Clin d’œil sur l’affaire Aldo Moro – Extrait du livre « Un onorevole siciliano », d’Andrea Camilleri

vendredi 3 septembre 2010.
 

Le titre est à double sens : « un honorable Sicilien », puisque le mot « onorevole » désigne un député. Camilleri y recueille et commente les plus importantes interventions, à la Chambre des Députés, de Leonardo Sciascia, qui siégeait entre 1979 et 1983 dans les rangs du Partito Radicale.

Il s’agit de la séance du 10 août 1979, où Sciascia analyse et critique la politique du gouvernement Cossiga lors de l’enlèvement et du meurtre d’Aldo Moro. Camilleri rappelle le contexte, et précise :

On ne peut pas ne pas constater comment la gestion et la conduite des enquêtes durant l’emprisonnement de Moro furent souvent inefficaces, lacunaires, contradictoires et parfois réellement peu transparentes si non parfaitement équivoques. Un seul exemple, mi-bouffon mi-tragique, suffira. Un jour Romano Prodi se présenta au quartier général de Cossiga, peut-être bourré de trop de gens de la P2, affirmant que durant une séance de spiritisme avec le pendule (sic !) était apparu que Moro était tenu prisonnier en un lieu qui avait un rapport avec le nom, de Gradoli.

Tout de suite magistrats, carabiniers et policiers, rapidement envoyés dans la localité de Gradoli, à quelques kilomètres de Rome, foullèrent chaque mètre carré de la zone, avec des chiens et des plongeurs, mais ne trouvèrent rien. Mais à personne, et la chose semble quand même bien bizarre, ne vint l’idée de consulter un quelconque répertoire des rues de Rome : on aurait ainsi découvert qu’il y avait à Rome une via Gradoli, où, détail non négligeable, le SISDE, une branche des Services, possède quelques appartements de fonction.

Et voici une autre bizarrerie.

Le matin du 18 avril, quelqu’un habitant au 96 de la rue Gradoli appelle les plombiers parce qu’il est inondé par une fuite venue de l’appartement au dessus. Les vigiles forcent la porte et découvrent, dans la salle de bains de l’appartement abandonné, que la douche a été laissée ouverte exprès et disposée de façon à ce que l’eau passe à travers le sol.

Non seulement, mais dans l’appartement, qui résulte loué depuis trois ans à l’ingénieur Mario Borghi et à sa compagne, sont retrouvés des documents des Brigades Rouges, des armes et jusqu’à un appareil radio. On découvre ainsi que via Gradoli se tenait la principale base d’opérations des BR, et que l’introuvable ingénieur Borghi n’est autre que Mario Moretti, chef des BR de Rome stratège du rapt Moro et que sa compagne est la brigadiste Barbara Balzarani.

Une plaisanterie des BR qui justement dans ces pièces avaient tenu quelques temps Moro prisonnier ?

Et donc, quand tous les enquêteurs furent déroutés vers la localité de Gradoli, comment ne pas soupçonner un dépistage délibéré ?

* Andrea Camilleri, Un onorevole siciliano, Bompiani, Milan, 2009, 12 euros.

CAMILLERI Andrea


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