Les Systèmes d’échanges locaux au service des citoyens (article national PG)

lundi 4 juin 2012.
 

Depuis plusieurs années, des SEL (systèmes d’échanges locaux) fonctionnent sur le territoire pour proposer des alternatives aux échanges monétaires. Ces expériences locales sont des points d’appui pour lutter contre le consumérisme et inciter à la relocalisation de l’économie.

Le rôle de la monnaie

On appelle souvent les SEL monnaies sociale. Or ces systèmes présentent des différences fondamentales avec la monnaie. La monnaie a trois fonctions. Elle est une unité de compte, qui permet de comparer entre eux des biens et services et de leur donner une valeur monétaire. Elle dispose aussi de la fonction d’intermédiaire dans les échanges, qui évite d’avoir à subordonner la possibilité d’échange au « face-à-face » qui caractérise le troc. Enfin, elle a une fonction de réserve de valeur, ce qui permet d’épargner pour différer dans le temps l’échange. A l’inverse les « monnaies sociales » sont limitées au maximum à leur fonction d’échange, elles ne sont pas destinées à remplir la fonction de réserve de valeur : les taux d’intérêt sont prohibés et l’accumulation est découragée par la perte de valeur en cas de non utilisation, c’est ce qu’on appelle la monnaie « fondante ».

Des alternatives éducatives

Ainsi les SEL ne peuvent prétendre remplacer les monnaies, et le combat pour leur développement ne nous exonère absolument pas de celui pour le contrôle démocratique de la monnaie. Les SEL sont des dispositifs complémentaires d’échange de biens, de services ou de savoirs, organisés par de petits groupes en association. Ils renforcent le lien social et valorisent l’échange de produits d’occasion, les productions locales et les services non marchands. Pour dépasser les limites du troc, ils font appel à une monnaie d’échange. Pour certains SEL se voulant solidaires, l’unité monétaire est équivalente à une heure. Ainsi, l’index est le temps plutôt que la qualification : une heure du temps d’un individu dispensant un cours de sport vaut une heure de cours d’économie politique. Ce système est dite local, parce que valable au sein du groupe d’adhérents, et social, parce qu’il remplit une mission de solidarité et de promotion du lien social. On pourrait aussi le dire éducatif car il contribue à modifier les rapports culturels aux autres et aux choses.

Education populaire

L’objectif des SEL est de construire un espace complémentaire d’échanges, à côté de l’argent conventionnel, basée sur l’autogestion, le partage et la coopération. Il y a là une vertu pédagogique parce qu’ils permettent de comprendre les mécanismes d’échange et de monnaie, et peuvent alors déployer dans la société l’éducation populaire que l’Etat ne dispense pas, ne dispense plus ou ne dispense qu’en quantité et qualité insuffisante. Les SEL sont une invitation à faire de la politique autrement, c’est-à-dire à être socialement utile et à s’engager au service du bien commun. Ces organisations construisent des potentialités politiques, comme la critique pédagogique et pratique du système capitaliste, et des systèmes de solidarité locale là où les liens sociaux sont absents ou faibles. Le citoyen y fait un acte politique puisqu’il fait l’expérience d’un usage social de l’échange qui n’est plus au service de la domination et de l’exclusion. Il tente d’inventer d’autres manières d’être et d’autres manières de faire. C’est ainsi qu’en réaction au consumérisme l’échange de produits d’occasion y est fortement valorisé.

Relocalisation de l’économie

En France, il existe 400 systèmes différents, mais ils restent largement confidentiels, attirant des personnes déjà convaincues en recherche d’alternatives. Ils constituent néanmoins un levier pour la relocalisation de l’économie. Dans certains pays touchés par de fortes inégalités sociales ou de graves crises financières, les SEL incitent à consommer en priorité des produits et services locaux. Les populations se saisissent de cet outil pour permettre l’articulation entre milieux urbain et rural à travers la valorisation de leur environnement et de leurs ressources économiques et culturelles locales. La relocalisation de l’économie doit passer par des mesures au niveau international, des mesures de réindustrialisation, certes. Mais une production locale de biens et de services fondamentaux ne pourra passer que par l’incitation à consommer local. Les « monnaies sociales » sont un outil pour pérenniser cette relocalisation-là.

Les SEL argentins

C’est en Argentine que l’expérience est la plus politique, et la plus massive économiquement. La crise financière de 2001 a laminé l’économie réelle. Les banques ont coupé l’accès des argentins à leur épargne, pendant que la fuite des capitaux était tranquillement organisée par les institutions financières internationales, sous la bienveillance du gouvernement libéral Menem. Devant la paralysie du système monétaire argentin et la brutale augmentation du chômage, les argentins se sont organisés en multipliant les SEL, rassemblant une large fraction de la population argentine, allant des classes populaires aux groupes les plus fragilisés des classes moyennes. Alors qu’en aout 2002, le taux de chômage officiel est de 20%, que 54% des argentins vivent en dessous du seuil de pauvreté, et que 8 millions sont confrontés tous les jours à la faim, les chercheurs avancent un chiffre de 600 000 membres actifs dans 800 SEL. Certains secteurs de l’économie formelle, publics et privés, ont tissé des liens avec eux. Des entreprises récupérées par leurs ouvriers se sont parfois appuyées sur les monnaies sociales pour fonctionner, au moment où l’Etat et les banques ne leur reconnaissaient pas d’existence juridique. Les monnaies sociales ont eu là une justification politique, mais aussi pragmatique et économique. Depuis, de nombreux SEL ont périclité.


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