L’épreuve du social réclame plus de preuves que de mots

mercredi 6 juin 2012.
 

Le volontarisme affiché par le gouvernement se transformera-t-il en actions de combat capables de faire vaciller le monde 
de la finance ?

« La manière de penser des hommes dépend beaucoup des gens avec qui ils ont à vivre et des tentations qu’ils ont à vaincre.  » Pour comprendre une certaine idée du bien commun, beaucoup devraient relire le Discours sur les richesses publié par Rousseau en 1753. Sait-on jamais. Les cyniques du capitalisme ensauvagé (pléonasme) y puiseraient, peut-être, quelques illustrations symboliques, voire quelques leçons de morale auxquelles ils se plaisent à échapper en fuyant dans cette espèce d’obscurité du libéralisme nommée «  loi du marché  », véritable point aveugle de la financiarisation et de la «  loi du chiffre  » de nos sociétés. L’actualité des entreprises nous en donne une nouvelle preuve flagrante. Oui, les plans dits sociaux, cachés dans les tiroirs pendant la présidentielle, existaient bel et bien. Et d’une ampleur dramatique…

Nous ne dénoncerons jamais assez l’amoralité des patrons et des banquiers concernés, prédateurs-en-chef au cœur de cette jungle trempée dans la fange de la rentabilité, tous dénués de ce sens prétendument naturel des proportions humaines. Selon les estimations, entre 45 000 et 100 000 emplois seraient menacés, dans tous les secteurs. Un été meurtrier en prévision  ? Après cinq années d’une France répugnante où les voyous en smoking ont profité de la Sarkozye, les salariés en question redoutent, une fois encore, de passer dans l’engrenage destructeur des laminoirs sociaux… Pour le gouvernement, l’ampleur du défi a de quoi donner le vertige. Car la nature de l’urgence est telle qu’il ne pourra, à aucun moment, se réfugier dans l’épaisseur du temps-long avant d’agir. Déjà, toutes leurs décisions sont jugées à l’aune de la perception d’intentionnalité et de crédibilité. Les premiers engagements et actes, en particulier ceux du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, paraissent rassurants. Mais chacun l’a bien compris  : l’épreuve du feu social réclame plus de preuves que de mots. Le volontarisme affiché se transformera-t-il en actions de combat capables de faire vaciller le monde de la finance  ? On n’arrête pas une hémorragie avec des compresses.

Les Français ne s’y trompent pas. Dans un sondage exclusif Harris Interactive, ils placent l’emploi en tête de leurs préoccupations et souhaitent que ce dossier soit une priorité lors des rencontres, aujourd’hui et demain, entre Jean-Marc Ayrault et les syndicats, qui visent à organiser le contenu de la conférence sociale promise par François Hollande. Interpellé dans une lettre ouverte par Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, qui réclame des «  mesures d’urgence  » et un «  moratoire  » sur tous les licenciements, le premier ministre a répondu, indiquant que le Parlement serait saisi de mesures concernant «  les licenciements boursiers  », de nouvelles «  obligations  » pour les grandes entreprises, et de « propositions d’ensemble permettant le renouveau industriel ».

Alors ? D’ici quelques jours, l’enjeu politique est 
à la fois simple et clair  : obtenir une majorité de gauche à l’Assemblée et faire en sorte que le nombre 
de députés du Front de gauche élus permette d’orienter cette nouvelle majorité vers des propositions radicales 
de sortie de la crise austéritaire incarnée, par exemple, 
par Christine Lagarde… Ignorante et ordurière, nourrie de la moelle de la puissance aveugle du FMI, cette dernière vient, après tant d’autres, d’insulter le peuple grec. La rupture totale avec ces idéologues est autant une obligation qu’une vertu. Rousseau avait raison  : «  Pour connaître les hommes, il faut les voir agir. »

Par Jean-Emmanuel Ducoin

Editorial de L’Humanité


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