Idée, Identité, Désir communistes (Par Jacques Broda, sociologue)

samedi 31 juillet 2010.
 

Idée, comme formation de l’esprit (idéelle, idéale), Identité comme image de soi, Désir comme volonté de justice, le communiste est au centre.

L’Idée communiste le porte à agir, elle représente pour lui le futur, le souhaitable, elle guide ses actions, ses pensées. Cette idée est une vision avant d’être une visée, elle porte une utopie, un lieu du désir. L’Idée communiste est un imaginaire, un souhait, un espoir, un guide pour l’action. Pas seulement l’action politique, elle guide les actes dans la vie courante, familiale, au travail, chez soi, à table. Idéalement basée sur le respect, le partage, la dignité, l’écoute, le don, le courage, l’analyse des situations, elle convoque une morale et une éthique, guide pour l’action et pour la pensée, elle se nourrit de toutes les expériences, 
(ré)interprétées à l’aune de la lutte des classes, mais aussi à l’aune d’un idéal d’émancipation agi au quotidien et dans le projet. Cette Idée communiste nous y tenons, autant qu’elle nous tient. Elle forge l’organisation – théoriquement –, « épouser la notion », dit Mallarmé. Quand les camarades ont épousé l’organisation au détriment de la notion, le pire est arrivé.

L’Identité communiste, un sentiment d’appartenance, une communauté de partage, une référence, un référent, à l’identique et au même sont dans le même parti. L’Idée est plus large que l’Identité, l’Idée dépasse le parti. L’Identité individuelle et collective nous situe par rapport aux autres, aux mêmes (liens et altérités), aux différents (liens possibles) idéologiques et politiques. L’Identité nous soude, et en même temps chacun la vit différemment, singulièrement, elle rassemble dans le lien et le dissensus. Elle n’est pas du « un », elle est du multiple et du commun, ce qui fait lien à l’intérieur, c’est l’Idée et le Désir. À l’extérieur l’Identité communiste est vécue comme une image, l’image de soi pour les camarades devient une image de l’autre. Elle symbolise la lutte, le courage, le dévouement, le Parti des fusillés, mais aussi le stalinisme, l’hégémonie, le centralisme, un « mauvais objet » à détruire.

Le Désir communiste est un désir pour l’autre, pour les autres, la justice est son ressort, son essor, c’est un désir de politique et une politique du désir, et non du besoin. Le besoin part de soi, le désir de l’autre. Certes, la satisfaction des besoins sociaux est vitale, cruciale, tout doit être mis en œuvre pour cette réalisation, mais le Désir communiste est d’une autre ampleur, il vise à une transformation radicale des rapports sociaux et pour le sujet à une volonté, une force, un courage d’être le sujet historique de cette transformation. Le Désir communiste transforme le communiste dans son action, tout comme l’Idée, il est un guide pour l’action. Un guide n’est pas une force de frappe, mais une orientation, un sens, une autocritique analytique du pourquoi de son désir, de la justesse de son dire et de son agir. Une éthique. Si la révolution doit être permanente, le rapport à la révolution est soumis à une critique permanente du désir de révolution en son application.

Le pacte d’union populaire proposé par Pierre Laurent provoque les trois dimensions. Le pacte nous lie dans un projet commun, une idée commune, partagée avec d’autres dans un but, il engage l’engagement commun et réciproque à le respecter. L’union veut construire du lien, réunir et rassembler les forces de luttes et de transformation. Populaire est partagé le plus largement par le peuple, porté par les valeurs populaires de luttes, de justice et de fraternité. L’Idée, l’Identité et le Désir communistes sont convoqués simultanément dans une stratégie d’alliance. Toute la difficulté est là, ne pas perdre son âme, tout en la jouant dans une lutte violente. Nous ne choisissons pas les situations, mais nous pouvons les créer, comités de lutte, comités citoyens, cellules élargies, comités de base, réseaux, ateliers d’écriture, ateliers de création de l’action politique, l’ouverture du champ des possibles est immense. La pulsion d’effacement doit céder le pas à la pulsion de création.

En 1945, voici ce que dit Tristan Tzara (j’ai changé le poète en communiste)  : «  La mauvaise organisation sociale qui… aboutit, en opprimant une partie de l’humanité par une autre, à des contradictions et des luttes inhumaines, le communiste en ressent singulièrement l’immoralité et le mensonge. Le communiste est essentiellement révolutionnaire. Son sentiment profond tend à la transformation du monde actuel en un monde où l’homme puisse être entièrement d’accord avec lui-même. Mais le monde présent est tel que toute révolte individualisée est non seulement inefficace, mais nuisible, car vouée à un échec consubstantiel certain, elle se réfugie dans une attitude de pessimisme ou d’évasion. La vie de nos jours, pour le communiste, a nom Révolution. Avec tout ce que cela comporte d’action, de foi, d’adhésion aux nécessités immédiates des hommes tels qu’ils sont, tels qu’ils deviennent, tels qu’ils luttent, tels qu’ils vivent et qu’ils aiment.  » (1)

(1) T. Tzara, «  Poésie latente et poésie manifeste  », revue Europe, «  la Poésie et la Résistance  », 1974, no 543.

Jacques Broda


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message