Situation alarmante dans les centrales nucléaires russes

samedi 23 juillet 2011.
 

Depuis l’accident de Fukushima, les rapports sur des complications survenues dans des centrales nucléaires se multiplient partout dans le monde. Le dernier en date, et non des moins alarmants, est une étude confidentielle sur l’état du parc nucléaire russe, présentée en secret au président Dmitri Medvedev par Rosatom, l’agence russe du nucléaire, le 9 juin, et divulguée par l’ONG norvégienne Bellona. Dans ce document de conclusion des stress tests effectués suite au tsunami japonais, l’agence nucléaire recense 31 failles sérieuses en termes de sécurité, du fait de déficiences de contrôle, d’entretien et de réparation, prouvant l’extrême vulnérabilité des onze centrales du pays en cas de catastrophe naturelle.

Premier défaut majeur : les risques sismiques n’ont pas été pris en compte lors du choix des sites des centrales, souvent construites à l’époque soviétique. Et la plupart des réacteurs - sur les 32 opérationnels - ne sont pas prévus pour s’arrêter automatiquement en cas de séisme. Mais en réalité, les centrales russes pourraient ne pas avoir besoin de l’aide de Mère nature pour s’effondrer : du fait de leur âge avancé, les bâtiments abritant des réacteurs montrent « des signes d’affaissement et d’inclinaison progressifs », selon le rapport.

Du côté des systèmes de refroidissement, équipements-clés des centrales nucléaires, la situation n’est guère plus rassurante. Ces mécanismes, ceux fonctionnant en circuit fermé comme ceux d’urgence, sont qualifiés de « déficients », du fait de délabrement des matériaux et de défauts de soudure. Les systèmes de contrôle des quantités d’hydrogène ne sont pas plus conformes aux réglementations internationales, indiquant que les réacteurs russes pourraient être sujets à des explosions similaires à celles qui ont ravagé les bâtiments des trois premiers réacteurs à Fukushima-Daiichi.

Enfin, le rapport pointe un cruel manque de préparation du personnel de ces sites à différents scénarios d’accidents, comme des inondations, incendies, tempêtes ou séismes. Sans compter que Rosatom ne conserve pas de traces des anciens incidents et accidents, rendant ainsi impossible toute tentative d’amélioration de la sécurité et de prévision de nouveaux problèmes.

Les centrales les plus préoccupantes sont celles de Leningrad et Kola, respectivement aux frontières finlandaises et norvégiennes. La première possède quatre réacteurs RMBK, de 1000 MW de puissance, les mêmes que celui de la centrale de Tchernobyl avant son explosion en 1986. Des réacteurs dont le rapport qualifie la conception de « gravement défaillante » et pouvant conduire à des accidents graves - en particulier, des problèmes avec les grappes de commande, nécessaires pour maintenir la réaction nucléaire sous contrôle. La seconde centrale, elle, fonctionne avec des réacteurs VVER, moins puissants (440 MW) mais plus âgés - deux d’entre eux ont ainsi vu leur durée de vie prolongée, il y a huit ans déjà.

Dans ces centrales, le risque d’accident dû à des catastrophes naturelles n’est pas seulement théorique. Ainsi, déjà, en 1990, une importante tempête avait stoppé les systèmes électriques primaire et de secours de la centrale de Kola, forçant la Norvège à intervenir pour fournir d’énormes générateurs électriques et assurer ainsi le refroidissement des réacteurs. En 2006, une autre panne de courant avait mis en péril le refroidissement du combustible cette fois dans le complexe nucléaire Maïak.

« Le rapport révèle des carences qui n’ont jamais été mentionnées publiquement, ni signalées internationalement », a estimé Ole Reistad, ingénieur à l’Institut norvégien de technologie et de l’énergie. Pour les scientifiques norvégiens, ce rapport pourrait ainsi signifier une amorce de changement dans l’attitude de la Russie, jusqu’alors plus encline à se livrer à la propagande en ce qui concerne la soi-disant « sécurité » de son parc nucléaire.

Audrey Garric, journaliste au Monde.fr


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