Ces Verts ont d’étranges idées ces temps ci

dimanche 27 février 2011.
 

Madame Eva Joly présentait ce mardi un rapport concernant la modification de l’accord entre l’Union européenne et l’Afrique du Sud. Un accord sur le commerce, le développement et la coopération. En abrégé : ADC. Pour bien comprendre la situation de vote, il faut savoir que : qui vote pour le rapport adopte du même coup l’accord dont il traite. Du coup le rapport, de madame Joly était en fait une recommandation demandant aux députés européens d’adopter la modification de l’accord. Et donc l’accord lui-même. Vu ? Le Parlement pouvait soit adopter soit rejeter cette recommandation. Et du coup, en le faisant, il acceptait ou rejetait l’accord tel que modifié. La majorité du parlement a suivi Madame Joly de façon écrasante : 521 voix pour. Je sais bien que des propositions appréciables étaient faites par les additifs inclus. Il n’en reste pas moins que voter ce rapport c’est accepter l’Accord de Partenariat Economique que la Commission européenne cherche à conclure avec l’Afrique du Sud. C’est donc cela qu’il faut examiner.

Vous ne le savez peut-être pas : un APE (accord de partenariat économique) c’est un accord entre l’Union européenne et une grande région du monde. Le contenu comporte toujours un volet commun quel que soit le coin du monde. Vous devinez lequel. Qu’est ce qui est universellement vrai et bon ? Notre chère « concurrence libre et non faussée ». Bien sûr ! C’est pourquoi cet accord avec l’Afrique du sud comporte le volet habituel d’injonctions libérales : la suppression progressive des droits de douanes à l’importation et l’interdiction de toute augmentation, rétablissement ou création de ces droits ; l’interdiction de tout quotas d’importation ou d’exportation ; la mise en place à terme d’une zone de libre échange complète, services compris. Ce qu’il y a de spécialement pervers dans le comportement de l’Union Européenne, c’est qu’elle oblige ainsi ses partenaires à importer le libéralisme. Et que, pour y arriver elle n’hésite pas à faire tout ce qu’elle peut pour démanteler les accords d’union ou de coopération qui peuvent exister localement entre pays voisins. Au cas particulier, l’Union a du contourner l’existence de l’Union douanière d’Afrique australe (la Sacu !). Voici comment elle s’y est prise. Ce scénario est toujours le même, où que passe notre chère Europe bienfaisante et pleine de grands principes. Elle arrive et négocie, en tête à tête, avec chacun des pays qui compose l’union douanière locale pour les forcer à céder, un après l’autre. Oui mais, voilà : si le Botswana, le Lesotho et le Swaziland ont fini par céder aux pressions, l’Afrique du Sud et la Namibie, eux refusent toujours de signer. Voilà pourquoi, pour les cruels eurocrates de la Commission, il était urgent d’inscrire dans l’Accord de Coopération et de développement entre l’union européenne et l’Afrique du Sud que les négociations commerciales sont toutes suspendues à la conclusion d’un de ces maudits accords de partenariat économique global. Comment quelqu’un comme Madame Joly a-t-il pu en arriver à la conclusion qu’il fallait approuver un tel chantage ? Retenez votre souffle : la phrase d’explication fait dix lignes ! " Votre rapporteure suggère, au vu de ce qui précède, que la commission du développement recommande au Parlement d’approuver la conclusion de l’accord et souhaite que les nouvelles dispositions de l’accord liées au développement ainsi que les nouvelles coopérations qu’il prévoit soient pleinement appliquées et fassent l’objet, dans la phase de mise en œuvre de l’accord, d’un suivi attentif à la lumière de l’article 208 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, c’est-à-dire dans le respect des objectifs de l’Union en termes de coopération au développement, objectifs dont l’Union doit tenir compte dans la mise en œuvre de toutes ses politiques susceptibles d’affecter les pays en développement, le principal de ces objectifs étant la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté." On se demande bien comment, en signant un accord qui oblige à ouvrir toutes grandes les frontières, l’Afrique du Sud pourrait « éradiquer » la pauvreté. Madame Joly ne s’est visiblement pas posé la question au moment de nous appeler à voter « pour » avec elle. J’ai donc voté contre. Mais mon voisin communiste portugais s’est abstenu, faisant valoir que « malgré tout » il s’agit de l’Afrique du sud ! Et je lui ai dit que pour moi c’était une raison supplémentaire de voter « contre » par fidèle affection pour ce pays.

