Henri Rol-Tanguy a vécu 
la résistance chevillée au corps

mercredi 4 novembre 2015.
 

Ouvrier métallo, syndicaliste, membre des Brigades internationales, responsable communiste avant 
de devenir le colonel Rol-Tanguy, Henri Tanguy, de son 
vrai nom, a vécu 
la résistance chevillée au corps.

Né à Morlaix le 12 juin 1908, installé à Paris en 1923 avec sa mère, Henri Tanguy deviendra ouvrier métallurgiste hautement qualifié, membre de la CGTU et du Parti communiste. C’est la menace fasciste révélée en février 1934 qui fait vraiment entrer dans le combat politique, et surtout syndical, ce métallo passionné de vélo et d’une grande curiosité intellectuelle. Coopté en octobre 1936 permanent du Syndicat des métaux CGT de la Seine après avoir été licencié pour fait de grève, il s’engage en février 1937 en Espagne, est en mai 1938 commissaire politique de la 14e Brigade internationale et participe à la bataille de l’Èbre, période capitale pour l’acquisition de sa compétence militaire et sa compréhension des hommes. En 1944, il choisit son dernier pseudo-clandestin, Rol, en hommage à Théo Rol, tué sur l’Èbre. Fin 1938, les Brigades internationales dissoutes, il retrouve le Syndicat des métaux. Le 15 avril 1939, il épouse Cécile Le Bihan, l’une des secrétaires du syndicat, sa marraine de guerre.

En 1939, le pacte germano-­soviétique ne change en rien sa détermination antifasciste. Mobilisé, il passe l’hiver en Lorraine et participe en juin aux derniers combats dans le Cher, où il est cité à l’ordre de son régiment. Démobilisé le 18 août 1940, à Paris le 19, il retrouve ses camarades métallos grâce à Cécile en contact avec l’un d’eux, Henri Gautier. Ignorant tout des tentatives légalistes de la direction communiste de l’été, il participe à la création des comités populaires clandestins de la métallurgie et en devient l’un des responsables. En mars 1941, Henri Tanguy change d’affectation et est jusqu’en juillet 1941 responsable politique du triangle de direction d’un secteur de Paris du Parti communiste.

Henri Tanguy est alors appelé par Danielle Casanova à militer dans la lutte armée que le Parti commence à organiser. Cécile, déjà engagée pour les comités populaires, sera jusqu’à la Libération sa secrétaire et son agent de liaison. D’août 1941 à septembre 1942, Henri Tanguy est le « militaire » du triangle de direction des groupes armés – FTP début 1942 – de la région parisienne, sous la responsabilité politique de Raymond Losserand, le « technique » étant ­Gaston Carré, remplacés après leur arrestation en mai 1942 par Roger Linet et Raymond Colin. L’expérience des attentats, sabotages, manifestations, conduit Henri Tanguy à préconiser une nouvelle tactique  : pour mieux assurer la protection du groupe de trois chargé d’une opération, celui-ci sera secondé par un deuxième groupe, un troisième couvrant le repli général. Ce dispositif est utilisé une première fois pour la manifestation de ménagères conduite par Lise London, rue Daguerre, à Paris, en août 1942. Linet et Colin arrêtés, Tanguy est muté pour des raisons de sécurité en septembre 1942 en Anjou-Poitou comme responsable politique FTP, mais est rappelé à Paris dès avril 1943, en raison du manque de cadres, à la suite de nombreuses chutes. Responsable politique, il déploie la tactique de 1942 avec les deux autres membres du triangle, Joseph Epstein (militaire) et Édouard Vallerand (technique).

Muté début septembre 1943 au Comité d’action contre la déportation (CAD), il est versé fin 1943 comme FTP dans les FFI (Forces françaises de l’intérieur) en cours de constitution à l’état-major d’une région englobant Paris et onze départements, dont le chef est le colonel Robert Fouré, officier de la Coloniale. Il y dirige le bureau des opérations. À la suite de la restructuration de ce vaste ensemble, il est, début juin 1944, chef régional FFI de la région P1 (Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne). Désormais colonel Rol, il sait gagner la confiance de son état-major, qui compte de nombreux officiers de réserve ou d’active, par sa compétence et son indépendance à l’égard de sa formation d’origine. En dépit de difficultés multiples, venant notamment des conditions de la clandestinité, un travail considérable d’état-major permet, avec la conjoncture nouvelle du débarquement du 6 juin, d’intégrer les directives d’actions de guérilla dans une logique militaire fondée sur la connaissance précise de l’évolution du rapport des forces. Cette connaissance conduit Rol à se prononcer en août pour l’insurrection, déclenchée le 19. En plein accord avec son état-major, il est un acteur essentiel de l’échec de la trêve, envoie son chef d’état-major, le commandant Cocteau, auprès de l’armée américaine – mission très importante pour faire accepter la marche de la 2e DB de Leclerc sur Paris –, appelle aux barricades, l’objectif étant, non de libérer Paris par ses seules forces, mais de contraindre l’ennemi à se retrancher dans quelque bastion d’où les Alliés le chasseront. L’objectif est atteint le 25 août, avec la capitulation de von Choltitz, dont Rol cosigne un exemplaire gare Montparnasse. Le 18 juin 1945, date emblématique, le général de Gaulle le fait compagnon de la Libération  ; il gravira tous les échelons de l’ordre de la Légion d’honneur, jusqu’à la grand-croix en août 1994. Cécile est devenue commandeur en décembre 2008.

Engagé dans l’armée dès la Libération, Rol est d’abord aux côtés du gouverneur militaire de Paris, le général Koenig. En avril 1945, il participe à la campagne d’Allemagne dans la 1re armée du général de Lattre de Tassigny comme lieutenant-colonel stagiaire adjoint du colonel Gandoët, commandant le 151e régiment d’infanterie issu de la colonne Fabien. Le 8 mai 1945 le trouve à Waldsee, entre Danube et lac de Constance.

La guerre terminée, alors que Cécile s’occupe essentiellement des enfants – deux sont nés pendant la clandestinité, deux après la guerre –, Henri Rol-Tanguy connaît d’abord la vie de garnison d’un officier supérieur, avant d’être victime de la guerre froide  : reconnu excellent officier, mais suspect comme communiste, il est en 1952 relégué « personnel sans emploi », avant d’être mis à la retraite d’office en 1962. Membre du comité central du PCF de 1964 à 1987, il n’y exerce pas de responsabilité importante. Toutes ces années et jusqu’à son décès le 8 septembre 2002, il se consacre à la mémoire de la guerre d’Espagne et de la Résistance, enjeux pour lui essentiels.

Bibliographie  : Colonel Rol-Tanguy et Roger Bourderon, Libération de Paris, les cent documents, avant-propos de Jacques Chaban-Delmas, Hachette Littératures, 1994. Rol-Tanguy, de Roger Bourderon, préface de Christine Levisse-Touzé, Tallandier, 2004.

par Roger Bourderon, historien. L’Humanité


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