Désastre électoral de la gauche italienne. Plusieurs leçons pour toute l’Europe (15 avril 2008 2018)

vendredi 19 avril 2024.
 

- 5) 2018 Comment la gauche italienne est tombée si bas

- 4) Italie 2008 Plusieurs leçons pour toute l’Europe (Jacques Serieys)

- 3) Face à la gauche qui s’engloutit elle-même, la résistance commence à s’organiser ! (Jean-Luc Mélenchon, 2007)

- 1) Italie : le crépuscule du communisme parlementaire

5) Italie 2008 Plusieurs leçons pour toute l’Europe (Jacques Serieys)

La défaite cuisante de la gauche italienne et de la coalition Arc en Ciel en cette mi-avril 2008 doit interpeller tout militant de gauche, progressiste et anticapitaliste.

En effet, nous nous attendions dès ses débuts à ce que l’expérience gouvernementale de Tony Blair en Grande Bretagne se termine en catastrophe.

"La fin de Tony Blair" tragédie social-libérale en 5 actes (25 septembre 2006)

Nous avions compris que le glissement "démocrate à l’américaine" des socialistes européens (dont Ségolène Royal, Gérard Collomb, François Hollande ans co) cassait la possibilité d’une alternative populaire majoritaire de gauche au profit d’objectifs politiciens personnels sous l’oeil bienveillant des USA et du capitalisme qui a toujours plusieurs fers au feu.

Mais je suis personnellement effaré par l’évaporation du Parti Communiste Italien sur la même pente, peut-être parce que j’ai beaucoup suivi ses textes politiques et son action politique depuis le début des années 1960.

5a) Des raisons de fond

L’affaiblissement des alternatives "de gauche" au modèle néo-libéral s’explique évidemment par des raisons structurelles et pas seulement des choix politiques erronés de dirigeants :

- la réussite du capitalisme dans l’écrasement des avant-gardes des années 1968 et dans l’affaiblissement des syndicats, des services publics, des acquis sociaux ouvrant la voie à une période de recul puis d’attentisme politique

- l’effondrement de l’URSS et du "communisme réellement existant"

- le gauchisme de l’extrême gauche qui ne lui a pas permis d’apparaître comme l’avenir de la gauche et de la société malgré les impasses de la social-démocratie et des PC.

- les médias représentent un appareil idéologique de plus en plus performant et de plus en plus influent au service des intérêts capitalistes

- plus les gauches délaissent la défense réelle des milieux ouvriers et populaires, plus une partie de ceux-ci s’abstiennent électoralement ou s’engouffrent derrière des pantins d’extrême droite, plus le jeu électoral apparaît incapable de laisser naître une alternative, plus la radicalisation génère de la radicalité apolitique et une abstention massive.

5b) En Italie, la défaite de 2008 couvait dans la victoire électorale de 2006

En avril 2006, une coalition de "centre gauche" dirigée par Romano Prodi et nommée L’Union avait obtenu une majorité (348 députés). Elle avait chassé du pouvoir l’alliance de droite autour de Berlusconi nommée Maison des Libertés (281 députés).

Deux ans après, cette coalition de centre gauche a perdu la confiance populaire par une politique très favorable au grand patronat, par des "affaires" mettant en cause plusieurs de ses dirigeants, par le jeu complexe des institutions italiennes (deux chambres dont un Sénat conservateur), par l’impossibilité de trouver un compromis entre l’aile droite de la coalition et tous les élus de son aile gauche.

Plusieurs commentateurs avaient diagnostiqué dès 2006 ces risques. L’incapacité de ce centre gauche à répondre à l’intérêt général des Italiens était effectivement prévisible.

La logique électoraliste sans principe de la gauche italienne lui a fait choisir Romano Prodi, archétype du politicien bourgeois, comme leader. "Conseiller" de Goldman Sachs entre 1990 et 1993, puis de 1997 à 2004, son lien au capital financier est évident. Président de la Commission européenne de 1999 à 2004, il met en place le Traite de Nice puis suit de près la rédaction du fameux Traité Constitutionnel Européen. Comment imaginer qu’un tel dirigeant politique ferait une autre politique que la subordination aux USA au plan international et la subordination aux intérêts des grandes entreprises en Europe ?

La composition de la coalition posait également problème. En faisaient partie deux forces politiques membres du Parti Populaire Européen (comprenant pour la France le RPR puis UMP) : l’Union des démocrates pour l’Europe et le Südtiroler Volkspartei (Parti autonomiste du Tyrol du Sud).

Le nom même de la coalition, L’Union, indique son caractère conjoncturel dans le but de faire élire quelques politiciens pour une mandature avant une autre alliance bidon pour la mandature suivante.

Nous touchons là à un problème central : les médias personnalisent à outrance la vie politique tout en invisibilisant les milieux populaires et leurs représentants politiques. Dans ces conditions, le leader néolibéral peut bien mener une politique qui le fait détester, une autre baudruche d’opposition est prête pour le remplacer sans rien changer dans le fond.