Ces Verts ont d’étranges idées ces temps ci. J’avais lu ce papier de Gérald Andrieu dans « Marianne 2 » à propos de José Bové signant une déclaration écrite avec un grave extrême nationaliste bulgare du parti ATAKA. Je n’avais pas été étonné de constater que ce concierge de Quatremer n’en avait soufflé mot car je sais que ses indignations sont à géométrie variable. N’avait-il pas déjà tu soigneusement la spectaculaire embrassade du président du groupe de la droite européenne, l’UMP français Joseph Dauhl avec le « néo-populiste » hongrois Victor Orban qui persécute la liberté de la presse et des citoyens de son pays ? Cette fois-ci je découvre que vient au vote un texte que signent Europe écologie avec la droite, les nationalistes les libéraux et les sociaux démocrates à propos de la « stratégie pour 2020 » de cette chère « Europe qui nous protège ». Il s’agit d’une de ces verbeuses « résolution » avec lesquelles ce parlement perd son temps puisqu’elles n’ont aucune valeur législative. Cette « stratégie Europe 2020 » c’est le titre du document qui prend la suite de la fumeuse « stratégie de Lisbonne 2000 », de pitoyable mémoire, que Lionel Jospin fit l’erreur de signer aux côtés de Jacques Chirac. Ce nouveau document est juste une surenchère dans les orientations du précédent texte. Son objectif est seulement d’imposer davantage d’austérité et l’approfondissement du contrôle de l’Union sur les Etats membres. En effet « la stratégie de Lisbonne » a été un échec. Aucun des objectifs fixés n’a été atteint en matière de déploiement de la supposée « économie de l’intelligence » et autres sornettes de cet acabit qui faisaient tout le chic verbeux du document. Avec « Europe 2020 » recommencent les phrases creuses sur la croissance "intelligente, durable et inclusive" et « l’économie sociale de marché durable". Mais je sais lire la nov-langue européenne. Une phrase peut vouloir dire le contraire de ce qu’elle annonce. C’est le cas ici. Le texte se donne des airs de combattre les difficultés. Mais en le faisant il avalise la situation insupportable qu’il dénonce. Ainsi quand il affirme vouloir remonter le taux d’emploi à « au moins 75 % ». Merci pour le taux de chômage à 25 %. Ou lorsqu’il « réaffirme les objectifs de l’Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique » inférieurs aux prescriptions admises par le GEC ! Ou encore quand il propose de « réduire le taux de pauvreté de 25 % » ce qui laisse quand même 75 % de ce dernier et sans jamais dire pour autant comment les premiers 20 millions de personnes seraient arrachés à la pauvreté ! On voit le genre de document. Bien dans le style hypocrite de la maison. Peu importe, en fait, pour ceux qui l’ont écrit ce que dit et promet ce document. Ce qui compte c’est que s’imposent les moyens proposés pour arriver à ses objectifs. Il s’agit de renforcer le contrôle de l’Union Européenne sur les Etats membres, au mépris de la souveraineté populaire. Ainsi quand il est affirmé que « les Etats membres adoptent des objectifs nationaux » avant de préciser qu’ils « sont validés par la Commission ». Le « semestre européen », ce processus de vérification préalable des budgets nationaux par la Commission est la concrétisation de cette formule. Ou bien, quand la « la stratégie Europe 2020 » pose comme préalable à toute croissance une réduction des déficits. On trouve là l’origine de l’obligation des plans d’austérité.

