La laïcité est la clef d’une société apaisée et démocratique (PCF)

lundi 21 mars 2011.
 

Quelle bouillie  ! Islam, immigration, identité nationale… On a jeté des ingrédients en dés dans la marmite et on y ajoute chaque jour son lot d’épices avariées. Il n’aura échappé à personne que la fin (du quinquennat) justifie les moyens. L’hypercandidat reprend donc ses vieilles techniques de provocation pour essayer de noyer le poisson, dans un pitoyable pas de deux avec Marine Le Pen, qu’il se fait fort de battre sur son propre terrain. Triste concours de nationalisme haineux.

Pendant quatre ans, il s’est servi de la République comme d’un paillasson, invitant ses amis fortunés à partager son attitude. Et c’est au nom de « la République laïque » qu’il vient maintenant s’adresser à nous. Et c’est en nous parlant gaiement de laïcité qu’un jour il stigmatise les musulmans, justifiant qu’on puisse désormais parler d’islamophobie. Et que le lendemain il flatte grossièrement les catholiques, auprès desquels il a visiblement beaucoup à se reprocher… Nous ne devons pas nous laisser berner par ces débats biaisés, qui se déroulent dans de perpétuels amalgames incestueux. Nous savons bien qu’il s’agit ainsi de revenir goûter aux joies de l’identité nationale et de ses relents xénophobes. Nous appelons donc les croyants à ne pas laisser un imposteur instrumentaliser leur foi et diriger leurs choix. S’il est parfois ténu, le dialogue interreligieux est une réalité qui contredit cette tentative de dresser les uns contre les autres. Il ne faut donc pas laisser la droite redéfinir les contours de la laïcité à sa sauce dans un débat dont elle peine à poser le cadre (et pour cause)  : la laïcité n’est pas lepénisable. Ce n’est pas une machine à exclure ou à montrer du doigt. Elle ne saurait servir la fabrication d’une culture nationale franchouillarde aux relents néocoloniaux, voire néovichystes.

Mais nous n’en sommes pas arrivés là par hasard. Au fil du temps, le mot « laïcité » est devenu un mot-paravent derrière lequel on croit pouvoir se réfugier sans plus d’explications. Et, puisqu’il s’agit d’un concept très élastique dans l’opinion, Nicolas Sarkozy a décidé de l’utiliser comme un cheval de Troie. Ainsi assenait-il le 10 février dernier à la télévision  : « Si on vient en France, on accepte de se fondre dans une seule communauté, qui est la communauté nationale, et si on ne veut pas accepter ça, on ne peut pas être le bienvenu en France. » Mais souvenons-nous qu’il a déclaré dans son fameux discours de Latran  : « La République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. » Il existerait donc un discours religieux souhaitable (d’abord parce qu’il serait « bien de chez nous »), celui qui porte une morale complémentaire (la religion au service du pouvoir), et qui promet à la clef une vie meilleure dans l’au-delà (ne soyons pas trop exigeants sur terre). Cette conception utilitariste de la religion, que l’on a pu qualifier de religion-pharmacie, a déjà bien vécu, et il serait surprenant que tous les croyants (même chrétiens  !) y souscrivent. Ce d’autant qu’ils sont nombreux, comme dans l’ensemble de la population, à souffrir de la politique de Nicolas Sarkozy et à la rejeter. C’en est bien fini de la chrétienté, c’est-à-dire, entre autres choses, d’un pouvoir temporel légitimé par un pouvoir spirituel. Ne lui déplaise. Et c’est aussi pour cela que les musulmans ont raison de refuser qu’il vienne leur construire un « islam de France ».

Mais regardons les choses en face. Le débat sur la laïcité traverse aussi la gauche. Et c’est même une certaine conception de la laïcité, héritée du radical-socialisme et de l’anticléricalisme, qui a ouvert la voie aux torsions d’aujourd’hui. Cette conception pose la laïcité comme instrument de combat contre les convictions religieuses. C’est de là que découle cette distinction factice entre l’espace public et l’espace privé.

Or la loi de 1905 est une loi d’apaisement, qui institue l’indépendance de l’État et établit la liberté de culte. Et nous pensons qu’il faut plutôt définir la laïcité comme une manière d’envisager le vivre ensemble des êtres humains également reconnus dans leur singularité. Elle se pose en garantie de la liberté de conscience, de l’égalité de droits et de la fraternité républicaine. Elle est la clef d’une société apaisée et démocratique. Elle est le principe vivant par lequel la République accueille et fait dialoguer toutes les représentations du monde dans la mesure où elles ne contestent pas son principe et l’application de ses lois, pour leur permettre de construire la société ensemble. Faire vivre la laïcité dans toute sa richesse est la meilleure façon de lutter contre les fondamentalismes qui prônent des pouvoirs totalitaires, et les communautarismes qui construisent des ghettos totalisants.

Il y a là un défi enthousiasmant pour tous ceux et celles qui veulent construire une société où l’humain est premier. Mais nous pouvons bien concevoir que cette conception des choses provoque une certaine déception pour ceux et celles qui espéraient trouver là un simple règlement à appliquer. Nous vivons dans une société forte à la fois de sa diversité culturelle et d’une culture commune en mouvement. Nous sommes loin du concept du multiculturalisme importé par Nicolas Sarkozy pour se faciliter la tâche. Cette réalité crée des frottements au quotidien, elle appelle de la politique pour faire toujours progresser les valeurs républicaines et humaines.

Par Pierre Dharréville, secrétaire départemental du PCF des Bouches-du-Rhône, et Annie Mazet, secrétaire départementale du PCF de la Drôme.


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