Courrier de Gauche Unitaire à Gauche Anticapitaliste courant du NPA

vendredi 9 décembre 2011.
 

Chers camarades,

Nous voulons vous remercier de l’invitation que vous nous avez faite d’assister à votre conférence nationale le 8 novembre, et vous dire l’intérêt que nous y avons porté. Nous avions décidé de ne pas vous écrire avant celle-ci, préférant voir plus précisément ce que sont vos débats avant de nous adresser à vous, ce que nous faisons par le présent texte.

Tout d’abord nous tenons à souligner que nous estimons d’une grande importance la constitution du courant que vous représentez à présent, déterminé à agir sur le champ politique sans être prisonnier de l’orientation majoritaire du NPA. Ajoutons que les anciens militants de l’ex-LCR au sein de Gauche unitaire ne peuvent qu’être particulièrement sensibles à ce qui s’est exprimé de la part d’anciens camarades de l’ex-LCR au sein de votre regroupement : la volonté de préserver une part des acquis de ce que fut cette organisation. C’est un souci que bien évidemment nous partageons, et que peuvent comprendre les camarades qui sont porteurs d’une autre histoire.

Cela dit, nous voulons vous faire part d’une préoccupation qui est la suivante : autant votre affirmation politique est positive, autant les conditions dans lesquelles elle s’opère font qu’elle confirme l’état de crise des forces anticapitalistes, plus généralement du mouvement ouvrier, et les risques d’affaiblissement et de fragmentation accrus qu’il génère. Une situation que nous-mêmes, avant vous, avons connue. Nous devons donc avoir la souci de maîtriser cette dynamique de dispersion croissante et de chercher à l’enrayer.

Selon nous cela impose des exigences fortes. La première est de savoir collectivement tirer les leçons des échecs subis. Il s’agit d’un débat qui demandera du temps, dans lequel il ne s’agit en rien de régler des comptes ou de poser des préalables aux rapprochements possibles. L’objectif doit être de tirer les leçons d’une expérience coûteuse et de comprendre un échec lourd de conséquences.

La seconde est de débattre, sans frilosité ni auto-limitations, des problèmes auxquels nous nous voyons confrontés. Nous sommes conscients des contradictions qui sont celles des uns et des autres. Pour ce qui nous concerne, nous réfléchissons à partir de la situation qui est la nôtre d’être une composante du Front de gauche. Pour votre part vous vous constituez comme courant interne/externe du NPA, et ce à un moment où le champ politique à gauche du PS est déjà fortement structuré, toutes choses qui vous imposent des contraintes fortes au regard de vos marges de manœuvre. Sans prétendre dépasser miraculeusement cette situation et les limites qu’elle impose, il convient, estimons nous, de mener avec le maximum de clarté les débats sur les points qui nous paraissent problématiques dans votre démarche.

- La nécessité d’une analyse lucide de ce qu’est le Front de gauche.

Vous critiquez sa réalité de cartel d’organisations politiques. Vous devez entendre que cette limite est considérée par toutes les composantes comme devant être dépassée. Même s’il s’agit d’un front dans lequel toute organisation s’y inscrivant se voit garantie la possibilité de préserver son identité et son autonomie, on ne peut que souhaiter un développement du front, à travers des structures de base, qui fassent que puisent s’y inscrire des individus, des militants issus du mouvement syndical et associatif, se refusant à adhérer à tel ou tel parti. Seul un tel mouvement peut être à même de lui donner la dynamique nécessaire. Mais précisément une telle dynamique ne relève pas de la volonté politique, mais d’une modification des données qui représente un des enjeux de la situation.

- Le problème principal que nous percevons dans votre approche est ailleurs : la tentation de considérer que ce front, parce que antilbéral et compte tenu de ses faiblesses et limites, est nécessairement appelé à rallier le PS et à capituler devant le social-libéralisme. Et la tentation de faire de ce pronostic l’alibi justifiant votre choix présent de lui rester extérieur. Nous ne prétendrons pas, de manière symétrique, qu’il absolument certain que le Front de gauche et toutes ses composantes maintiendront, quelles que soient le circonstances, une indépendance de fer à l’égard du PS. Mais en revanche nous disons que rien n’est joué de ce point de vue. Et qu’une bonne part de l’avenir du mouvement ouvrier se joue là ! Notre tâche n’est pas de se faire les annonciateurs du pire, mais d’agir pour que se concrétise l’option la plus souhaitable pour les travailleurs.

