Strasbourg : cour des miracles européenne et « coup d’Etat des financiers »

mardi 27 septembre 2011.
 

Cette semaine je vais siéger à Strasbourg. La cour des miracles européenne est convoquée et l’ordre du jour prévoit le vote d’un document repoussé en juin dernier. Il s’agit du régime des sanctions qui seraient appliquées aux Etats récalcitrants qui ne suivraient pas les consignes de l’infâme « pacte euro plus ». Le caractère irréel de ce vote m’abasourdit. Tout cela n’a plus rien à voir avec le rythme et les enseignements des évènements. Qui peut être assez stupide pour croire qu’un Etat en difficulté accepterait de voir son budget encore grevé par des amendes ? Surtout celles si insupportables et odieuses prévues par les eurocrates hallucinés qui mènent aujourd’hui la barque de l’Union ? Comment paieraient-ils ? En empruntant auprès de ceux qui les punissent ? Rien ne montre mieux les limites intellectuelles des illuminés du libéralisme que cette idée d’une punition qui dissuaderait les Etats de se comporter d’une façon « irresponsable ». C’est si bête que je suis certain qu’il s’agit de tout autre chose.

Ce système de sanction fait partie du « coup d’Etat des financiers ». Qu’il ait ou non de l’efficacité ou même qu’il soit ou non applicable ne compte pas. Ce qui compte c’est d’avoir fait institutionnaliser l’idée que la souveraineté populaire est limitée par la domination des « lois du marché ». Tout est bon pour y parvenir et notamment tout ce qui humilie ostentatoirement la démocratie. Car cela marque sa subordination. Ainsi quand le banquier central enjoint au gouvernement italien de ses soumettre plus vite et qu’il le fait en plein été sans discuter. Ainsi quand les socialistes espagnols s’accordent avec la droite post franquiste pour introduire dans leur Constitution, quasi sans débat, et en plein été, la prétendue « règle d’or ». Comme tous ceux qui se rendent compte de ce qui se passe je suis atterré et indigné. Mais ce n’est pas le pire que ce ressenti. Le plus terrible est de savoir que même du point de vue du système lui-même tout ceci ne débouche sur rien de sérieux. La chaine va craquer. A quel moment ? Comment ? Cela nous ne le savons pas. Mais nous pouvons être certains que cela va se produire. La cause essentielle est bien sur la cupidité et les règles même de fonctionnement du système. Mais ce n’est pas tout.

Est en cause aussi l’aveuglement des élites dominantes, de leur personnel politique sans imagination. La crise ouverte à la BCE par la démission de son chef économiste exprime bien le désarroi et la panique qui gagne ceux qui savent que tout cela va dans le mur. Sans oublier les coups géopolitiques sans scrupule qui se jouent en sous-main. Je pense aux accusations portées par la présidente du MEDEF à propos du rôle des Etats Unis d’Amérique contre la stabilité du système bancaire français. Prononcée par moi, on imagine quel tollé aurait été déclenché cette accusation. Mais elle, madame Parisot ? Pourtant personne n’a relevé ou presque et il n’y a eu aucun débat sur le sujet. La bonne santé des obligations du trésor américain et le bas niveau historique des taux d’intérêt que paie ce pays ruiné devrait faire réfléchir aux avantages que les USA tirent de la crise en Europe. Mais à quoi bon parler de cela ! Tout ce qui vient du pays du 11 septembre est bon et juste, cela va de soi. Quand évoquera-t-on ces responsables politiques et économistes allemands qui pensent depuis le début que l’Euro est une utopie. Ceux-là aimeraient tant revenir à la zone mark qui se dessinait avant la création de la monnaie unique ! Pour avoir suggéré qu’il pouvait y avoir anguille sous roche dans notre relation avec l’Allemagne d’aujourd’hui, je fus accusé de tout ce que l’on sait par Daniel Cohn Bendit, on s’en souvient. Je crois que Cohn Bendit, comme d’autres, se cachent la tête dans le sable au lieu de traiter la difficulté en la regardant en face.

En attendant, je vois bien comment le système financier s’arcboute pour protéger ses moyens d’actions. On connait l’idée de créer des euros-bons qui pourraient éventuellement être joués comme une parade à la capacité des financiers de dévorer les pays un par un. Pour ma part je ne le crois pas. Je pense que le bon remède c’est le prêt direct de la banque centrale aux états membres à taux hyper bas. Mais j’admets que « l’euro bon », jusqu’à un certain point, peut aussi être un prélude une résistance collective qui éteindrait en partie la spéculation. Les arnaqueurs concernés ont réagi. Standard and Poor’s a déjà rendu son verdict. La fatwa est tombée. Ces « euro-bons », s’ils étaient créés, assène l’agence de notation, obtiendraient la note du pays le moins bien noté si l’émission était garantie par tous les états membres ! Et hop ! Voilà un moyen de tuer dans l’œuf toute tentative de mise en commun des moyens des Etats. Car cela veut dire que l’Allemagne, la France, et tous les autres emprunteraient désormais au taux usurier consenti à la Grèce ! Où ai-je lu ça ? Dans le « Figaro » du 5 septembre. Et nulle part ailleurs. Pourtant la nouvelle est considérable. Elle signifie que les financiers qui tirent les ficelles des agences de notation ne tempèrent plus leur « évaluation du risque » par aucune garantie collective des états.


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