PS / PG deux visions de l’école républicaine

dimanche 5 décembre 2010.
 

En proclamant vouloir faire de l’éducation « une priorité absolue », le Parti socialiste a lancé dans la presse le 18 octobre les premiers ballons d’essai de son programme intitulé « Education et formation pour l’égalité ». Au même moment le Parti de Gauche avait livré sa contribution pour le programme partagé du Front de gauche. Force est de constater des divergences significatives entre les deux approches.

En premier lieu, le constat socialiste visant à dénigrer l’école publique, pour mieux la réformer, se situe dans la droite ligne du sempiternel déclinisme libéral. Bruno Julliard, secrétaire national du PS à l’éducation, fait ainsi part à l’envi dans le chat accordé au Monde.fr le 18 octobre de « la défaillance du service public d’éducation ». Comment se fait-il alors que ce si mauvais service public continue à faire de la France, avec ses ouvriers qualifiés, avec ses ingénieurs, avec ses chercheurs, la cinquième puissance économique de la planète ? Comment se fait-il que ce si mauvais service public soit capable de faire émerger une jeunesse conscientisée qui dès le lycée s’approprie l’intérêt général comme en atteste sa mobilisation pour la défense du système de retraite ?

Plus précisément, le document du Parti socialiste met l’accent sur l’effort qui doit être fait au primaire. Nous partageons au Parti de gauche cette aspiration. Mais pas pour nous contenter des savoirs « fondamentaux », du socle commun comme le dit M. Julliard. Tout enfant qui sort de l’école doit savoir lire, écrire et compter. Mais certainement pas que cela ! La nécessaire maîtrise des apprentissages fondamentaux ne peut être une finalité, mais au contraire une ouverture. L’école, outil de l’émancipation individuelle et collective, est le lieu où les futurs citoyens apprennent à comprendre le monde dans lequel ils s’inscrivent et ce faisant à se libérer de leurs chaînes !

Les modalités d’évaluation ne sauraient servir, comme semble l’indiquer le document du PS, à ouvrir la voie à l’évaluation par compétences d’un socle commun, symbole d’une transmission appauvrissante, minimaliste et utilitariste des savoirs. Ce serait une digne resucée des livrets ouvriers du XIX° siècle, et des certificats de compétence délivrés par les entreprises ! Il faut au contraire défendre le cadre national des diplômes, les qualifications reconnues par les conventions collectives et tous les savoirs qui y sont attachés.

Enserré par la même logique comptable que celle qui a permis aux libéraux de supprimer 70 000 postes dans l’éducation nationale depuis 2002, le Parti socialiste propose ensuite de décloisonner primaire et secondaire en mutualisant les enseignants ! Force est pourtant de constater qu’enseigner au primaire ou dans le secondaire, ce n’est pas la même chose. Dans le même ordre d’idées, nos camarades socialistes, sous couvert de transversalité, mettent en avant la bivalence au collège préconisée récemment par Xavier Darcos et Luc Châtel, niant ainsi les spécificités de l’apprentissage propres à chaque matière.

Comme à l’Université avec la LRU (Liberté et Responsabilité des Universités), l’outil de cette transformation est pour les socialistes l’autonomie des établissements. Celle-ci vise à instaurer une gestion fondée sur une contractualisation croissante dans laquelle « les moyens ne doivent plus être uniformes mais distribués en fonction des projets mis en œuvre ». C’est aussi le moyen de vider de leur substance les statuts sous couvert de l’antienne pourtant éculée de la revalorisation du métier d’enseignant, par une transformation notamment des missions en promouvant en fin de compte une gestion managériale de l’école. Même les contraintes qu’il est prévu d’imposer à l’enseignement privé en matière de sectorisation et de mixité sociale sont à double tranchant : elles tendront à justifier définitivement le financement public d’établissements privés alors que la priorité est plus que jamais de réserver les fonds publics à l’école publique. Au nom du principe universel de laïcité bien sûr. Mais surtout parce que l’égalité, veut que tous les enfants bénéficient d’une école de qualité. C’est à cette aune que l’argent public doit donc être réparti ! La réponse à la ghettoïsation scolaire passe quant à elle par la reconstruction de la carte scolaire détricotée par la droite. Pour garantir une véritable mixité sociale, le critère de la seule proximité géographique de l’habitation doit être complété en lien avec une nouvelle organisation urbaine et une relance de la politique publique de transports. Cela passe aussi par l’élargissement de l’offre de formation pour les établissements signalés en difficulté afin d’assurer la visée universaliste de l’école partout et pour tous.

Le projet socialiste nous est présenté à tort comme « une rupture de la vision de l’école ». Il s’inscrit au contraire dans la continuité et l’acceptation à peine déguisée de plusieurs des contre-réformes récentes, au motif spécieux de « laisser le temps de l’application, de l’évaluation, de l’expérimentation pour décider d’éventuelles remises en causes des réformes décidées y compris par les gouvernements précédents ». C’est ainsi qu’il faut lire la volonté socialiste de revalorisation (sic !) du lycée professionnel avec le bac pro en 3 ans sur lequel nous voulons au contraire revenir. C’est ainsi qu’en souhaitant simplement un examen de la réforme du lycée, le PS la valide implicitement. Comme en matière de retraites, comme en matière d’élaboration d’une alternative à un système capitaliste en crise pilotée par le FMI et la Commission de Bruxelles, le PS peine visiblement à proposer un projet éducatif émancipé des fourches caudines de l’individualisme.

Parce que l’école est l’un des outils de la révolution citoyenne, nous voulons qu’elle conduise chaque élève à pouvoir se libérer afin d’être en capacité de penser ce qui est bon pour tous. Pour cela, nous créerons un service public unique d’accueil de la petite enfance. Nous lutterons contre la marchandisation en substituant aux subventions déguisées et aux aides fiscales dont bénéficient les officines de soutien privées un service public d’aide scolaire assuré dans le cadre de l’éducation nationale. Nous irons vers l’égalité réelle par la distribution gratuite et exclusive, financée par l’Etat, de manuels et de fournitures scolaires sans marque. Nous promouvrons une laïcité intransigeante en abrogeant les lois Debré 1959, la loi Carle de 2009 et en annulant l’accord Vatican-Kouchner. Nous mettrons en place la scolarité gratuite de 3 à 18 ans. Nous créerons le droit à une orientation émancipatrice assurée par des conseillers d’orientation psychologues. Nous lancerons un service public national de la professionnalisation durable avec un pilotage unifié des voies d’accès à la qualification. Nous instaurerons un statut social du jeune en formation. Pour commencer...


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