5c) Evolution du Parti Socialiste Italien

Fondé en 1892 sous le nom de Parti des Travailleurs Italiens puis (1893) Parti Socialiste des Travailleurs Italiens, enfin (1895) Parti Socialiste Italien, cette force politique a connu une histoire proche de celles du PS français. Cependant, sous l’impulsion de son nouveau secrétaire général Bettino Craxi, il fut le premier à choisir une alliance avec le centre droit en 1976.

Organisation parfaitement intégrée dans la caste politicienne italienne, le PSI connut scandales sur scandales et compromissions sur compromissions. Bettino Craxi est mis en cause dans une demi-douzaine d’affaires de financement illégal du PSI et de corruption. Inculpé, puis condamné à vingt-sept ans et demi d’emprisonnement, il fuit en Tunisie avant de revenir quelques années plus tard. Le parti lui-même est mis en liquidation judiciaire après une défaite électorale.

De trahison en trahison, d’une formation politicienne conjoncturelle (le temps d’une élection) en une nouvelle formation politicienne conjoncturelle, une partie significative des élus évoluent de telle sorte qu’ils adhèrent à des partis de droite pour assurer leur réélection. En 2000 par exemple, Bobo Craxi crée la Ligue socialiste, qui rejoint ensuite le Nouveau PSI, allié du centre droit de Silvio Berlusconi, ami intime de Craxi père.

Dans la Maison des Libertés de Silvio Berlusconi en 2006, ces élus socialistes côtoient les néofascistes du MSI (71 députés nostalgiques de Mussolini), la Ligue du Nord (26 députés aux accents fréquemment racistes) et autres alliés peu reluisants pour des élus venus de la gauche.

La plupart des partis de l’Internationale Socialiste évoluent actuellement vers le centre atlantiste libéral et parfois la droite. Tel est le cas presque partout en Amérique latine.

4 février 1992 : Hugo Chavez tente de renverser le président assassin social-démocrate pro-américain Carlos Andrès Pérez

Les partis libéraux, ancrés à droite et membres influents de l’Internationale Socialiste en Amérique Latine (1 Bolivie)

Tony Blair illustre ce nouveau visage de la social-démocratie.

Je viens d’avoir une discussion avec des cadres socialistes qui sont certains d’un avenir différent pour le PS français. Je suis, quant à moi, beaucoup plus prudent.

5d) Comprendre l’échec du centre gauche italien au gouvernement

Cette "gauche" s’effondre parce qu’elle avait accepté une alliance électoraliste avec un "centre" lié aux intérêts capitalistes et englué dans des pratiques politiciennes locales.

Le sinistre libéral Romano Prodi a conduit, en deux ans, la gauche italienne à une défaite électorale mémorable. Comment l’explique-t-il ?

* le centre droit démocrate chrétien l’aurait trahi. Bigre ! C’était prévu d’avance. Quel nul ce Prodi ! L’Union des démocrates pour l’Europe n’est rien d’autre qu’un élément de la classe politicienne bourgeoise profitant de mandats électoraux. Quel gâchis lamentable que de casser la confiance populaire sur les avanies du couple Mastella Leonardo (soupçons de corruption, concussion et trafic d’influence)

* la Confindustria (MEDEF italien) a refusé une contrepartie sociale aux efforts des salariés en faveur des entreprises. Bigre ! C’était prévu d’avance. Quel nul ce Prodi ! Aucun homme politique ne peut oublier le conflit d’intérêt entre le capital et le travail sans se perdre.

5e) Quelle orientation pour la "gauche" ?

La raison du désastre électoral n’est pas à chercher seulement dans l’alliance avec le "centre" mais aussi dans l’orientation voulue par la gauche, à savoir une politique social-libérale, atlantiste, répondant aux intérêts du capital financier, correspondant à la nature actuelle de l’Union européenne privilégiant la "concurrence" aux dépens des services publics et de l’intérêt général, méprisante pour les salariés et les milieux populaires.

Je suis bien conscient de l’obligation dans laquelle se trouvent des dirigeants de gauche au pouvoir de tenir compte du rapport de forces international et de ses implications monétaires, économique...

Cependant, une orientation social-libérale ne peut que couper la gauche de sa base électorale amenant ses ambitieux dirigeants liés au capitalisme à pousser toujours plus loin l’abandon des fondamentaux du mouvement ouvrier et socialiste et même des fondamentaux républicains.

Au risque de paraître un dinosaure politique, je reste attaché à une orientation d’union des partis de gauche hérités de l’histoire du mouvement ouvrier et socialiste (y compris extrême gauche et Verts) sur un programme permettant un front unique social et une alternative concrète au libéralisme. Dans une telle configuration, l’alliance électorale conjoncturelle avec de petits partis autres n’est pas rédhibitoire à condition que son poids institutionnel reste limité.

5f) Gauche radicale et gauche "modérée" électoraliste

C’est la gauche de l’alliance gouvernementale soutenant Prodi qui vient de payer au prix fort ces bêtises. La coalition italienne Arc en Ciel représentait un front électoral entre les deux Partis Communistes italiens, les Verts et socialistes de gauche ayant refusé la dissolution dans l’alliance centriste du Parti Démocrate. Aux dernières élections législatives, cette coalition représentait plus de 10% des suffrages, non compris les socialistes de gauche.

