Au Mexique, Enrique Peña Nieto, pantin gominé de l’oligarchie et de l’Internationale socialiste

dimanche 15 juillet 2012.
 

- Election présidentielle au Mexique.
- Notre gauche a raté l’élection la dernière fois avec une avance de la droite fixée à 0,58%
- les gorilles qui font les résultats électoraux donnent Enrique Peña Nieto vainqueur

Grand enjeu. Cent douze millions d’habitants sur un territoire grand comme quatre fois la France ! Notre gauche a raté l’élection la dernière fois avec une avance de la droite fixée à 0,58%. Une tricherie grossière ! Elle provoqua une quasi insurrection avant que le feu ne soit éteint, de guerre lasse, sous le poids du harcèlement médiatique en faveur de la droite et des mises en garde de la « communauté internationale » voisine. Cette fois-ci de nouveau, à la moitié du dépouillement, le grand concert a démarré pour annoncer la victoire du candidat du PRI. Il s’agit d’Enrique Peña Nieto, nouvelle éminence du Parti Révolutionnaire Institutionnel, un parti membre de l’internationale socialiste. Au pouvoir d’abord pendant soixante-dix ans, il vient de faire douze ans d’opposition. Il réapparaît sous la bienveillante protection du système oligarchique et de ses médias qui sait à quel point la droite a fait faillite et combien elle est haïe. Une campagne énergique a été faite pour fabriquer ce candidat, selon des critères élaborés par des armées d’experts. Et voilà le tableau : un homme jeune, style acteur de série B des années soixante, gominé, mariage médiatisé avec une actrice de Telenovela, béni par le Pape à Rome, issu d’une des familles politiques les plus puissantes du Mexique, le groupe Atlacomulco. Gouverneur de l’Etat de Mexico jusqu’en 2011, EPN a littéralement été porté par le groupe Televisa qui l’a peu à peu imposé dans l’opinion et au sein du PRI comme le candidat incontournable, image d’un « nouveau PRI » débarrassé des vieilles pratiques de 70 ans de pouvoir. La campagne médiatique a fonctionné à tel point que la plupart des instituts de sondage le donnent bien sûr gagnant avec une forte avance de 10 à 15 % des voix sur le second. Mais s’ils sont tout aussi manipulatoires que les nôtres, ces sondages sont encore moins fiables que les nôtres. Cela en raison de la difficulté d’avoir des échantillons représentatifs sur un territoire aussi vaste, avec une population répartie en ilots de prospérité au milieu d’un océan de classes moyennes paupérisées ou d’extrêmes pauvres urbains ou ruraux. 70% des sondés ont refusé de répondre. Avis à la population : toute ressemblance avec une situation déjà vécue ne saurait être fortuite. Attention, ce n’est pas fini.

De son côté, le candidat de la gauche unie, la nôtre, Andrés Manuel López Obrador, a été l’objet d’une campagne systématique de dénigrement et de calomnies par les chaînes de télévision et la grande presse. Son extrémisme populiste, son caractère agressif, ses goûts politiques dangereux, son amitié pour Chavez et Cuba ont été abondamment et méthodiquement dénoncés. Comme c’est original ! Il a construit malgré ce pilonnage une forte popularité dans les classes les moins favorisées, les employés, les zones rurales ou urbaines marginalisées grâce à un travail systématique mené durant les six dernières années. Localement mes amis me disent qu’il a su aussi se rapprocher des milieux d’affaires modérés, petites et moyennes entreprises et commerçants. Ceux-là souffrent terriblement des monopoles privés qui dominent le pays depuis la vague de privatisations. Mais aussi des effets d’une crise économique qui a laminé les classes moyennes. Plus de 60 millions de mexicains, sur 112, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Notre candidat a aussi le soutien des intellectuels et d’une grande partie de la jeunesse qui ne supporte pas l’idée d’un retour des dinosaures de l’Internationale socialiste à peine cachés derrière leur pantin gominé. Lequel par-dessus le marché n’est pas l’ange promu par la publicité. Bien qu’il ait été strictement encadré par ses conseillers en communication et par Televisa durant toute la campagne, il n’a pas pu dissimuler très longtemps que sous son look de présentateur de TV au sourire factice, se tenait un personnage inculte, sinistre, violent, responsable de la mort de nombreux activistes sociaux durant son mandat de Gouverneur de l’Etat de Mexico. Les méthodes de voyous de son parti sont de notoriété publique. Des milliers de « porte-monnaie électroniques » ont été distribués dans certaines circonscriptions et ne seront activés qu’après les élections en cas de victoire. Par exemple des cartes de crédit pour achats dans la chaîne de supermarchés Soriana. De même la distribution de denrées alimentaires ou de matériaux de construction en échange du vote est une pratique courante, désormais parfaitement documentée sur Facebook et Youtube.

