Congrès du Fatah : "Nous ne pouvons pas poursuivre les négociations alors que la colonisation se poursuit dans les territoires palestiniens, qu’Israël ne reconnaît pas, dans ses principes, nos droits nationaux" par Qadoura Fares

samedi 8 août 2009.
 

Qadoura Fares est la voix de Marwan Barghouti (leader du Fatah), une personnalité parmi les plus fortes, les plus conséquentes et les plus attachantes du mouvement progressiste mondial, toujours emprisonné en Cisjordanie par le totalitarisme israélien.

Le dernier congrès du Fatah s’est tenu il y a vingt ans. Qu’est-ce qui a amené l’organisation de cette conférence ?

Qadoura Fares. Pourquoi maintenant ? C’est comme ça. L’unité du mouvement était en danger si la direction continuait à reporter sans cesse la tenue de ce congrès.

Quels sont les principaux points qui seront discutés durant ce congrès ?

Qadoura Fares. L’ordre du jour du congrès est riche. Mais je pense que le plus important pour nous est de réévaluer notre agenda politique au regard de la crise politique que traverse le processus de paix. En face de nous, nous n’avons qu’un gouvernement israélien extrémiste. Il n’y a pas de négociations. D’autre part, il est important d’examiner les structures de l’organisation, les procédures de décision à l’intérieur du mouvement et, bien sûr, d’élire une nouvelle direction.

Farouk Kadoumi, qui est à la tête du Fatah (mais qui se trouve à Tunis et ne viendra pas au congrès), a lancé de graves accusations contre Mahmoud Abbas et Mohammed Dahlan, il y a quelques jours, les impliquant dans « l’assassinat » de Yasser Arafat. Quel est votre sentiment ?

Qadoura Fares. Farouk Kadoumi a fait une erreur. Il a utilisé des documents fournis par des médias. Mais il ne représente pas la majorité et pas même une petite minorité au sein du mouvement. Il a fait cela pour des raisons personnelles, pas pour renforcer ou développer le mouvement.

Comment avez-vous préparé ce congrès, sachant qu’il apparaît qu’à l’intérieur du Fatah tout le monde n’est pas sur la même longueur d’ondes ?

Qadoura Fares. Concernant la préparation, il y a eu pas mal d’obstacles. D’une part, le Hamas a empêché nos cadres de la bande de Gaza de participer au congrès. D’autre part, j’estime que le comité préparatoire du congrès a fait un certain nombre d’erreurs. Ceux qui y participaient n’avaient pas en tête - et donc n’ont pas pris en compte, comme s’ils ne s’en souvenaient pas - le fait que ce congrès est le premier depuis vingt ans. ce qui veut dire que pour beaucoup de cadres du mouvement, c’est la première fois qu’ils ont l’opportunité de participer à un tel congrès. C’est d’ailleurs leur droit. Mais leur nom même n’a pas été mentionné. Ce qui revient à les empêcher de prendre toute leur part dans le congrès et dans les débats. Résultat, beaucoup de cadres sont en colère.

Quelle sera votre attitude durant le congrès ? Vous ferez-vous le porte-parole de Marwan Barghouti ?

Qadoura Fares. Je suis certain qu’il y aura un consensus autour de Marwan Barghouti dans les rangs du Fatah. Les délégués au congrès auront à coeur de l’élire au comité central du Fatah. Plusieurs autres proches de Marwan seront également candidats pour l’élection du comité central.

Quelles sont vos orientations ? En quoi se distinguent-elles de celles de Mahmoud Abbas ?

Qadoura Fares. Nous pensons d’abord que le mouvement, le Fatah, doit être beaucoup plus actif pour être à l’initiative. Il faut changer la mentalité du mouvement, pas seulement la politique que nous avons menée depuis vingt ans. Tout doit être changé, en fait. Nous ne pouvons pas poursuivre les négociations alors que la colonisation se poursuit dans les territoires palestiniens, qu’Israël ne reconnaît pas, dans ses principes, nos droits nationaux. Dans ces conditions, on ne peut pas continuer à négocier. Cela ne rime à rien. C’est juste utile pour l’occupation, pas pour le peuple palestinien.

Comment comptez-vous renforcer votre position au sein du Fatah ?

Qadoura Fares. Pour être franc, nous n’avons aucun représentant au sein du comité préparatoire au congrès. Il y a eu de nombreux problèmes. Ils ont mis en place les cadres qui leur sont favorables, qui voteront pour eux. Malgré cela, nous avons décidé de participer au congrès. Nous ferons de notre mieux pour faire avancer nos idées et les faire partager par le plus grand nombre.

Pensez-vous nécessaire de changer le comité central du Fatah ?

Qadoura Fares. Il le faut. Peut-être ne parviendrons-nous pas à changer tous les membres du comité central. Mais je pense que la majorité sera remplacée.

Est-ce que quelqu’un, au sein de la tendance que vous représentez, entend présenter sa candidature à la tête du Fatah ?

Qadoura Fares. Le congrès est souverain sur la question du secrétaire général. Il sera bien évidemment amené à discuter de cette question. Mais je pense qu’Abou Mazen (Mahmoud Abbas) continuera à être le leader du mouvement.

Comment l’idée même de résistance doit-elle être portée par le Fatah ?

Qadoura Fares. Nous sommes, en tant que Fatah, les fondateurs de la résistance du peuple palestinien. Nous devons continuer notre résistance jusqu’à la victoire. Mais, bien sûr, il y a de nombreuses questions qui se posent, notamment celle de savoir quel type de résistance il faut développer. Je tiens à souligner que nous préférerions retourner à la table des négociations et qu’Israël reconnaisse nos droits. Mais si ce n’est pas possible, le peuple palestinien ne doit pas abandonner son droit à résister. C’est le droit de tout peuple dans le monde d’avoir la liberté, le droit à l’autodétermination, de construire un État indépendant.

Qu’est-ce que le Fatah doit faire, selon vous, pour reconstruire l’unité palestinienne ?

Qadoura Fares. Tout en reconnaissant qu’il est de notre responsabilité de retrouver cette unité, il faut toutefois souligner que nous ne pourrons parvenir seuls à une réconciliation avec le Hamas. Cette organisation a également des responsabilités qu’elle doit assumer. Elle doit partager cette volonté de réconciliation. Malheureusement, jusqu’à maintenant, l’attitude du Hamas ne montre pas une volonté de réconciliation. Mais après l’élection de notre nouvelle direction, nous reconsidérerons toutes les questions et toutes les possibilités. En sachant que le plus important est de poursuivre le dialogue et de parvenir à un accord avec le Hamas.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey


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