Ce front vient donc de s’effondrer électoralement, ne recueillant que 3,21% des voix, avec pour conséquence qu’il ne sera représenté par aucun député ou sénateur.

Il convient de noter que ce "front" n’était rien de plus qu’une addition d’étiquettes incapable de créer une identification forte dans l’électorat populaire.

Quoi qu’il en soit, l’avenir de la gauche comme l’avenir de l’Italie passe par ces 3,21% même si la construction d’une vraie gauche prendra du temps.

Résumons-nous : La déroute de la coalition Arc en Ciel s’explique :

- > par des raisons d’orientation politique : L’orientation libérale et atlantiste de Romano Prodi depuis deux ans a démoralisé, minorisé, décrédibilisé les courants de gauche à la fois membres du gouvernement et critiques sur l’orientation de celui-ci. L’abstention a particulièrement touché leur base sociale.

Aujourd’hui, les dirigeants de l’Arc en Ciel expliquent qu’ils comptaient pousser à gauche le gouvernement en s’appuyant sur le mouvement social ; or, une fois au gouvernement des Prodi, Dini et autres, ceux-ci ont totalement ignoré le mouvement social.

Voilà un sujet de réflexion qui ne manque pas d’intérêt. Toute alliance électorale de gauche victorieuse électoralement place ses dirigeants sociaux libéraux en situation de forte autonomie vis à vis d’alliés anticapitalistes grâce au poids des institutions et des appareils d’Etat ainsi maîtrisés.

5g) Quelle forme organisationnelle pour la gauche radicale ?

Même si les informations données par la presse sont limitées, il semble aussi que le front unitaire de type cartel n’a pas crédibilisé les propositions d’Arc en Ciel : tiraillements entre organisations, absence de dirigeant médiatiquement mis en avant.

Cette expérience rappelle que toutes les structures unitaires anticapitalistes nées depuis 1989 dont un ancien parti communiste constitue le coeur ont échoué par manque de dynamique démocratique mouvementiste, l’ex-PC privilégiant ses propres intérêts. Cela n’entraîne pas que ce type d’expérience n’est pas à reproduire ; cependant, sa réussite n’est ni linéaire, ni certaine et le PC cherchera dès la première occasion à en profiter seul.

Ce qui vient de se passer en Italie représente une leçon pour toute la gauche européenne. Il est temps d’en tirer un bilan détaillé et surtout dégager les conséquences adéquates en terme de stratégie politique.

La gauche anticapitaliste n’a aucun intérêt à participer à une coalition électorale "de gauche" si celle-ci doit pratiquer une politique social-libérale guère différente de la droite.

Est-ce à dire que cette gauche anticapitaliste doit s’isoler en se drapant de façon propagandiste sur sa vertu de "vraie gauche", en prétendant apporter une solution politique par les seules luttes ? Surtout pas. Elle a besoin d’autonomie pour ne pas sombrer comme en Italie mais elle doit intelligemment rester porteuse d’unité sur les revendications et aspirations du milieu salarié et populaire, porteuse d’unité sur l’intérêt public.

Je noterais de plus que la coalition Arc en Ciel est apparue comme une alliance conjoncturelle non crédible.

Conclusion

Ce désastre italien sonne également comme un avertissement en France pour les membres du mouvement Pour la République sociale. Le Parti Socialiste est-il encore profondément différent du reste de la social-démocratie européenne ?

A mon avis, le dernier congrès comme la campagne de Ségolène Royal lors des présidentielles augurent plutôt d’un glissement vers la tradition Schroeder, Blair, Prodi et autres. Dans ces conditions, que faire ?

Jacques Serieys

4) Élections 2018. Comment la gauche italienne est tombée si bas

Italie. Succès du mouvement Cinq étoiles et de l’extrême droite

À l’occasion des législatives de dimanche, le peu de forces politiques qui se réclament de la gauche devraient péniblement recueillir 10 %. Quant au Parti démocrate de Matteo Renzi, il a rompu avec cette tradition politique.

Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne. En 2014, le Parti démocrate (PD) faisait envie à toutes les forces de gauche du Vieux Continent. Aux élections européennes, avec son nouveau dirigeant, Matteo Renzi, cette formation obtenait 40,81 % des voix. L’ancien maire de Florence semblait donner un nouveau souffle à un centre gauche exténué. Pour les élections législatives de dimanche 4 mars, les sondages ne lui prédisent guère que 22 % d’intentions de vote. Peut-être avec ses alliés la coalition de centre gauche pourra-t-elle rassembler 27 % des suffrages, soit moins que la coalition de droite et moins que le Mouvement cinq étoiles (M5S). Quant aux forces qui se réclament encore de la gauche, que ce soit les communistes de Pouvoir au peuple ou les socialistes de Libres et égaux, elles peuvent espérer obtenir à elles deux 10 % des voix.

