Jean-Luc Mélenchon : "C’est une réorientation générale de la politique menée qui est à l’ordre du jour"

dimanche 31 mars 2013.
 

Alors que le congrès du Parti de gauche ouvre ses portes, son coprésident, Jean-Luc Mélenchon, affirme que l’heure n’est plus à « demander (au pouvoir) “une inflexion” ».

Votre congrès s’ouvre 
à l’issue d’une période qui a mis la majorité gouvernementale à l’épreuve. Ces difficultés pouvaient-elles être évitées  ?

Jean-Luc Mélenchon. Hollande va dans le mur parce que sa ligne politique l’y condamne. Il connaît pourtant l’échec du PS au Portugal, en Espagne ou en Grèce. Le désastre est assuré économiquement – avec la politique de l’offre où le coût du travail, et non celui du capital, est montré comme l’adversaire – et avec la méthode politique qui croit pouvoir contourner le rapport de forces  : cela revient à un désarmement unilatéral. C’est pourquoi le Front de gauche, durant toute la campagne, a porté la confrontation de deux lignes possibles pour la gauche. Au bout d’un an de pouvoir, on ne peut pas demander une inflexion. Quels aménagements Jean-Marc Ayrault pourrait-il faire avec les 20 milliards offerts aux entreprises, sans contrepartie du plan de compétitivité, et l’ANI  ? C’est une réorientation générale qui est à l’ordre du jour avec un changement de gouvernement  ! Le Front de gauche est prêt à y pourvoir.

Quelles mesures sont à prendre 
de façon urgente  ?

Jean-Luc Mélenchon. Au centre de tout  : partager les richesses en faveur du travail, opérer la transition écologique du système de production. Pour cela, il faut frapper le cœur des problèmes, l’Europe. Marquer une rupture sur trois points. D’abord, la relation franco-allemande  : totalement déséquilibrée, elle fonctionne à l’avantage exclusif du capitalisme allemand. Ensuite, l’euro. Nous avons toujours défendu l’idée que la monnaie unique pouvait être un point d’appui pour une politique progressiste, mais nous arrivons au point où ce discours devient inopérant du fait de l’obstination des dirigeants européens. Enfin, l’arc méditerranéen. Le moment n’est-il pas venu de nous apercevoir que nous avons un autre centre 
de gravité que l’Allemagne, du côté de la Méditerranée  ?

Après quatre années d’existence, quel rôle doit jouer votre parti  ?

Jean-Luc Mélenchon. Nous devons être un parti avant-coureur dans les formes de combat. Être une sorte de grand think thank qui met du matériel idéologique à disposition, comme avec la planification écologique, la révolution citoyenne, la règle verte et maintenant, l’écosocialisme. Par ailleurs, les partis du Front de gauche n’ayant su quel rôle me confier après l’élection, je suis à la fois le coprésident du PG – quasiment condamné à le rester – et le patrimoine commun du Front de gauche. Le parti doit gérer cette difficulté. Mais, en peu de temps, il a atteint les objectifs qu’il s’était fixés en se créant  : constituer une force crédible en dehors du PS, rendre possible le Front de gauche, crédibiliser une alternative de gouvernement.

Quel bilan tirez-vous 
de la coopération des forces 
du Front de gauche  ?

Jean-Luc Mélenchon. C’est un succès. 
Il a été capable de traverser plusieurs élections, de réaliser l’exploit de désigner un candidat commun à l’élection présidentielle avec l’objectif d’ouvrir une brèche à gauche dans le bipartisme, et de se renforcer. Nous avons un document d’orientation unanime  ! 
Il y a aussi des faiblesses. Notamment la difficulté à être davantage qu’un cartel. Le Front de gauche n’est pas un label électoral. Nous sommes l’outil d’une stratégie  : la révolution citoyenne.

Êtes-vous confiant dans l’avenir de cette construction, au moment où de nouveaux débats apparaissent sur sa position vis-à-vis du gouvernement  ?

Jean-Luc Mélenchon. Il faut définitivement guérir notre mouvement des mauvaises habitudes de la polémique sectaire et personnalisante. J’estime qu’il ne faut faire un dogme ni du soutien ni de l’opposition aux socialistes. Notre but n’est pas d’être l’aiguillon du PS ou une force supplétive. Certes, en chemin, il faut prendre tout ce qu’on peut  ! Mais ne tournons pas autour du pot  : nous sommes candidats au pouvoir. Nous y serons avant dix ans. Pas par le développement mécanique de nos forces électorales, mais parce que la chaîne va rompre en Europe. C’est la leçon des révolutions réelles d’Amérique du Sud et du Bassin méditerranéen. Cela se fera contre la domination du PS sur la gauche.

Le mécontentement profite aujourd’hui peu au Front de gauche. Dans l’Oise, par exemple, les pertes du PS ont permis au FN de 
se qualifier au second tour

Jean-Luc Mélenchon. Personne n’a gagné de voix dans l’Oise  ! C’est le PS qui s’est effondré. C’est un sujet de très grande inquiétude, mais la principale machine à alimenter Mme Le Pen est à l’Élysée. Pour déverrouiller cette situation, nous devons être unis, faire des propositions très concrètes et être ambitieux. Mais tout ne dépend pas de nous. Les députés Verts et socialistes qui ont voté contre le traité européen doivent prendre leurs responsabilités. Ils ne peuvent pas nous refuser leur aide.


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