 novembre 1943, elle est arrêtée par les brigades spéciales de la préfecture de police de Paris, en même temps que Marcel Rayman et Joseph Sevec, combattants des FTP-MOI, en tout 23 d’entre eux qui donneront à la propagande nazie l’occasion de faire placarder la célèbre Affiche rouge, dite du groupe Manouchian, à Paris et dans toute la France.

Le 21 février 1944, les 23 sont condamnés à mort par une cour martiale allemande, réunie à Paris le 15 février 1944. Les 22 hommes du groupe sont fusillés le jour même de leur condamnation, au mont Valérien, dans la banlieue parisienne. Olga Bancic est transférée en Allemagne. Elle est incarcérée à Karlsruhe puis, le 3 mai 1944, dans la prison de Stuttgart où elle est décapitée le 10 mai, à trente-deux ans, le jour même de son anniversaire.

Avant d’être exécutée, elle fit parvenir à la Croix-Rouge le 9 mai 1944 la lettre à sa fille accompagnant une note rédigée (texte à l’orthographe corrigé) ainsi  :

« Chère Madame, je vous prie de bien vouloir remettre cette lettre à ma petite fille Dolorès Jacob après la guerre. C’est le dernier désir d’une mère qui va vivre encore douze heures. Merci. »

Lettre à sa fille (1)  :

« Ma chère petite fille, mon cher petit amour,

« Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère fille, demain à 6heures, le 10mai, je ne serai plus.

« Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour.

« J’ai toujours ton image devant moi.

« Je vais croire que tu verras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur.

« Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est pour toi une mère aussi. Il t’aime beaucoup.

« Tu ne sentiras pas le manque de ta mère.

« Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie, avec ton père, avec tout le monde. Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.

« Adieu mon amour.

« Ta mère. »


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