1 Le renzisme a largué les amarres de la gauche

Pourtant, ce dimanche, à Brescia, Matteo Renzi se voulait rassurant quant au sort du Parti démocrate. «  Nous arriverons les premiers. Ne croyez pas ceux qui disent le contraire  !  » a-t-il lancé à l’assemblée. À l’heure où ses concurrents de droite et du M5S multiplient les promesses, il fait valoir son sérieux et le bilan qui a été le sien au poste de premier ministre, de 2014 à 2016. «  Nous avons créé (…) 1 029 000 nouveaux emplois, dont 50 % à temps indéterminé  », s’est-il vanté. Il répète à l’envi  : la croissance est de retour. Elle s’établit en effet à 2 %.

Son discours est technocratique, celui d’un bon élève de Bruxelles. En attendant, l’électorat de gauche est désorienté. Au pouvoir, Matteo Renzi est revenu sur certaines conquêtes du mouvement ouvrier  : il a supprimé l’article 18 du statut des travailleurs, qui oblige un employeur à réintégrer un salarié injustement licencié, et qui est la cible de la droite depuis les années 1970. Cette disposition du Code du travail avait été défendue de haute lutte en 2003 contre le gouvernement Berlusconi par la CGIL. À l’époque, 3 millions d’Italiens avaient convergé vers Rome. L’ensemble des forces de centre gauche s’était rangé aux côtés des syndicats, Matteo Renzi détonnait déjà  : il soutenait la mesure.

La réforme du marché du travail de Renzi a eu un effet important. Le PD s’est départi de ce qui fait la marque de fabrique de la gauche  : son lien avec les syndicats. «  On ne peut pas dire qu’il ait complètement rompu cette relation, estime Marco Damiani, chercheur en sciences politiques à l’université de Pérouse. Mais les organisations de salariés ont été considérées par Matteo Renzi comme un fardeau dont il fallait se débarrasser pour réorganiser le marché du travail.  » Sur le style également, il y a une rupture. «  Matteo Renzi a eu un type de leadership berlusconien, analyse Maurizio Acerbo, secrétaire du Parti de la refondation communiste (PRC). Cela a érodé la culture de la gauche et permis à la droite, pourtant en très forte crise, de relever la tête.  »

2 UN CENTRE GAUCHE QUI A RENONCÉ DEPUIS LONGTEMPS

Les renoncements à mener une politique de gauche ne sont pas neufs. Le péché originel est à rechercher dans la dissolution du Parti communiste en 1991. Il faut alors aux post-communistes se trouver une identité de substitution et une raison d’être  : ce sera le suivi des dogmes européens. Au pouvoir de 1996 à 2000, et de 2006 à 2008, le centre gauche aura été le champion de la réduction de la dette. De même, il épouse l’idéologie libérale  : on est compétitif grâce à la flexibilité du marché du travail. Ainsi, «  dès 1997, le paquet Treu introduit les contrats flexibles  », rappelle Marco Damiani. Sur le plan symbolique, la création, en octobre 2007, du Parti démocrate, qui absorbe les anciens communistes et une partie des démocrates-chrétiens, s’est soldée par l’éloignement de la gauche du mouvement ouvrier, avec lequel elle était historiquement liée. À l’époque, Walter Veltroni, son secrétaire, stipulait que le PD se trouvait «  à équidistance entre les employés et les employeurs  ». En d’autres termes  : le parti qu’il dirigeait n’avait plus vocation à représenter le monde du travail.

3 LE MOUVEMENT CINQ ÉTOILES concurrence la GAUCHE

La nature a horreur du vide. «  Depuis quelques années, l’espace de la protestation est occupé par le Mouvement cinq étoiles. C’est lui qui a récupéré l’espace de la protestation  », déplore Maurizio Acerbo. Certes, cette formation démagogue développe un discours sur l’immigration qui frise parfois la xénophobie de la Ligue du Nord. Certes, elle se dit désormais, avec son nouveau leader, Luigi Di Maio, pro-européenne, et fait la cour aux entrepreneurs avec une politique fiscale avantageuse. Certes, le M5S cherche à casser tous les corps intermédiaires et a prôné une réforme des syndicats pour le moins dangereuse.

Il n’en demeure pas moins qu’on a pu observer avant 2013 – c’est moins le cas depuis – des transferts de l’électorat de centre gauche et de la gauche radicale vers le vote Mouvement cinq étoiles. À la crise de la démocratie représentative, le M5S oppose une participation citoyenne par les moyens modernes qu’offre Internet. Face aux problèmes environnementaux, une politique écologique radicale est avancée. Et concernant l’insécurité sociale, dans un pays où la protection sociale est faible, la revendication phare du M5S est celle d’un revenu de citoyenneté. Autant de thèmes et valeurs qui parlent à un électorat de gauche lassé du social-libéralisme.

4 UNE GAUCHE RADICALE SUR LE BANC DE TOUCHE

Les forces qui se réclament de la gauche, elles, sont mal en point. «  L’Italie a connu un processus d’individualisation, qui conduit les citoyens à moins se reconnaître dans des référents collectifs  », estime Marco Damiani. La gauche qui ambitionne de représenter le monde du travail en a pâti. À cela s’ajoute la faiblesse des mobilisations sociales de ces dernières années, comparées à celles de 2008 à 2011, lorsque Silvio Berlusconi gouvernait. «  Il est difficile de mobiliser quand il y a un gouvernement de centre gauche au pouvoir. La réforme des retraites à 67 ans a ainsi pu passer car il n’y a eu, en tout et pour tout, que trois heures de grève  », déplore Maurizio Acerbo, du PRC.

