Elections législatives aux Pays-Bas (22 novembre 2006) : énorme percée de la "gauche du non" antilibérale

samedi 24 novembre 2018.
 

Le premier ministre Jan Peter Balkenende avait convoqué ces élections dans l’espoir de renforcer sa coalition de "centre-droit" (chrétiens-démocrates et libéraux).

Aujourd’hui, le résultat est inverse de celui qu’il espérait ; la seule nouveauté du scrutin, c’est la percée considérable de la gauche anti-libérale, dans les milieux populaires et aux dépens du parti travailliste.

Le parti travailliste (Internationale socialiste), deuxième force politique du pays, est issu en 1946 du mouvement syndical. Revendiquant une orientation "social-démocrate", il paraissait en position de force quelques mois avant le scrutin, suite à ses victoires lors des municipales. Il a depuis mené une campagne de communication autour de son leader, campagne "responsable", "citoyenne", "de proximité", n’apparaissant pas comme alternative au libéralisme.

Ce parti travailliste s’est rendu compte à un mois du vote que son électorat populaire glissait vers l’extrême gauche, en une seule campagne ; il a alors changé d’attitude. Le 3 octobre, Wouter Bos, le leader très modéré de ce PVDA affirmait " Je ne me laisserai pas enfermer dans un bloc de gauche". Le 7 novembre, il claironnait sans cesse l’inverse, déclarant qu’il se tournerait vers les Verts et le nouveau parti socialiste pour former un gouvernement. Finalement, ce parti connu pour sa proximité avec les thèses blairistes, perd 10 de ses 42 sièges.

Le parti socialiste (parti membre du groupe GUE/GN au Parlement européen) est issu de l’extrême gauche des années 68. Après avoir longtemps stagné aux élections aux environs de 1%, il a aggloméré divers groupes d’orientation marxiste ou simplement anti-libérale, des militants syndicaux excédés par les reculs permanents en matière sociale, des éléments de la gauche du parti travailliste, des militants associatifs, des altermondialistes. Avec 26 sièges, le parti socialiste devient la troisième force politique du pays.

Le programme du Parti socialiste (SP) est intitulé « De meilleurs Pays-Bas pour le même prix ». Il prône de profondes réformes économiques et sociales, par exemple une imposition accrue des revenus les plus élevés. Il propose un relèvement du minimum social de 10%, des transports publics gratuits pour les enfants de moins de 12 ans et les personnes âgées de plus de 65 ans, la gratuité de l’accueil des enfants, la possibilité pour les électeurs de renvoyer le gouvernement et un droit d’approbation des comités d’entreprise sur les salaires des dirigeants de leur entreprise. La formation souhaite investir 11 millions d’euro dans l’enseignement, la lutte contre la pauvreté et le système de santé durant la prochaine législature.

Le débouché de la gauche du non au référendum vers ce parti s’est réalisé de façon surprenante.

" Il y a une différence fondamentale avec la campagne électorale d’il y a quatre ans, la confiance dans le parti socialiste a énormément augmenté. Cela prouve que les électeurs ne s’intéressent pas au duel entre Wouter Bos et Jan Peter Balkenende. Ce n’est pas le Premier ministre qui compte mais la politique » a déclaré le leader du Parti socialiste Jan Marijnissen

Voici ce qu’en dit la "Fondation Robert Schuman" peu susceptible de sympathie politique envers lui :

" Jan Marijnissen est considéré dans les sondages comme la plus convaincante, la plus sympathique et la plus intègre des têtes de liste. La popularité du leader du SP est particulièrement préjudiciable à Wouter Bos. Certains observateurs de la vie politique vont jusqu’à considérer que la victoire du PvdA réside désormais dans les mains des électeurs du Parti socialiste. Dans le journal Volkskrant, Peter Kanne de l’institut TNS Nipo affirme que la montée du Parti socialiste se fait au détriment des travaillistes. Il considère que Wouter Bos peut difficilement prendre des électeurs à l’Appel chrétien-démocrate ou au Parti populaire pour la liberté et la démocratie mais qu’en revanche, il pourrait conquérir certains des sympathisants du Parti socialiste : « 38% des personnes qui ont l’intention de voter pour le Parti socialiste déclarent que le Parti du travail est leur deuxième choix. Leur disposition à voter pour le Parti du travail dépendra donc du comportement de Wouter Bos pendant la campagne électorale ».

D’une législative à l’autre, 25% de l’électorat du parti travailliste est passé au parti socialiste ; mais globalement la percée du PS renforce considérablement la gauche, y compris au Parlement.

L’électorat de droite se polarise aussi vers son noyau dur. Si le parti socialiste n’avait pas mené une campagne alternative au libéralisme, l’extrême-droite aurait connu une progression encore plus nette dans les milieux laminés par les dégâts du "marché libre".

Je ne sais si la majorité de Non aux Pays Bas ouvre de réelles potentialités pour une gauche anti-capitaliste dans ce pays.

Cependant, cette élection pose une question politique centrale :

- après l’expression d’un non de gauche puissant face au Traité Constitutionnel européen en France et aux Pays-Bas

- après la percée électorale de forces anti-libérales conséquentes en Allemagne, au Portugal, en Grèce et maintenant aux Pays-Bas

Assistons-nous sur le continent européen comme en Amérique latine, à la traduction politique des phénomènes de radicalisation sociale contre les politiques libérales ?

A mon avis, oui, à condition de ne pas sous-estimer l’énorme difficulté à construire cette traduction politique organisée en France vu le poids des mécompréhensions héritées de l’histoire, par exemple entre le PCF et les trotskystes.

A mon avis, oui, à condition que certaines forces politiques s’impliquent réellement en Europe à la tâche de donner une traduction organisationnelle à cette place apparue sur le terrain des luttes, des grandes manifestations altermondialistes et à présent politique électoral.

Les aspirations nées des votes NON en France et aux Pays bas ne donneront pas naturellement naissance à une force politique apte à leur donner une concrétisation sociale et sociétale. Seuls des inconséquents peuvent croire en une telle transcroissance politique réelle d’un mouvement d’opinion comme d’ailleurs d’une association (même type ATTAC) ou un syndicat (même SUD Solidaires).

Mais cette force politique ne se construira pas sans s’ancrer profondément dans le niveau de conscience actuel, les aspirations actuelles, le besoin de démocratie actuel de ce mouvement d’opinion, des associatifs et des syndicalistes.

Le Conseil National de notre association "Pour la République Sociale" a du travail pour ce week-end.

Jacques Serieys


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