Pourquoi les espoirs nés à la suite des nationalisations de 1981 ont été déçus

jeudi 13 décembre 2012.
 

Il y a trente ans, l’État prenait le contrôle d’une série de groupes industriels et financiers. Un développement du secteur public très vite contrarié par le «  tournant de la rigueur  ».

La loi de nationalisation de 1981 a permis d’intégrer dans le secteur public les cinq premiers groupes industriels français (Compagnie générale d’électricité, Péchiney, Rhône-Poulenc, Saint-Gobain et Thomson), trente-neuf banques et deux compagnies financières. Elle a concerné 670 000 salariés. Ces nationalisations avaient un caractère stratégique et intervenaient dans des secteurs qui n’étaient pas en difficulté. En nationalisant simultanément des segments clés de l’appareil productif et du système financier, l’État se donnait les moyens d’intervenir massivement et directement dans le fonctionnement de l’économie. Il voulait orienter plus facilement les choix industriels et réduire le poids des contraintes financières dans les décisions des entreprises.

Pendant la période 1982-1984, les entreprises du secteur public ont contribué au soutien de l’investissement et à la progression de la recherche industrielle. L’investissement des entreprises publiques a représenté ainsi près de 35 % de celui de l’ensemble des entreprises alors que leur valeur ajoutée était inférieure à 20 % de cet ensemble. Dans un premier temps les négociations avec les pouvoirs publics ont permis des avancées sociales, notamment en matière d’emploi et de formation.

Le «  tournant de la rigueur  », en 1984, allait rapidement changer la donne et faire apparaître les limites du plan de nationalisation de 1982. L’État lâche la bride aux directions d’entreprises qui en profitent pour revenir à une gestion plus classique. Les «  contrats de plan  » entre les entreprises et l’État sont vidés de l’essentiel de leur contenu puis oubliés. Les problèmes de financement apparaissent dans plusieurs secteurs. Les droits nouveaux qu’avaient spécifiquement acquis les salariés de ces entreprises, au travers de la loi de démocratisation du secteur public, se révèlent insuffisants pour contrecarrer cette régression.

Le développement du secteur public est venu buter sur l’absence de réorientation de l’activité des banques et institutions financières. Dès 1982 une nouvelle politique du crédit et de l’épargne était possible compte tenu de la large maîtrise publique des banques et des assurances. Les velléités de «  financer autrement  » furent cependant étouffées dans l’œuf. La réforme bancaire mise en œuvre à partir de 1984 allait aligner les pratiques bancaires sur celles de la finance anglo-saxonne. La logique financière prenait ainsi le pas sur la recherche d’une efficacité économique et sociale. Ce retournement, les privatisations et les suppressions d’emplois qui suivront laisseront un goût amer à la majorité des salariés.

Jean-Christophe Le Duigou


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