La gauche a également pâti d’une division fratricide. Le Parti de la refondation communiste, qui pesait 8 % des voix au début des années 1990, a connu plusieurs scissions, le plus souvent sur la base de l’attitude à adopter concernant les alliances avec le Parti démocrate ou ses prédécesseurs. Dimanche, la liste Pouvoir au peuple espère franchir la barre des 3 %. Cela permettrait aux communistes qui y participent de revenir au Parlement, d’où ils sont absents depuis 2008.

Une autre force, Libres et égaux, est créditée de 6 % des intentions de vote. Cette coalition, qui rassemble des anciens du PRC favorables aux alliances avec le centre gauche et des anciens du Parti démocrate, entend se transformer en parti au lendemain des élections.

Gaël De Santis journaliste

3) En Italie, PEPONE VOTE DON CAMILLO. Face à la gauche qui s’engloutit elle-même, la résistance commence à s’organiser ! (Jean-Luc Mélenchon, 2007)

2) Congrès tout de suite ! Allons droit au cœur de la question

Fosco Giannini, dirigeant minoritaire du Parti de la Refondation Communiste

Nous avons assisté à l’échec total du gouvernement Prodi et à l’échec, tout aussi total, de la participation du Parti de la Refondation Communiste au sein de ce gouvernement - nous l’affirmons en tant que dirigeants du PRC.

Sur les thèmes de la paix, du désarmement, de la redistribution des richesses, des droits sociaux et civils, rien n’a été obtenu. En revanche, notre Parti s’est ruiné, dans cette expérience de gouvernement il s’est transformé en compromettant ses liens avec les mouvements de contestation et avec l’ensemble du mouvement ouvrier. Il a aussi payé un lourd tribut en ce qui touche à l’organisation et la solidité interne. Aujourd’hui, dans les cercles, les fédérations, l’heure n’est certainement pas à l’enthousiasme : c’est plutôt la tristesse, le désengagement, l’étonnement, la désaffection. Un air de suspension : qu’avons-nous fait ? Qui sommes-nous ? Qu’allons-nous devenir demain ?

A l’échec - celui de l’expérience au gouvernement, mais bien plus celui, profond, de toute une politique issue du Congrès de Venise [2005] - le groupe dirigeant du PRC a pour l’essentiel répondu en trois façons : d’abord, en éliminant les bases matérielles de la défaite ; deuxièmement, en accélérant le processus d’effacement de la nature communiste de notre Parti ; troisièmement, en serrant la vis à l’intérieur, de manière antidémocratique, ce qui assurément n’évoque pas les meilleurs moments de l’histoire du mouvement communiste, et encore moins évoque-t-il ce parti « antistalinien » et démocratique tant vanté par l’« innovation » à la Bertinotti.

En ce qui concerne les causes de la défaite, le groupe dirigeant du PRC a repris en bonne partie l’interprétation fournie par M. Prodi : l’échec serait dû à la trahison de l’aile modérée de l’Union de Prodi (Dini, Mastella) et au fait que le pouvoir économique se serait déchaîné contre lui au moment d’emprunter le tournant du « dédommagement social ». Il y a ensuite une analyse énoncée dans un premier temps par Giovanni Russo Spena [dirigeant du PRC] puis reprise par d’autres, selon laquelle la raison déterminante de l’échec serait le fait que ce gouvernement a été imperméable aux mouvements de contestation, c’est-à-dire qu’il ne se serait pas laissé pousser vers la gauche par eux.

Le premier de ces arguments (la trahison de l’aile modérée de l’Union) est un argument typiquement superstructurel et politicien : la composition politique, voire idéologique, de l’Union était bien connue, de même que ses limites quant au programme. Ces limites ont poussé à juste titre une large minorité interne au PRC à se battre contre le choix de participer à priori au gouvernement fait par la majorité du Parti lors du Congrès de Venise.

Pretendre de Dini et Padoa Schioppa [inflexible ministre du Trésor] - même dans la dernière phase du gouvernement Prodi - des politiques de redistribution pour frapper les profits et augmenter les salaires, c’eût été comme demander à Parisi et Rutelli de retirer les soldats italiens d’Afghanistan : une contradiction en termes.

En ce qui concerne le fait que gouvernement serait tombé du fait des pouvoirs économiques car désormais prêt à l’inversion de marche et au dédommagement social : il n’y a pas le moindre signe en faveur de cette hypothèse. Avant de tomber, le gouvernement venait juste d’achever le néfaste Protocol du 23 juillet qui mettait à mal la lutte à la précarité, et s’apprêtait à gérer une saison contractuelle sous le signe de la centralité des entreprises, pas du tout consacrée à reporter les salaires au niveau du coût réel de la vie.

Quant à l’international, il allait prolonger les guerres en cours, relancer less dépenses militaires (ainsi que le montre l’activité de la Commission Défense, au Sénat, après la chute du gouvernement Prodi) et reconnaître l’indépendance du Kosovo.

