Services Publics : les propositions du Front de Gauche

mercredi 23 février 2011.
 

Dans le cadre du processus d’élaboration de son programme populaire partagé, le Front de Gauche a organisé un Forum traitant les questions des services publics et des biens communs qui s’est tenu à Lyon le mercredi 19 janvier 2011.

Nous publions le texte préparatoire au Forum élaboré par le groupe de travail du Front de Gauche. Ce texte est encore en débat et toutes les contributions, remarques, critiques sont les bienvenues.

Réflexions du Groupe de Travail préparant le Forum Services Publics

« Face au tout marchand, quels services publics, quel bien commun ? »

Nous sommes aujourd’hui réunis pour travailler au projet partagé du Front de gauche pour construire l’alternative politique nécessaire face à la politique de Sarkozy, de la droite et du MEDEF qui ravage la France. L’heure est à la construction d’un projet de société à même de répondre aux enjeux de la crise du capitalisme et à redonner une perspective politique, à celles et ceux qui n’ont pas renoncé à contester le système capitaliste et productiviste.

Ce projet de société que nous souhaitons élaborer, partager avec vous, avec les citoyens, car nous pensons que la gauche a devant elle, un défi de civilisation à relever. Le Front de gauche a la responsabilité de donner corps aux attentes qui se font jour et dont les milliers d’hommes et de femmes en lutte, d’hommes et de femmes en grande souffrance, victimes du système capitaliste et des effets d’une crise qu’on voudrait leur faire payer, témoignent chaque jour.

Nous voulons créer les conditions d’une alternative crédible et réussie à la politique de la droite et non une simple alternance prônée par la social démocratie qui a déjà entrainé tant de désillusions à gauche, ce qui suppose d’en clarifier les grands axes et de construire les rassemblements nécessaires pour les porter.

Nous voulons contribuer de toutes nos forces à faire grandir dans le peuple et pour le peuple un projet collectif répondant aux attentes et aux aspirations des classes populaires, construire avec les acteurs du mouvement social pour faire le lien avec leurs revendications dans une logique de transformation sociale. Nous les invitons à s’engager dans le débat, devenir acteur de celui-ci. Cela contribuera à réhabiliter le rôle de la politique dans notre société.

La construction du programme partagé concoure à cet objectif, en confrontant à chaque étape les dynamiques et les rapports de force nécessaires. Le Front de gauche est porteur de cette aspiration. Il a initié pour cela une force rendant crédible le changement à gauche et a proposé pour commencer 9 forums nationaux sur les thématiques qui nous semblent structurer les contours d’une alternative à gauche, autour des thèmes suivants :

Ce jour, nous ouvrons le chantier du service public dont nous avons besoin et que nous voulons.

1. Le service public, un choix de société

Nous faisons le choix d’une autre société, construite pour l’Homme et par l’Homme, dans le respect de la planète. La crise bien sûr – mais aussi l’aspiration montante à cette nouvelle société – ont ramené la question du service public au coeur de la bataille politique ; comme élément préfigurateur de cette société à construire et donc, nous voulons le placer au coeur de notre projet. Nous sommes confrontés à une tendance de fond, renforcée par les politiques d’austérité libérales qui conduit à des attaques répétées, à un démantèlement, à une casse des services publics y compris les plus vitaux comme la santé et l’école qui touchent en premier lieu les classes populaires et menacent l’avenir même de la société. Ces attaques ne se déroulent pas sans réactions. Les luttes se multiplient depuis plusieurs années de la mobilisation pour la Poste à la défense de l’hôpital ou de la culture en passant par les mobilisations pour la défense de l’école publique, des agents, parents d’élèves et de la jeunesse. Les appels à manifester du 20 et du 22 janvier prochain en sont l’illustration. Les cadres unitaires larges sur la problématique globale des services publics comme peuvent l’être Convergence des services publics ou les Etats généraux du service public participent de la contestation de cette logique et de la volonté d’opposer à la contre réforme libérale un autre projet de société.