Que propose la résolution commune d’Europe Ecologie, de la droite, des nationalistes et des socialistes ? De belles et bonnes choses, nobles et dignes. Bien sûr. Mais dans le fouillis des bonnes intentions, la droite a inscrit ses mantras fondamentaux et les autres ont signé. Et d’abord un acte d’allégeance. C’est ainsi que la résolution commence en "considérant que la stratégie Europe 2020 devrait aider l’Europe à sortir renforcée de la crise". Dans un style néo brejnévien enthousiaste, elle n’hésite pas à enfoncer le clou hardiment : « les mesures prévues par la stratégie "Europe 2020" sont d’une importance capitale pour la concrétisation des espoirs que nourrissent les citoyens européens". Hurrah ! Et après cela on trouve encore pire. Ainsi quand il est asséné que "l’examen annuel de la croissance et le cadre du semestre européen sont des outils essentiels à une meilleure coordination des politiques économiques".

La croissance et le contrôle a priori des budgets nationaux par les grands prêtres du libéralisme comme modèle pour des écolos et des socialistes ! Bigre ! Mais que dire ensuite quand on lit qu’ils souhaitent ensemble "réaliser le marché intérieur de l’énergie, améliorer la sécurité des approvisionnements et atteindre nos objectifs en matière d’énergie et de climat", parmi lesquels le marché carbone, qui n’est pas cité. Le plus nul, si c’est possible, c’est l’aval donné à l’impérialisme maintenant ordinaire de l’Union européenne. Le texte claironne en effet vouloir "la mise en place d’une stratégie européenne efficace dans le secteur des matières premières, afin d’améliorer leur accessibilité et l’utilisation efficace de l’énergie et des ressources, tout en garantissant l’approvisionnement en matières premières essentielles à travers le développement d’accords de libre-échange et de partenariats stratégiques". Fermez le ban. En une phrase l’écologie politique et le socialisme ont mis les pouces.

Cette façon de rédiger et de voter des textes entre chiens et chats, eau et feu, est le moyen par lequel est produit une sorte de « doxa européenne » partagée et énoncée ensuite comme évidente, sur le style « nous savons tous que » ou bien « nous le disons tous ». Alors ensuite, évidemment, seuls des fanatiques ou des fous peuvent n’en pas vouloir. Pour comprendre combien cette méthode du désarmement insidieux est goûtée des eurocrates et de leurs griots, il faut lire cette présentation que fait l’eurolâtre frénétique Jean Quatremer, du livre d’entretien avec José Bové qu’il vient d’éditer. Lisez cette prose humble et sans prétention, mais tellement significative : « Surtout, l’homme ne s’est pas figé dans son combat de 2005, comme un certain nombre de nonistes, mais a su évoluer : après avoir constaté l’impossibilité de bâtir un projet européen alternatif de gauche (échec des « comités anticapitalistes » puis du NPA), il a rejoint Europe Écologie et s’est présenté aux élections européennes de juin 2009 avec Daniel Cohn-Bendit, avec le succès que l’on a vu. Depuis, l’homme est devenu l’un des députés qui comptent au Parlement européen, pratiquant à merveille l’art du compromis et parvenant à réunir des majorités afin de faire bouger les lignes. Un anti-Mélenchon par excellence, le député du Parti de gauche campant sur son Aventin depuis 2005, d’où il lance des fatwas contre ceux qui ne partagent pas ses vues. » A l’inverse de moi donc, qui persiste en effet à vouloir n’avoir rien à faire avec les eurocrates, heureusement, il y a entre le Larzac et Bruxelles, un chemin de Damas toujours ouvert aux repentis. « C’est donc à la découverte de cet homme que j’ai été et je ne regrette pas le voyage que nous avons fait du Larzac à Bruxelles. Et j’avoue que José et moi-même sommes ravis d’avoir fait exploser les lignes : comment un « eurobéat ultralibéral » a-t-il pu travailler avec un « altermondialiste noniste arracheur d’OGM et démonteur de McDo », entendons-nous régulièrement ? Réponse dans ce livre qui montre que l’Europe peut réunir » Alléluia ! Moi aussi je me demandais « régulièrement » comment un tel miracle était possible compte tenu du fait que tout le monde me parle « régulièrement » de Quatremer et du monsieur avec des moustaches qui est sur la couverture de son bouquin. Et maintenant je sais ! C’était encore cette brave Union qui non seulement nous protège mais nous réunit ! « God’dam chiet » ! Comme on dit en globisch vulgaire !


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