Est décisif le fait que le Front de gauche est le produit d’évolutions fondamentales des forces politiques, dont le grand tort du NPA fut de les ignorer ou de les mépriser. La rupture du courant PRS d’avec le PS, le choix majoritaire du PCF de constituer le Front de gauche, ce sont là des événements politiques décisifs. Le pronostic de la direction du NPA, maintes fois répété des européennes jusqu’à aujourd’hui en passant par les régionales, que la direction du PC allait rallier le PS, a été démenti dans les faits. Il convient d’en tenir compte. Non pas pour tirer des traites sur un avenir imprévisible, mais pour comprendre que notre tâche est d’agir en faveur d’une perspective positive : l’affirmation d’une force de classe disputant au PS l’hégémonie sur la gauche.

- Tel est le troisième point sur lequel nous voulons insister. L’orientation à définir n’est pas celle pour après-demain, en fonction de pronostics hasardeux (ce que fera le Front de gauche par rapport à un éventuel gouvernement socialiste), mais bien celle pour aujourd’hui. La tâche de l’heure est de refuser l’austérité et de mener bataille pour battre Sarkozy, la droite et l’extrême-droite (ce qui, comme indiqué par certains intervenants dans votre débat, n’est pas aujourd’hui acquis). Il s’agit d’une bataille au regard de laquelle personne ne peut s’esquiver : se débarrasser de Sarkozy est un tel impératif que qui apparaîtra comme s’en étant désintéressé sera inaudible demain en cas de victoire de la gauche, et que qui n’aura pas pris sa part dans cette tâche portera une responsabilité importante dans la catastrophe que représenterait une réélection de Sarkozy.

L’autre tâche, combinée à celle-ci, est de convaincre que battre Sarkozy ne passe pas au premier tour par le vote pour le PS, mais au contraire appelle à renforcer la force susceptible de combattre l’hégémonie du PS, et d’affirmer une politique alternative à celle d’un social-libéralisme qui ne peut conduire qu’à de nouveaux et dramatique déboires. Quel est le point d’appui aujourd’hui pour construire une telle force, sinon le Front de gauche ? Certainement pas un NPA dont à juste titre vous expliquez qu’il s’isole de manière dramatique, ni un rassemblement qui se voudrait concurrentiel du Front de gauche, et risquant fort de ne regrouper que de maigres forces davantage préoccupées des trahisons à venir de la part des autres que de ses propres responsabilités politiques au présent.

Nous comprenons la difficulté qui est la vôtre de cerner l’exacte réalité du Front de gauche et à vous positionner de manière positive par rapport à lui. Reste que, selon nous, les tâches politiques dans la situation ne sont pas de se profiler comme la future « opposition de gauche » à un éventuel futur gouvernement socialiste appliquant une politique d’austérité. Mais bien d’agir activement pour une défaite de la droite, laquelle n’est pas aujourd’hui acquise, et de défendre l’orientation qui devrait être celle de toute la gauche dès lors qu’elle se veut de gauche. Avec la volonté de convaincre largement, y compris parmi les militants et électeurs socialistes, et de peser sur les contradictions de ce parti, dont les primaires ont confirmé qu’il n’est pas unanimement gagné à des positions de reniement des valeurs socialistes. Le choix entre une orientation sociale-libérale et d’adaptation aux exigences du capitalisme, d’une part, et, d’autre part, une orientation de refus de l’austérité et de transformation sociale radicale se concrétise en une confrontation vigoureuse, que les développements de la crise vont exacerber. Celle-ci traverse toute la gauche, et elle est à l’oeuvre, non pas pour l’après élections de 2012, mais bien dès à présent.

Vos débats témoignent que nous partageons une même compréhension de la situation de crise majeure que traversent nos sociétés et de la gravité des enjeux liés aux politiques d’austérité. Ce sont des affrontements de classe de grande ampleur qui sont en cours et qui ne vont faire que s’exacerber. Il faut combattre avec détermination les politiques de droite, ainsi que les dérives nationalistes et racistes qu’elle alimentent. Pour cela il convient de dégager une autre voie que celle du social-libéralisme porté en France et en Europe par la social-démocratie. Sur les forces qui partagent cette vision reposent des responsabilités énormes. Elles ne peuvent se satisfaire de leur actuelle dispersion, ni se faire une raison de leurs faiblesses présentes. Il faut œuvrer au rassemblement et à la défense de politiques efficaces pour mener les combats de l’heure. Cette exigence doit prendre le dessus sur toute autre préoccupation. De tout cela nous pensons indispensable de débattre avec vous et avec les autres forces partageant ces mêmes préoccupations.

Gauche Unitaire

Saint-Ouen, le 5 décembre 2011


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