Il n’empêche que ces services publics occupent une place centrale dans la vie quotidienne de la population. Ils sont une réponse à des besoins essentiels (l’électricité, à l’eau, à l’école, aux communications…). Ils peuvent et doivent être une source d’émancipation de l’être humain. Le service public est porteur de valeurs incontournables de cette future société : l’égalité sociale et territoriale, la démocratie et la solidarité.

Cette logique se situe au coeur de la vision stratégique d’une gauche de transformation sociale, écologique et républicaine.

C’est ce que nous allons travailler avec les propositions suivantes.

2. Le service public, une vision stratégique de la transformation sociale

Satisfaire les besoins sociaux

Contre une logique de marchandisation, du tout profit, il s’agit bien de mettre en perspective une logique humaine de satisfaction des besoins sociaux et vitaux qui préfigure comme on l’a vu précédemment une autre société.

Il convient de se pencher plus en avant sur les objectifs que l’on se fixe : assurer les droits fondamentaux et permettre le respect des principes d’égalité et de justice sociale. L’enjeu est bien de mettre en perspective le service public comme moyen indispensable à la promotion d’un autre mode de développement non plus dominé par la rentabilité à court terme mais centré à la fois sur les besoins sociaux des populations et sur la prise en compte et le respect des exigences écologiques. C’est pourquoi, nous devons retravailler à une reconquête du service public c’est-à-dire à l’idée même qu’une partie des activités correspondant à des besoins essentiels doit échapper aux appétits du marché.

Faire vivre l’égalité

C’est également, pour nous, dans la perspective de l’égalité femmes-hommes, un besoin fondamental pour les femmes, à la fois nécessité du partage des tâches au sein de la sphère dite privée mais aussi le développement des services publics utiles à chaque moment de la vie quotidienne.

Au delà des missions dites « régaliennes », le service public est pour nous un moyen de répondre aux besoins essentiels des populations quelque soit l’âge, le sexe, l’origine, la religion et la situation sociale des personnes. Ils garantissent à chaque personne vivant sur le territoire français les mêmes droits pour pouvoir y accéder.

Faire vivre l’égalité c’est également assurer un égal accès sur le territoire. Cela implique donc un déploiement territorial des services publics et donc une remise en cause des fermetures existantes (Postes, trésoreries, hôpitaux, écoles…) particulièrement dans les territoires ruraux et dans les quartiers défavorisés.

Avoir une vision offensive du service public

Si on part de la satisfaction des besoins sociaux et de l’intérêt général, cela implique de prendre en compte des besoins actuellement non couverts. Avoir une vision offensive du service public, c’est-à-dire prendre en compte les besoins d’extension des services publics en fonction des nouveaux besoins ou des besoins émergents : internet, petite enfance, personnes en situation de handicap, 3ème et 4ème âge, pour les personnes en perte d’autonomie. Mais certains secteurs, laissés depuis toujours au marché et dont on voit les conséquences de la logique marchande et de la spéculation doivent être questionnés comme l’alimentation et le logement par exemple. Dans cette logique, nous proposons la création d’un pôle public bancaire pour orienter les investissements et le crédit vers l’emploi et les besoins sociaux.

Mais c’est aussi grâce à de nouveaux services publics locaux que l’on doit dès à présent permettre à la sphère publique de commencer à se réapproprier ce qui appartient à tous. Il s’agit là d’une forme de relocalisation qui rapproche la production des usagers dont chacun peut mesurer les avantages tant en termes sociaux qu’écologiques. La restauration scolaire, les transports publics, l’eau, l’énergie, l’assainissement, les réseaux de communication se prêtent sans attendre à de telles initiatives locales. Les initiatives actuelles de remunicipalisation ou de mise en régie publique de l’eau sont pour nous un enjeu dans la réappropriation des services publics à mener sur les territoires.

