De quelle Corée du Nord hérite Kim Jong-un ?

samedi 24 décembre 2011.
 

2) De quelle Corée du Nord hérite Kim Jong-un ? (Le Monde)

1) Au royaume des Kim, la dictature est reine (L’Humanité)

La mort soudaine du dirigeant nord-coréen intervient alors que le pays est au milieu du gué, essayant de se dégager de son isolement international et de redresser une économie moribonde. Elle se produit à la veille des célébrations, le 15 avril 2012, du centième anniversaire de la naissance du « père fondateur » de la nation, Kim Il-sung, mort en 1994, qui doivent marquer l’avènement d’un « pays fort et prospère » et auxquelles se préparait Pyongyang, proie depuis des mois à de grands travaux, et alors que le processus de succession de Kim Jong-il par son troisième fils, Kim Jong-un, est à peine commencé.

Annoncé par la télévision lundi 19 décembre en milieu de journée, le décès est survenu samedi matin à bord d’un train dans lequel Kim Jong-il avait pris place pour une de ses visites sur le terrain. La destination n’a pas été révélée. Kim Jong-il aurait été victime d’une crise cardiaque fulgurante. Son fils Kim Jong-un (28 ans) a été présenté par les médias officiels comme le successeur désigné du dirigeant défunt. « Tous les membres du parti, les militaires et le peuple doivent suivre fidèlement l’autorité du camarade Kim Jong-un » et « renforcer le front uni formé du parti, de l’armée et du peuple ». Les funérailles ont été fixées au 28 décembre. La personne qui sera désignée pour présider ces cérémonies sera une indication de la nouvelle structuration du pouvoir autour de la figure du successeur désigné. Apparemment, la nouvelle était connue de la population dès le début de la matinée : dans les universités, les étudiants sanglotaient sur leur pupitre, rapporte un témoin. Selon des résidents étrangers, il pèse sur Pyongyang un silence prostré.

La seconde succession dynastique en République populaire démocratique de Corée (RPDC) est présentée par le régime comme la « meilleure solution » afin d’assurer la continuité et la stabilité du pays, qui se considère toujours menacé par les Etats-Unis. Arguments qui avaient déjà été utilisés pour légitimer la mise en place de la succession de Kim Il-sung par son fils Kim Jong-il dans les années 1970-1980. La progression de Kim Jong-il dans l’appareil du parti et de l’Etat avait pris une dizaine d’années. Dans le cas de Kim Jong-un, il est apparu au grand jour il y a à peine deux ans : nommé général à quatre étoiles et vice-président de la commission militaire centrale du Parti du travail au cours de l’assemblée de ses membres en septembre 2010. Par la suite, il avait accompagné régulièrement son père dans des visites sur le terrain, notamment d’unités de l’armée.

Bien que, pour l’instant, tout porte à croire que cette succession a été acceptée par l’élite dirigeante, les experts en Corée du Sud restent prudents, estimant que le jeune Kim sera le symbole de la continuité du régime, mais vraisemblablement solidement encadré par l’entourage immédiat de son père (famille, proches conseillers et militaires) et qu’il ne disposera pas de la même autorité : dans un premier temps au moins, la direction du pays sera collégiale. L’organe suprême de l’Etat est la Commission de défense nationale que présidait Kim Jong-il. Elle comprend, outre de hauts gradés, le beau-frère du dirigeant défunt, Jang Song-taec, qui devrait jouer un rôle charnière dans l’après-Kim Jong-il.

Kim Jong-un et l’élite dirigeante héritent d’un pays en transition. Sous l’apparente immuabilité du régime et la chape de plomb de la répression, la société évolue. L’apparition de facto d’une économie de marché, après la famine de la seconde moitié des années 1990, a donné naissance à une nouvelle classe de marchands et d’affairistes. Cette économie parallèle a aussi accru les disparités sociales et est à l’origine d’une corruption qui s’est étendue à toute la société : l’argent est devenu le fluidifiant indispensable des affaires.

En même temps, l’information, venue de Chine, circule davantage. Conjuguée à cette entre-ouverture de fait d’une partie de la société, l’extension du marché a élargi l’horizon des jeunes au-delà des objectifs collectifs. Le rôle du parti, dont l’appartenance garantissait des privilèges, s’est amenuisé.

Soutenue par la Chine, la RPDC est aussi devenue plus dépendante économiquement et politiquement de son seul allié et plusieurs grands projets de développement économique ont été lancés à la frontière entre les deux pays. De nouvelles mesures visent en outre à attirer les investissements étrangers. « Grâce au général Kim Jong-un, la stabilité politique est garantie dans notre pays », nous disait, il y a quelques semaines à Pyongyang, Kim Ji-hyok, conseiller juridique de la Commission pour les investissements étrangers.

La mort de Kim Jong-il intervient alors que se dessinait une reprise du dialogue avec les Etats-Unis, qui devrait conduire à un retour à la table de négociations à Six (Chine, Corées, Etats-Unis, Japon et Russie) sur la question des ambitions nucléaires nord-coréennes. Un dossier qui appelle des choix que Kim Jong-il avait sans doute l’autorité d’imposer aux éléments les plus durs du régime. En sera-t-il de même pour la nouvelle équipe dirigeante ?

Philippe Pons ? Le Monde

1) Au royaume des Kim, la dictature est reine

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, érigé en demi-dieu dans son pays par un culte de la personnalité exacerbé, est mort samedi dernier. L’un de ses fils, Kim Jong-un, devrait prendre le relais à l’occasion des funérailles du 28 décembre.

