La culture communiste en de fiers combats

jeudi 2 septembre 2010.
 

L’universitaire Régis Antoine retrace les parcours de quelques grandes figures intellectuelles du XXe siècle, en estimant l’héritage à l’aune de l’engagement anticapitaliste.

La Culture communiste en France, de Régis Antoine, Éditions Le Temps des Cerises, 2010, 236 pages, 15 euros.

L ’intérêt premier de cet ouvrage est de nous restituer tout un aspect de notre culture que l’institution universitaire et les médias dominants ont tendance, spécialement depuis la fin du système soviétique, à occulter  : la présence forte d’une expression communiste dans la littérature française, qu’il s’agisse de la grande littérature (Aragon, Breton, Césaire, Malraux) ou de la littérature populaire, dont il ne faut sous-estimer ni la qualité ni l’impact sur les consciences. Cette «  parole  » a mis en forme des concepts politiques en leur imposant une retraduction, inspirée par le marxisme, qui leur a insufflé une signification progressiste. C’est ainsi que l’idée de peuple a cessé d’être mythifiée pour devenir l’occasion de descriptions lucides révélant les inégalités de classe, les souffrances et l’aliénation des hommes ordinaires comme chez Nizan. Ou encore que la nation a été débarrassée de son encombrant héritage patriotique qui poussait les hommes à se faire la guerre dans l’intérêt des seuls possédants et que les surréalistes, mais aussi la poésie et la chanson de rue, ont su dénoncer avec violence et humour. La nation devint alors un lieu de pouvoir collectif et une base de défense des peuples opprimés que la littérature anticolonialiste (voir Frantz Fanon) a pu exalter. Exit donc l’idée réactionnaire d’un Barrès militant pour l’enracinement dans la Terre et vive la formule magnifique d’un Martin du Gard affirmant qu’un « homme dépatrié n’est pas inconcevable ».

Mais ce livre a un autre intérêt, inestimable à nos yeux  : celui de prendre la mesure positive de ce qu’a été l’action des intellectuels communistes tout au long du terrible XXe siècle. Sans tomber un seul instant dans l’hagiographie – le stalinisme est une horreur et ceux qui l’ont soutenu sciemment sont dénoncés –, Régis Antoine montre que leurs écrits ont accompagné ou inspiré des engagements justes la plupart du temps, dont la générosité, l’intégrité, le sens de la justice, le refus du malheur que le capitalisme secrète, ont été les motifs. L’auteur met ainsi en avant, dans un très beau parallèle avec Nizan, la figure brillante de Paul Vaillant-Couturier s’engageant auprès du prolétariat et y sacrifiant une part de sa vocation littéraire, et il décrit le combat obscur des communistes au début de la Seconde Guerre mondiale ou celui des engagés en Algérie sapant à leur manière cette guerre injuste. Enfin, Aimé Césaire a droit à une brillante analyse indiquant comment il a combiné la lutte pour l’universel et la défense tenace de l’identité martiniquaise. Alors qu’un peu partout on s’attache à salir l’idée communiste sous toutes ses formes, il faut saluer cette réhabilitation à la fois exacte, érudite, incisive et audacieuse.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message