L’argument proposé, telle une autocritique prudente, par une partie des dirigeants du PRC (gouvernement imperméable aux mouvements de contestation) est selon nous particulièrement faible. L’essentiel ne réside pas en la fait que le gouvernement ait été imperméable à ces mouvements, mais bien que les politiques concrètement menées ont creusé un gouffre entre le gouvernement et ces mouvements, jusqu’à ce que tombe l’illusion que Bertinotti avait créée, d’ailleurs de manière non complètement honnête, selon laquelle les mouvements de contestation devaient tirer vers la gauche la politique du gouvernement.

A la place de cela, les mouvements de lutte - depuis Gênes 2001 à celles dans la métallurgie, jusqu’à la contestation de la guerre - se sont retrouvés de l’autre côté des barricades, par rapport au gouvernement Prodi, loin d’en être les compagnons de route.

La vérité est que le groupe dirigeant du PRC a commis un refoulement profond des causes de la défaite. Il a voulu oublier d’analyser la phase pendant laquelle s’est située l’expérience gouvernementale.

De manière idéaliste, il a ignoré les données concrètes et structurelles.

On pourrait définir la phase où la PRC est entré au gouvernement comme celle de la compétition globale.

Au niveau international, nous sommes face à un point d’orgue du conflit politique et économique entre les pôles impérialistes et capitalistes, une bataille très dure pour la conquête des marchés.

Les larges fractions capitalistes aujourd’hui hégémoniques - en Italie aussi - ne perçoivent qu’une voie pour battre la concurrence : baisser le coût des marchandises en réduisant brutalement les salaires, les droits, l’état social.

De ce point de vue, elles n’envisagent aujourd’hui aucun compromis avec le monde du travail, aucune solution de redistribution de type social-démocrate.

La redistribution des richesses ne pend pas de la branche - la phase - comme un fruit mûr, prêt à être cueilli. Ce fruit, tout simplement, n’existe pas. Si le gouvernement Prodi entendait cueillir ce fruit, il devait s’inscrire en faux par rapport à la phase en cours (en d’autres termes, cela revient à dire qu’il fallait nuire un peu aux patrons).

Il ne l’a pas fait, ni il n’aurait pu le faire, par sa nature. Voilà le point structurel qui nous mène à la question centrale : existait-il les conditions objectives pour que les communistes entrent au gouvernement Prodi ?

Plus encore : y avait-il les conditions pour y rester ? Ou n’aurait-il pas fallu retirer au gouvernement la délégation du PRC après l’Afghanistan, après Vicence, après le bouclier antimissile, après le Kosovo, après les mesures de droite sur la « sécurité », après la renonciation aux droits civils et face à la volonté d’acier de gouvernement Prodi de ne pas amender le Protocole du 23 juillet ?

Voilà, en vérité, ce qu’il aurait fallu faire, en bons communistes : rompre, du moins à partir du vote sur le Protocole, à savoir sur la complicité avec un gouvernement incapable d’exprimer une position autonome par rapport aux stratégies impérialistes des USA et de l’OTAN et aux politiques économiques désormais clairement libérales.

D’autres données structurelles ont été ignorée par l’analyse du PRC sur la phase en cours : les rapports de force sociaux en Italie, très défavorables à l’ensemble du mouvement ouvrier, et la tendance générale vers le centre modéré lancée dans l’Union Européenne par le néo-impérialisme européen naissant. Ce n’est pas peu dire. Des rapports de force aussi défavorables aux travailleurs, plaçant l’essentiel de la bataille sur le terrain institutionnel, font courir le risque de tomber, plus ou moins inconsciemment, dans le crétinisme parlementaire et d’aggraver encore davantage les conditions de vie des travailleurs, des précaires, des retraités, des jeunes gens au chômage, en consolidant le pouvoir des patrons.

Dictée par les forces hégémoniques du capital économique et financier, fonctionnelle à la constitution de l’impérialisme européen, cette profonde vague politique et culturelle du néo-centrisme dans toute l’Union Européenne constitue désormais bien plus qu’un mouvement souterrain. Elle marque, par-delà les forces explicitement libérales, une grande partie de ces forces politiques qui appartiennent à une sorte de centre-gauche européen.

Les forces modérées du gouvernement Prodi n’ont pas échappé à cette vague hégémonique et le PRC n’a pas su, n’a plus pu - en raison de sa nouvelle nature politique - compter avec ces contradictions, à partir de sa subalternité au carcan de Maastricht et à la mythologie de la réduction des déficits publics imposée par la BCE.

Dans la phase actuelle, comment une force de classe, anticapitaliste, communiste devrait-elle se placer face aux contradictions que suscite la compétition globale et face à l’attaque du capital ? Nul doute, elle devrait renoncer aux illusoires solutions institutionnelles - non pas par extrémisme, mais en vertu d’une analyse précise de la situation concrète - et se mettre à la tête d’un nouveau, long, cycle de lutte sociales, avec l’objectif primordial de changer les rapports de force dans la société et de couper les griffes aux patrons. Surtout, cela signifie se consacrer à la constitution et à la consolidation du Parti communiste, cœur unitaire d’un rassemblement plus large de lutte antilibérale, anticapitaliste, anti-impérialiste.