Des mesures nécessaires

Cela signifie pour nous :

- de revenir sur les privatisations des entreprises publiques en premier lieu celle de La

Poste, des EDF-GDF, France Telecom… et des transports,

- de revenir sur les suppressions de postes qui affaiblissent le service public face aux mises en concurrence diverses du privé

- de revenir sur le démantèlement des grands secteurs comme la Justice, la Culture ou la

Santé, victime des logiques rentables

- de souligner l’impasse que constituent les PPP qui se développent actuellement

- de créer de nouveaux services publics dans les domaines émergents ou depuis toujours abandonnés à la logique du profit ou qui vont le devenir. Le débat actuel sur la réforme de la dépendance, répond en substituant aux logiques de solidarité, une vision libérale et individualisé à un réel besoin émergent de prise en compte de la perte d’autonomie.

- Soutenir les initiatives locales de réappropriation des besoins.

L’intérêt général au coeur d’une vision politique du service public

Mais cela signifie aussi remettre au coeur des services publics l’intérêt général et le rôle des populations. Nous considérons que les besoins sociaux et économiques doivent dicter les politiques publiques qui réglementent les différentes activités et permettent ainsi leur plein accès.

Cela pose la question de la définition et du lieu de décision, de la création et le fonctionnement des services publics. Et cela suppose la mise en oeuvre d’une véritable démocratie sociale, politique, représentative et participative qui permette l’intervention des usagers, des salariés et de leurs organisations, des associations et des élus.

3. La réappropriation des biens par le peuple en exerçant sa souveraineté populaire

La reconquête du bien commun

La période historique que nous connaissons s’est traduite par un glissement éhonté de la richesse produite du travail vers le capital. C’est donc bel et bien d’un nouveau partage des richesses dont nous avons besoin.

Faire-vivre les services publics, c’est aussi permettre leur appropriation par les usagers. La méthode, c’est l’implication populaire, en sollicitant les citoyen-ne-s tant pour les objectifs à atteindre qu’en les associant à la gestion des services publics. Cette question est indissociable de la réflexion à avoir sur la consultation de la population sur les « grands » sujets qui déterminent les politiques publiques. Cela signifie une réappropriation du débat politique et des lieux de débats politiques. En ce sens, les lieux existants, comme les commissions Consultatives des Services Publics Locaux peuvent être un lieu à investir pour porter le débat. La mise en place sur les questions de transport d’initiatives comme la création ou le développement de « comités de ligne » sont également à favoriser et amplifier. Il ne suffit de décréter, l’implication populaire, il faut également proposer des cadres, aussi divers que sont les questions à traiter.

Un débat qui monte, la gratuité du service public

C’est une évidence, certains services publics doivent relever de la gratuité. C’est le cas notamment de l’école, de la santé, de l’accès à l’énergie par exemple. Et cet objectif est envisageable dans la mesure où ce sont des services publics financés par l’impôt (et donc national en dépit d’un certains nombre de mesures actuelles). En aucun cas, il ne s’agit de nier que le service public à un coût, mais il est le fruit de la répartition des richesses de la Nation.

Concernant d’autres services publics, la question est posée et nécessite d’ouvrir le débat. Les réponses peuvent être différenciées entre la « bataille culturelle à engager », et par exemple une part incompressible « gratuite » dans l’accès à l’eau et l’électricité et au-delà un paiement lié aussi aux besoins différenciés des personnes. Cette discussion nous souhaitons l’avoir dans le cadre de notre réflexion commune et partagée.

Revaloriser et développer les acteurs du service public

Le service public ne fonctionne pas seul. Ce sont des femmes et des hommes qui le font vivre au quotidien, qui ont choisi comme voie professionnelle de se mettre au service de leur pays en devenant fonctionnaires (d’Etat, territoriaux ou hospitaliers). La fonction publique représente 20,5% de l’emploi total. Ces agents fonctionnaires ont choisi un emploi où n’est pas glorifié comme valeur maitresse le profit, l’écrasement des autres, la promotion individuelle, l’enrichissement personnel.

