L’Europe sous protectorat de la finance (article national PG)

mardi 5 juillet 2011.
 

Hasard du calendrier, deux grandes institutions financières internationales contrôlées par les Européens sont en train de renouveler leur directeur : le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Centrale Européenne (BCE). Le processus de sélection des candidats fait surgir sous nos yeux la réalité des rapports de pouvoir qui sous-tendent l’ordre mondial. Le profil des promus et favoris dit clairement qui tient le manche dans la mondialisation libérale.

Ce sont d’abord les banques d’affaires. C’est-à-dire le capital financier dans son expression la plus pure. Le FMI de Strauss-Kahn avait déjà confié son département Europe à un ancien de Goldman Sachs, Antonio Borges. Celui-ci est notamment chargé de surveiller le respect par les gouvernements européens des saignées imposées par le FMI au profit des banques. Un circuit court en quelque sorte. Voilà maintenant un nouveau venu avec lequel Borges travaillera sans doute sans difficultés. Le nouveau président de la BCE, Mario Draghi est un ancien collègue de Goldman Sachs. Draghi était notamment en charge des opérations juteuses montées par la banque autour de la gestion de la dette des Etats ou encore des privatisations, qu’il supervisa dans son pays comme président de la commission de privatisation italienne. Notez l’évolution. Là où Trichet était un énarque converti au monétarisme, Draghi est l’ancien dirigeant d’une banque qui construit sa fortune sur le dos des Etats. Ce n’est pas une première. Des ex Goldman Sachs sont déjà gouverneurs de plusieurs banques centrales dans le monde (celle du Canada, de New York) ou ont été à plusieurs reprises à la tête du Département du Trésor Américain. On a entendu quelques commentaires inquiets dans les jours précédant la nomination de Draghi. Mais cela n’a pas chagriné outre mesure les députés européens, qui lui ont apporté un soutien massif avec 499 voix pour, 72 voix contre et 89 abstentions, droite et sociaux-démocrates couchés côte à côte comme des paillassons de la finance.

Le choix de Christine Lagarde comme candidate des européens à la tête du FMI récompense elle d’autres défenseurs professionnels des intérêts de la finance, les avocats d’affaires. Lagarde est l’ancienne présidente de Baker & McKenzie, le premier cabinet d’affaires aux Etats-Unis (qui a préféré se constituer sous la forme fiscalement avantageuse d’une Verein suisse). Ce cabinet compte lui aussi plusieurs gouvernements parmi ses clients. Quant Lagarde a été nommée ministre, elle siégeait au conseil de surveillance de la multinationale néerlandaise ING Group, une des premières sociétés de bancassurance du monde. Elle était aussi membre du think tank Center for Strategic and International Studies, basé à Washington et fondé au temps de la guerre froide pour renforcer le partenariat transatlantique. Car l’autre point commun de ces promus est leur lien étroit avec les Etats-Unis. Draghi est parfois présenté comme le plus allemand des candidats à la présidence de la BCE. Mais c’est pour mieux faire oublier que cet ancien étudiant du MIT de Boston est en réalité le plus américain de tous. L’anglais est leur langue de travail, de pensée et de communauté. Voilà qui nuance l’idée d’une mondialisation où la finance aurait totalement pris le pas sur la politique et les cadres nationaux où celle-ci s’est forgée. Les corsaires de la finance partis à l’assaut du grand monde ont gardé un port d’attaches aux Etats-Unis. Et l’Union Européenne qu’ils ont arraisonnée n’est au final ni sociale ni démocratique ni même européenne.


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