A la place de cela, qu’a choisi le groupe dirigeant du PRC après l’échec du gouvernement Prodi, après son propre échec ? Il a choisi d’accélérer le processus de dépassement de l’autonomia communiste et anticapitaliste pour se lancer dans la construction d’un nouveau et fumeux « sujet de gauche » : la « Gauche-Arc-en-ciel ». Un sujet qui naît, certes, comme produit final du long processus de dé-communisation à la Bertinotti, mais qui aujourd’hui prend sa forme la plus accomplie, focalisée sur la Gauche Démocratique [parti issu d’une scission de l’aile gauche des Démocrates de Gauche, lorsque ceux-ci ont formé le PD avec les ex-démocrates chrétiens], modérée et essentiellement social-démcrate.

L’effacement du Parti communiste est, en même temps, l’issue la plus fonctionnelle à l’attaque du grand capital et la plus délétère pour les intérêts des classes subalternes. Cette élimination comporte une espèce d’harmonie interne : elle représente une déchirure si violente dans l’histoire du mouvement ouvrier italien que, pour s’accomplir, elle a besoin d’autant de violence contre la démocratie : l’effacement est décidé par un groupe très restreint de dirigeants qui réduisent au silence et isolent quatre-vingt mille inscrits du Parti.

A bien y réfléchir, le tour de vis interne au PRC pour dépasser l’autonomie communiste est constitué par une longue série de prévarications : on constitue la « Gauche-Arc-en-ciel » sans la moindre discussion dans les cercles et les fédérations (en reprenant à vrai dire un schéma élitiste déjà employé pour la constitution de la Gauche Européenne et de l’Union pour Prodi - avec les résultats que chacun peut constater) ; en même temps, on élimine nos symboles, la faucille et le marteau ; on évite la moindre consultation de la base du Parti pour faire le bilan de l’expérience au gouvernement ; on lance la campagne d’adhésion au nouveau sujet politique (les cartes « Arc-en-ciel » sont en train d’arriver dans les fédérations justement au cours de cette campagne électorale : bel effort pour conforter l’esprit des communistes et les pousser dans les rues et les quartiers !) ; on suspend (jusqu’à quand ?) le Congrès national et l’on punit une minorité interne, « L’Ernesto », à travers une théorisation antidémocratique aussi inouïe que lâche et dangereuse : il y aurait des minorités « dialectiques » qui peuvent être récompensées et des minorités « d’opposition » (en ce qu’elles s’opposent à la liquidation du PRC) que l’on peut humilier et marginaliser.

C’est la campagne électorale, les camarades de « L’Ernesto » travailleront elles et eux aussi pour leur Parti et pour la gauche. Après, on ne saura plus tolérer une telle suspension de la démocratie interne. Qui veut éliminer le Parti communiste devra le dire, au lieu de raconter des fables. Et qui veut relancer l’autonomie communiste devra se battre.

Cette hypocrisie qui reste dans le vide est dangereuse pour tout le monde. Il faut trancher.

Après les élections, on ne pourra plus temporiser : il faudra un Congrès. Si le groupe dirigeant ne le convoquera pas, les inscrits devront l’imposer.

Il est temps d’en découdre.

La parole aux camarades. Congrès tout de suite !

1) Italie : le crépuscule du communisme parlementaire

de Massimo Modonesi

Les élections du 13 et 14 avril sont marquées par un événement historique dans la politique italienne : la fin de la présence parlementaire des communistes.

Depuis la seconde guerre mondiale, le PCI avait été le principal parti d’opposition et un pilier de la démocratie italienne, capitalisant jusqu’à un tiers des votes. A partir de sa dissolution en 1991, la faucille et le marteau ont pourtant continué à apparaître chez ses successeurs, soit le Parti des Démocrates de gauche (DS) et le Parti de la Rifondazione Communiste (PRC), deux partis qui ont pris la tête de l’opposition au premier et au second gouvernement de Silvio Berlusconi en 1994 et 2001 et qui ont participé à la formation du premier et second gouvernement de Romano Prodi en 1996 et 2006.

A cette dernière date, le DS a alors poursuivi une évolution centriste qui a culminé dans la disparition de toute relation symbolique et politique avec la tradition communiste italienne et dans la formation du Parti Démocratique, inspiré par le "progressisme" nord-américain. Walter Veltroni, ancien maire de Rome et candidat pour le poste de premier ministre en 2008, faisait explicitement référence à John Fitzgerald Kennedy plutôt qu’à Enrico Berlinguer (secrétaire général du PCI de 1972 à 1984, ndlr).

Le Parti de la Rifondazione Communiste a, pour sa part, maintenu jusqu’en 2006 la bannière communiste et cette posture politique anti-système lui a permis non seulement de survivre, mais d’amplifier sa présence politique grâce à trois axes fondamentaux. En premier lieu, il a appuyé et participé aux mouvements sociaux anti-néolibéraux - et en particulier la mouvance altermondialiste, ce qui lui a permis de rajeunir la militance communiste, à la différence des nombreux partis européens. En deuxième lieu, il a pu compter sur la popularité d’un leadership intelligent qui combinait critique radicale et grande capacité communicative, celui de Fausto Bertinotti. Enfin, le parti a défendu son indépendance à l’intérieur d’un front anti-Berlusconi, en conservant une diversité et une spécificité politico-idéologique, sans se retrouver marginalisé des luttes politiques nationales.