La question du statut des fonctionnaires est donc cruciale. Leur statut ne fait pas des fonctionnaires une « corporation privilégiée » comme l’idéologie dominante nous l’a seriné afin de mieux préparer les esprits à ne pas réagir face aux attaques. Le statut de la fonction publique n’est pas un simple équivalent du code du travail. Il n’a pas uniquement vocation à protéger les agents mais bien à garantir le service public. Depuis 2007, la dégradation de la situation s’est accélérée. La part des non titulaires a augmenté de manière notoire. Un déséquilibre a été créé sur cette base entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d’Etat, au détriment de cette dernière. On ne compte pas moins de 850.000 précaires dans les rangs de la fonction publique. Sont en cause entre autres, la RGPP, les privatisations de secteurs (exemple de France Télécom), la Loi sur la mobilité permettant notamment le recours à l’intérim… Les récentes déclarations de C. Jacob sont à ce sujet une remise en cause inquiétantes de l’idée même de service public. La jurisprudence européenne aggrave cette situation car elle ne reconnait que l’emploi des personnes, le statut étant vu comme une entrave à la liberté de chacun à postuler à chaque emploi.

Il est donc nécessaire de mettre un coup d’arrêt aux politiques de destruction de l’emploi public, de dé précariser les emplois, de revaloriser les salaires, de redonner aux fonctionnaires la possibilité d’exercer leur mission.

L’exercice de la souveraineté par l’impôt

Aujourd’hui il existe trois sources de financement des services publics : l’impôt, la tarification et le recours à des fonds privés via les Partenariats Publics Privés (PPP) ou les Délégations de Service Public (DSP).

Nous proposons de revenir à une part plus importante de l’impôt qui ne représente plus que 20% des recettes fiscales. L’impôt direct est à la fois le moyen le plus juste et la manière d’impliquer chaque citoyen dans les choix de son pays. Quand il choisit un programme électoral, il définit quel type de société il veut voir en application et comment les richesses doivent être réparties dans notre pays.

L’impôt est la contribution de tous aux grands choix collectifs, tous doivent donc y contribuer à la hauteur de leurs richesses. Pour cela, plusieurs niveaux s’imposent pour une réforme fiscale : favoriser les impôts directs, remettre une part plus grande de progressivité dans l’impôt, revoir les niches fiscales, supprimer le bouclier fiscal, ramener un équilibre dans les prélèvements sur les ménages et sur les entreprises et une taxation des revenus du capital (qui n’est taxé qu’à 18%), lutter contre la fraude fiscale et les évasions fiscales. Mais aussi revenir sur la situation financière des collectivités territoriales dont les recettes et l’absence de compensation financière de l’Etat pour les compétences transmises mettent à mal l’existence même de certains services publics

La rupture nécessaire avec la logique libérale l’Union Européenne

L’union européenne s’est progressivement substituée à l’Etat dans son rôle de législateur. Elle édicte des directives qui assurent la « régulation » des services et laisse aux parlementaires nationaux le soin de les transposer.

Le Traité de Lisbonne, rejeté avec force par le peuple français en 2005 à travers le Traité constitutionnel Européen (TCE), a consacré l’Europe libérale et a fait du dogme de la concurrence libre et non faussée l’outil de la mise à mort de nos services publics et par là même de notre souveraineté populaire.

Il nous faut donc rompre avec cette logique et sortir du Traité de Lisbonne. La proposition de mettre en place une clause d’opt out sur les services publics c’est-à-dire de déroger au droit communautaire sur les services publics est en débat. De même que la réflexion autour de services publics à l’échelle européenne (transport …).

Nous vous invitons à participer massivement au forum du programme partagé sur l’Europe qui développera nos propositions pour une autre Europe, le Front de Gauche pour changer d’Europe.


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