Le numéro deux de la dynastie des Kim est mort, samedi, à l’âge de soixante-neuf ans. Kim Jong-il, héritier du fondateur de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC), Kim Il-sung, de santé chancelante, a succombé à un arrêt cardiaque, dans un train. Sa mort a été annoncée à la télévision par une présentatrice en larmes, vêtue de noir, avec, en arrière-plan, un paysage de forêts et de montagnes blanches, un décor de légendes millénaires d’une Corée quasiment à l’arrêt. Les médias nord-coréens faisaient état hier de « la tristesse indescriptible » de tout un peuple éploré après la disparition de leur « cher leader », surnom officiel de Kim Jong-il, dont il connaissait pourtant à peine la voix car celui-ci ne s’exprimait que très rarement en public.

Et, durant ses dix-sept années au pouvoir, la Corée du Nord a pourtant sombré dans la pénurie alimentaire chronique, rendant le pays dépendant de l’aide internationale. Petit joufflu au costume gris-vert et aux chaussures compensées, Kim Jong-il l’autocrate a développé le secret à l’extrême. Il a été le chef d’un régime communiste poststalinien, éloigné du marxisme-léninisme, fonctionnant en vase clos et donnant la priorité à l’armée dans la construction du socialisme à la sauce nord-coréenne. Lui-même présidait la Commission de défense nationale, le cœur du pouvoir, avec le grade de commandant suprême de l’Armée populaire de Corée, sa plus haute distinction.

Mais le dictateur était aussi amateur de femmes, de bons vins et de cinéma. Si Hollywood l’a dépeint en bouffon comique dans certains films, George W. Bush l’a au contraire qualifié de chef d’un « avant-poste de la “tyrannie” » avant de considérer la Corée du Nord comme un « état voyou » et de l’intégrer dans « l’axe du mal ». Selon sa biographie officielle, Kim est né en 1942, dans une forêt recouvrant le mont Paektu, lieu mythique de la fondation de la Corée et devenu le foyer de la guérilla coréenne contre les Japonais. Il aurait fait ses classes de révolutionnaire à l’école primaire, et le temps d’aller au collège. Il aurait été un ouvrier modèle avant d’étudier le marxisme à l’université. En réalité, il serait né dans l’Extrême-Orient soviétique, se trouvait en Chine au moment de la guerre de Corée (1950-1953) et a plutôt vécu une vie de privilégié à Pyongyang.

Ll’une des plus importantes armées au monde

Arrivé au pouvoir à la mort de son père, en 1994, il dut attendre trois ans pour être nommé officiellement secrétaire général du Parti des travailleurs de Corée. Orphelin de l’URSS, il doit affronter la faillite économique tandis que le nucléaire était le seul épouvantail que Pyongyang pouvait brandir afin d’espérer obtenir une assistance financière internationale. Entre menaces et dialogue, Kim Jong-il a joué, à plusieurs reprises, sur les deux tableaux. Asphyxiée économiquement, la Corée du Nord a besoin d’argent pour maintenir l’une des plus importantes armées au monde, avec un million de soldats (sur 25 millions d’habitants), deux millions de cadres et un budget de la défense représentant 25% du PIB. Le pays signe toutefois un accord de paix avec son voisin du Sud. Kim Jong-il étonne en accueillant le président sud-coréen Kim Dae-jung. Un sommet historique, mais, au fil du temps, les relations entre les deux pays connaîtront des hauts et des bas, les craintes d’une guerre surgissant parfois comme en novembre 2010.

La Corée du Nord ne semble pas prête à s’ouvrir pour son peuple exsangue et opprimé. Pour l’heure, il est difficile de connaître l’impact de la succession. Malgré les incertitudes, le régime va rester sous la férule de la dynastie Kim. Depuis deux ans, le fils cadet préféré de Kim Jong-il est préparé à prendre les rênes de la dictature. L’intronisation du « petit prince rouge », Kim Jong-un, élevé au lait suisse où il a étudié, propulsé général quatre étoiles il y a un an (il a moins de trente ans) a été officiellement confirmée hier. Kim numéro 3 présidera les funérailles grandioses de son père le 28 décembre.

Samedi dernier, jour officiel de la mort de Kim, la presse sud-coréenne rapportait que la Corée du Nord avait accepté de suspendre son programme nucléaire d’enrichissement d’uranium à des fins militaires, un préalable fixé par Washington à la reprise des négociations sur le désarmement et l’aide alimentaire. Cette annonce faisait écho à l’intensification de contacts diplomatiques entre Pyongyang et les Six (les deux Corées, les États-Unis, la Russie, la Chine et le Japon) sur le nucléaire nord-coréen…

Prudentes réactions dans le monde

Dès l’annonce de la mort de Kim Jong-il, la Corée du Sud a placé son armée en état d’alerte, tandis que le président Lee Myung-bak convoquait un conseil de sécurité national. « Nous devons faire en sorte que cette mort soudaine n’ait pas de conséquences négatives sur la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne », a pour sa part souligné le premier ministre japonais, Yoshihiko Noda. Washington a réagi avec prudence, insistant sur la « stabilité » de la région. La Chine, un des alliés de Pyongyang, a transmis ses « profondes condoléances » au peuple nord-coréen. En France, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a exprimé l’espoir « qu’un jour le peuple de la Corée du Nord puisse retrouver sa liberté ». Le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, a appelé le futur dirigeant du pays à s’engager pour « la paix et la stabilité », tandis que pour William Hague, 
le ministre britannique des Affaires étrangères, 
la disparition de Kim Jong-il « pourrait être 
un tournant pour la Corée du Nord ».

Bernard Duraud


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