A partir de 2006, Rifondazione Communista a pourtant accepté d’intégrer non plus seulement une coalition électorale, mais une alliance de gouvernement et s’est retrouvé co-responsable de l’expérience du second gouvernement Prodi. En moins de deux ans, le PRC a perdu la crédibilité accumulée au large de plus de quinze années. A sa gauche, il a été critiqué pour avoir appuyé un gouvernement qui n’a pas rempli ses promesses de réformes sociales et pour avoir assumé quelques fois des positions franchement conservatrices, en particulier sur les thèmes du pacifisme. Toute cela alors que Bertinotti assumait la présidence de la Chambre des Députés. A sa droite, les critiques ont aussi fusé et dénoncé le PRC comme un « facteur instable » de l’alliance gouvernemental. Au-delà de la fragile majorité parlementaire, les droites et les médias ont dénoncé le « chantage » des gauches (celui du PRC, mais aussi des Verts, de la dissidence de gauche du PD, appelée Gauche Démocratique (DS), et du Parti des Communistes Italiens). Des gauches qui n’ont pas pu changer l’orientation « naturelle » du gouvernement et ont été accusées d’être responsables de sa chute.

Au moment de la fin du gouvernement de Romano Prodi au début 2008, le PD a alors décidé de rompre son alliance avec Rifondazione Communista (et vice-versa). Le PRC a alors appelé ses alliés mineurs à former une coalition électorale appelée La gauche-Arc-en-ciel avec la promesse de la transformer en « nouveau sujet politique », à la gauche du centre occupé par le PD.

Au-delà de la victoire des droites du 13 et 14 avril, les résultats électoraux montrent une concentration des votes sur les options de gouvernement incarnées par Berlusconi et Veltroni, de même qu’une distribution des préférences vers des petits partis favorisant la droite extrême d’inspiration fasciste (La destra) et une dissidence catholique conservatrice (UDC). Ainsi s’explique la débâcle électorale et parlementaire des communistes, qui n’obtiennent pas le minimum requis de 8% et 4% nécessaire pour obtenir des sénateurs et députés.

Les résultats attribuent 3,21% de bulletins au PRC, soit un minimum historique. Un 3,21% obtenu de surcroît par une formation qui se déclare ouvertement postcommuniste. Les trois groupes trotskistes qui se sont présentés au scrutin - fait inédit en Italie - ont obtenu, en regroupant leurs suffrages, près de 1%, canalisant le mécontentement de gauche face à la politique institutionnaliste de Rifondazione Comunista. Non seulement le communisme se dilue quantitativement, mais aussi qualitativement. A l’intérieur de la Gauche-Arc-en-ciel, si les forces de Rifondazione et des Communistes Italiens étaient prédominantes, la faucille et le marteau ont disparu et Bertinotti a déclaré que le communisme n’allait plus être qu’un « courant culturel » à l’intérieur d’une organisation plurielle. Ce qui suscité des réponses polémiques de la part de certains courants de son parti. Le bilan politique montre l’échec de la stratégie combinée d’être à la fois parti de gouvernement et dans le mouvement. Le gouvernementalisme a avalé le mouvementisme. Le retour dans l’opposition du PRC manquait de crédibilité. La dissolution du discours et des symboles communistes a paru comme une modernisation trop synonyme de modération. Les résultats électoraux n’auraient pourtant probablement pas été meilleurs, sans la création de la Gauche-Arc-en-ciel.

Ce qui ressort des résultats, c’est aussi la fin d’une stratégie politique. Il est surprenant que dans un pays avec une fortee traditione de gauche, avec de solides ressources culturelles, avec la présence de mouvements et de mobilisations opposés au néolibéralisme, il n’y a ait pas eu une réaction électorale en faveur de la gauche. Les communistes payent l’erreur d’avoir couvert un gouvernement modéré et conservateur. Ce soutien enterre aussi une stratégie politico-institutionnelle.

Avec ces élections, un cycle du communisme italien se ferme donc. Au vu des inégalités et des conflits qui traversent le pays, les chemins pour une gauche radicale d’orientation communiste ne disparaissent pourtant pas. Mais inévitablement, ils devront se dessiner à la marge des institutions, en rompant avec la subordination, en récupérant, sur le terrain du rapport-de-forces, la critique et la potentialité de la protestation, du conflit social, de la mobilisation et de la politisation des secteurs populaires, y incluant les immigrés. 3, 21% de votes, soit un peu plus d’un million de voix, révèle une présence électorale testimoniale et l’absence de toute représentation parlementaire, mais cela pourrait être aussi une base de centaines de milliers de militants et sympathisants pour vertèbrer les mouvements contre le néolibéralisme italien, en version dure ou molle, du troisième gouvernement Silvio Berlusconi.

Massimo Modonesi, Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de la Ville de Mexico et à la Faculté des sciences politiques et sociales de l’UNAM Texte paru sur Rebelion, trad.J Dr)


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