Film grotesque sur les musulmans et obsession médiatique

lundi 1er octobre 2012.
 

Je n’ai pas aimé du tout l’ambiance cette semaine avec ce retour violent et somme toute grotesque de la question religieuse sur la scène politique. J’avais eu un avant-goût avec l’empêchement fait à Caroline Fourest à la Fête de l’Humanité de pouvoir débattre. Cette histoire m’a beaucoup choqué. Qu’un débat soit rendu impossible à la Fête de l’Humanité décuple la violence du fait. Quelles que soient les raisons que peuvent avoir ceux qui veulent s’opposer à ces propos pourquoi le faire en empêchant qu’elle parle. Vraiment, je ne peux pas l’admettre. Je ne suis pas toujours d’accord avec Caroline Fourest, et comme les sujets qu’elle aborde touchent le plus souvent à des questions fondamentales, je reconnais qu’il peut m’arriver de mettre beaucoup de passion dans mes objections. Mais il ne me viendrait jamais à l’idée d’en venir à lui interdire d’exprimer son point de vue. Comment ceux qui pensent incarner les raisons d’une religion dont les fidèles souffrent déjà tant d’être minoritaires et souvent montrés du doigt peuvent-ils, à leur tour, recourir à l’ostracisme et à la stigmatisation par la force ! C’est incohérent. Je les crois très marginaux dans cette attitude. Ma conviction profonde est que dans leur masse les musulmans aujourd’hui, comme hier les juifs et les protestants, savent qu’ils ont un intérêt fondamental au respect du pluralisme et du droit d’expression des points de vue minoritaires. Quand il y a une religion dominante, toutes les autres ont intérêt à la laïcité de l’État et à la liberté de conscience la plus absolue.

J’en étais là quand histoire du film grotesque sur les musulmans tourné aux États-Unis devint une obsession médiatique du fait des violences qui se déclenchaient. L’affaire sent à plein nez la provocation bien organisée. Le déclenchement de manifestations de protestation et l’assaut meurtrier contre l’ambassade des États-Unis en Libye marquent une synchronisation troublante, intervenant soudain, des semaines après la mise en ligne du film. Tout surgit en pleine campagne électorale présidentielle aux États-Unis et tout est visiblement programmée pour nuire à Obama. Pour finir cela aura surtout permis, à échelle du monde entier, de remettre en scène l’équation qui sert d’épouvantail à la théorie du choc des civilisations qui est l’idéologie commune au 19 agences de sécurité et d’intelligence qui grenouillent dans l’ombre à Washington et se disputent les parts de subventions et les budgets. Nous en étions déjà la quand est arrivé la nouvelle « affaire » des caricatures dans « Charlie Hebdo ».

Aussitôt, de tous côtés, tombèrent les injonctions à se prononcer pour ou contre avec, dans chaque cas l’enfilade de conséquences soi-disant logique que les bons esprits y accrochent ! Reconnaître à « Charlie Hebdo » quand il le veut, comme il le veut, le droit de se moquer de qui il veut, avec bon ou mauvais goût, de faire ce qu’il veut du sujet qu’il décide de traiter n’est que l’application d’un principe fondamental de notre idéal : la liberté de la presse. Défendre la liberté de la presse n’implique d’aucune façon qu’on soit d’accord avec ce qu’elle publie. C’est quelque chose que nous savons-nous, dans l’autre gauche, mieux que les autres. Car la liberté que nous défendons là, c’est le droit pour la presse, dans la plupart des cas de nous insulter, de nous mépriser, de nous défigurer, de nous calomnier, de donner systématiquement raison à nos adversaires, de dédiaboliser les pires personnages de la vie politique tout en nous diabolisant chaque fois que possible. Nous défendons la liberté d’une presse partisane, hypocrite, faible devant les puissants et dure face aux faibles. Mais nous la défendons ! Le mauvais goût de « Charlie Hebdo » n’est rien à côté de celui d’un Christophe Barbier, d’un Alain Duhamel et autre médiacrâtes insultants, vaniteux et cupides. Et pourtant nous ne permettrions pas qu’on veuille les empêcher de débiter leurs obscénités intellectuelles. La liberté de la presse est une composante de la liberté une et indivisible que nous mettons au poste de commande de notre conception de la vie en société. Il n’y a pas d’autres bornes à la liberté que celles fixées par la loi. Comment avons-nous pu dévaler la pente au point qu’il soit nécessaire de rappeler de telles évidences ! Que le premier ministre se soit senti obligé de dénoncer dans ces caricatures une "provocation" montre le degré d’abaissement où en sont rendus dorénavant les technocrates sociaux-libéraux ! Parallèlement, que le ministre de l’intérieur ait interdit des manifestations de protestation contre ces caricatures est une autre aberration injustifiable. Avait-il des informations permettant de prévoir des troubles de l’ordre public ? Lesquelles ? Car, sinon, l’interdiction n’a aucun sens admissible du point de vue de nos libertés publiques. Le contenu d’une manifestation, ses mots d’ordre, ses raisons, ne saurait être un motif d’interdiction, sauf s’ils contreviennent à la loi. Le fait d’organiser une manifestation pour protester contre des caricatures ne contrevient pas davantage à la loi que le fait d’organiser, comme c’est le cas chaque année, une manifestation place de la Concorde à la mémoire de Louis XVI condamné pour avoir trahi la patrie il y a deux siècles de cela ! Mais, bien sûr, si pendant de telles manifestations étaient proférées des injures racistes ou bien des slogans hostiles à la République, ceux qui s’en rendraient coupables devraient être interpellés. Comment tous ces donneurs de leçons en matière de liberté, qui nous montrent aussi souvent du doigt, peuvent-ils à la première alerte méconnaître à ce point les bases élémentaires de l’esprit du droit républicain ? Ce sont des hypocrites ! Quand vont-ils se décider à interdire les séances de prière dans la rue contre les centres de santé où se pratique l’IVG ? Quand vont-ils faire évacuer l’église Saint Nicolas du Chardonnet occupée par des intégristes qui n’y sont pas autorisés ? Quelles mines font dorénavant tous ses grands esprits quand ils entendent dire que la justice pourrait être saisie au nom du droit local alsacien qui comprend le délit de blasphème comme nous n’avons cessé de le dénoncer sous le regard apitoyé de ces importants ! Que disent à présent ceux qui se risquèrent même, comme c’est le cas de François Hollande, à vouloir mettre le concordat dans la Constitution pour mieux protéger ce particularisme qui accable l’Alsace ? Ayrault, Valls, et les fanatiques religieux ont en commun de penser que le droit s’interprète au fur et à mesure d’après leurs émotions ou leurs convictions. C’est ce qui les rend dangereux pour la liberté davantage que l’idée qu’ils s’en font !


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