Renault-Nissan : Fortes tensions

vendredi 29 avril 2011.
 

On a beaucoup parlé de Renault-Nissan ces temps-ci. Je m’épate de voir comme la dimension sociale et financière de la question est masquée par les avatars de l’histoire de gribouille qui a ridiculisé le haut management de l’entreprise. Renault-Nissan n’est pas pauvre. Son bénéfice pour 2010 s’élève à 3,5 milliards d’euros. Son patron non plus n’est pas pauvre. Carlos Ghosn coute cher. Très cher. Il gagne 9,1 millions d’euros par an. C’est le patron le mieux payé de France. Dans le même temps, les salaires ouvriers de Renault ont baissé de 15 % en raison du chômage technique. Le crédo du patron pour Renault : « être le constructeur généraliste européen le plus rentable ». Résultat, un plan de 6 000 suppressions d’emplois lancé en 2008, appliqué en dépit des aides publiques reçues en 2009-2010. Et bien sûr, le gel des salaires sur 3 ans et l’accroissement de la flexibilité. Et tout ça pour quel résultat ? Afin de réduire les coûts et d’augmenter ses marges Renault a multiplié les délocalisations de production de toute sa gamme depuis 5 ans. L’entrée de gamme, Logan, Twingo, Clio 2, se fabrique au Maroc et dans les pays de l’est. Le milieu de gamme c’est la Clio 3 produite à 60 % en Turquie. Le haut de gamme, Latitude et 4×4 Koleos sont fabriquées en Corée. Ces délocalisations massives obligent désormais Renault à importer l’essentiel des voitures qu’il vend en France : les 2/3 des Renault immatriculées en France sont fabriquées à l’étranger. Estrosi mentait donc ouvertement quand il affirmait : « une voiture française, destinée à être vendue en France, doit être fabriquée en France ! ». Et pourtant l’argent public est fortement mis à contribution dans Renault. 4 milliards d’euros d’aides ont été versés par l’Etat en 2009, sous forme d’avances remboursables. Sur les 500 millions d’euros de primes à la casse payées par l’Etat en 2009, Renault a largement pris sa part car ses clients ont été parmi les principaux bénéficiaires. Enfin n’oublions pas les 300 millions d’euros que Renault va économiser en 2010 grâce à la suppression de la taxe professionnelle. Que les impôts des français compenseront.

En dépit de toutes ces participations publiques, l’influence stratégique de l’Etat sur Renault est quasi nulle, alors qu’elle devrait contribuer à réorienter ses productions compte tenu de la crise écologique. L’Etat le pourrait s’il assumait son pouvoir. L’Etat possède encore 15 % du capital de Renault représentant 18 % des droits de vote. Deux administrateurs siègent pour cela au conseil d’administration de Renault SA. L’Etat est donc le 1er actionnaire de Renault. Que pèse-t-il dans les choix ? Pire, l’Etat a subventionné la future voiture électrique de Renault, la Zoé, sans avoir de garantie en termes de localisation de l’activité. 100 millions d’euros en capital, 150 millions pour la chaîne de fabrication des batteries, sans parler du bonus fiscal de 5 000 euros qui sera offert à l’achat. Inutile de rêver pour l’avenir si tout reste en l’état. La Commission européenne a interdit toute mesure anti-délocalisation dans les plans d’aides à l’automobile. Dès l’annonce du Plan français d’aide à l’automobile, la Commission avait déclaré le 10 février 2009 que « toute obligation de garder une unité de production en France rendrait ces aides illégales ». Et à l’issue du Sommet européen du 2 mars 2009, la Commission s’était réjouie d’avoir obtenu de la France que « les conventions de prêt avec les constructeurs automobiles ne contiennent aucune condition relevant de la localisation de leurs activités en France. » C’est tout cela le bilan, à l’arrière plan de l’affaire d’espionnage bidon, qui mine l’entreprise. L’affaire, avec sa conclusion ubuesque ne s’arrêtera pas là. La secousse a touché un organisme déjà en forte tension. Une maison où les suicides professionnels sont déjà bien ancrés dans le paysage du mal être et de la souffrance au travail.


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