"La contre-démocratie" (livre de Pierre Rosanvallon, présenté aux entretiens de Solférino)

samedi 20 janvier 2007.
 

Le 11 janvier dernier, à l’invitation d’Henri Weber, le politologue Pierre Rosanvallon est venu présenter son dernier ouvrage et partager devant 150 militants socialistes ses réflexions sur ce qu’il appelle la « contre-démocratie ».

Pierre Rosanvallon est pour l’étudiant en science politique ce que Malet et Isaac furent pour les écoliers. L’intellectuel,qui fut un des théoriciens de l’autogestion, permanent de la CFDT, adhérent socialiste, est aujourd’hui professeur au Collège de France. Il dissèque la démocratie à longueur d’ouvrages désormais classiques. Son dernier opus, La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, paru aux éditions du Seuil en 2006, analyse le scepticisme que beaucoup de nos contemporains entretiennent à l’égard de la démocratie.

Rosanvallon tente de replacer la question dans un contexte historique plus vaste, pour arriver à la démonstration que la défiance à l’égard de la démocratie est aussi ancienne que la démocratie elle-même.Mieux,c’est une des caractéristiques de la gauche. En effet, celle-ci fut toujours critique à l’égard de la démocratie représentative à l’état pur. Du conseillisme à l’autogestion, le mouvement ouvrier a toujours souhaité compléter ou contrôler la représentation démocratique par la participation démocratique.

S’il est perceptible que la désertion électorale a endommagé la démocratie depuis la fin des années 1970,elle n’entraîne pas pour autant la fin de l’engagement civique. Au contraire, cet engagement demeure, voire se renforce, sous des formes plus individuelles. On l’a vu récemment de manière éclatante avec le mouvement contre le CPE.

Pierre Rosanvallon démontre que la contredémocratie naît des contradictions inhérentes aux demandes des citoyens. Dans le choix d’un candidat, on veut qu’il soit à la fois doté de qualités exceptionnelles, tout en étant dans la proximité. De même, la volonté générale est la volonté de l’instant, alors que l’action politique ne peut s’affirmer que dans la durée.

Si la vie politique est organisée autour de l’élection, on voit, en marge, des mécanismes de défiance se mettre en place. Ils viennent de loin, et Condorcet en fut l’un des principaux théoriciens.

D’ailleurs, le mouvement syndical des années 1970 pensait pouvoir s’imposer comme modèle de contestation et de défiance, audelà des limites du monde du travail. Aujourd’hui, les mouvements d’interpellation et d’intervention sont principalement animés par des associations ou des ONG.

La contre-démocratie est une forme de vigilance citoyenne qui peut, si elle n’est pas ellemême remise en question, devenir simplement dénigrement. De fait, quand la contredémocratie prétend se suffire à elle-même, elle dégénère en populisme. En somme, il faut être vigilant avec la vigilance.

Pierre Rosanvallon démontre que si la vigilance est salutaire, la défiance est mortifère. En effet, la politique, ce n’est pas simplement surveiller et punir, c’est aussi construire.

Pierre Kanuty


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