Je fais cette description à partir des récits que m’en ont donné nos camarades qui sont sur place. Car il y a dorénavant des groupes Front de Gauche et des comités du Parti de Gauche dans toute l’Amérique du sud depuis la campagne de Raquel Garrido pour la législative. J’ai recoupé mes informations dans l’avion même car j’ai voyagé en compagnie d’un député européen socialiste espagnol qui aura été un puits d’informations bien fraîches pour moi. Elle est destinée à permettre un décryptage des informations qui vont parvenir par les gros tuyaux de la propagande médiatique de notre pays. Elle permet de comprendre comment l’ordre établi se maintient, de connaître ses méthodes, pour en repérer les constantes et savoir donc s’immuniser. Ici et maintenant s’y ajoute que je compte bien avoir l’avis des mexicains du Forum de São Paulo dont est membre notre ami le candidat Lopez Obrador. Suivant la forme et l’ampleur du résultat, nous aurons une indication pour la suite. Car cette fois-ci les gorilles qui font les résultats électoraux doivent compter avec un fait nouveau : l’irruption de la jeunesse étudiante sur la scène politique. Voici comment.

Le 11 mai dernier, le gominé officiel s’est présenté devant les étudiants de l’Université privée Ibéroaméricaine. Un bide ! Il fut hué par les étudiants qui s’en sont pris au monopole informatif de Televisa et à la fabrication d’un président sans consistance ! Nooon ! Le mouvement étudiant dirigé contre la marionnette et les chaînes de télévision a pris rapidement de l’ampleur. Il rapidement regroupé la plupart des universités publiques et privées sous le nom de « #Yo soy 132 ». Les étudiants ont tenté, avec un certain succès de répéter selon leur mot le « printemps arabe » avec occupation de places et ainsi de suite. Ils occupent désormais un espace dans la vie publique qui déborde largement les partis politiques et déconcerte les médias. Le mouvement a donné une bouffée d’oxygène inattendue dans un débat politique d’une médiocrité affligeante. Notre candidat lui-même a fait preuve d’une extrême prudence pour ne pas être accusé comme en 2006 d’être « un danger pour le Mexique ». Le mouvement étudiant, sans prendre position ouvertement pour lui, l’a soutenu néanmoins clairement en appelant à battre le candidat du PRI. L’irruption du mouvement étudiant dans la vie publique semble devoir aller bien au-delà des élections du 1er juillet grâce à la propagation massive des « réseaux sociaux ». Il ébranle sérieusement le monopole de l’information par les deux chaînes privées Televisa et Azteca. Il n’hésite pas à poser ouvertement les problèmes : décomposition sociale du pays, corruption et impunité, capitalisme mafieux, violence effrénée, récession économique, état de « non-droit », contrôle de l’information et ainsi de suite. C’est un glissement de terrain car ce sont là les jeunes de la classe moyenne. Un tiers de l’électorat a moins de 29 ans. Il s’agit donc de 23 millions de personnes. Cette masse, si elle se mobilise au-delà des réseaux sociaux peut modifier complètement tous les pronostics sur lesquels repose la tricherie habituelle. Notamment le fait que les gens se résignent ! On a vu au Québec de quelle opiniâtreté sont capables les jeunes de cette génération. Et il faut se souvenir que les mouvements de 1968 se sont très largement réimpulsés depuis le Mexique. De tout ceci, tirons au moins pour enseignement que la partie sud-américaine comporte un paramètre caché et imprévisible : l’action des masses qui n’attendent pas les consignes pour agir.


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