Congrès du PG, écosocialisme et municipales

lundi 8 avril 2013.
 

Le Congrès du Parti de Gauche ne se résume naturellement pas à la dispute contre la grotesque accusation d’antisémitisme lancée contre moi par Harlem Désir et son plagiaire Jacques Attali. Ni au résumé à un mot, bien adapté, « salopard » dans une intervention de trente minutes et un débat de trois jours ! J’ai commencé à évoquer ce point dans mon précédent post. Notre congrès a été très dense politiquement et idéologiquement. Les difficultés que contenaient nos prises de position sur le fond ont été visibles. Mais elles ont été maîtrisées. Par exemple, l’adoption des thèses sur l’écosocialisme n’était pas une formalité. Rappelons l’opposition qu’avait exprimée à ce sujet Marc Dolez au point d’en faire un des motifs de sa séparation d’avec notre parti. Mais ce n’était pas tout. Ici je parle aussi des municipales.

De toute façon, l’adoption d’un texte prévu aussi pour l’international et immédiatement traduit déjà en dix langues n’est pas un exercice facile. Le débat sur « l’après Chypre » posant de façon nouvelle celle de l’euro n’était pas simple non plus. Ce fut le travail de toute la journée du samedi consacrée au débat sur notre texte d’orientation. Après un très long travail des organisations de base du parti, puis de la « Commission des débats », sur une masse de trois mille amendements, la résolution a pu être adoptée à la quasi-unanimité : 665 voix sur 670 suffrages exprimés ! Ce qui n’est pas rien compte tenu du nombre des thèmes nouveaux que les militants devaient évaluer, discuter et valider ou non. Dans la mesure où cela demandait un effort intellectuel et un minimum de connaissances dans divers domaines, aucun grand média n’a parlé de ce texte. Tant mieux car cela n’aurait été que pour caricaturer et embrouiller. Pour autant nous devons maintenant commencer notre travail de diffusion. Le document est intitulé : Osons. Il est décisif par bien des aspects. Dans la lignée de la campagne présidentielle, il appelle à la "révolution citoyenne" pour "renverser l’oligarchie". Mais il va plus loin.

Le Parti de Gauche a adopté la doctrine de l’écosocialisme. Il l’a fait d’abord dans son texte d’orientation et ensuite en adoptant le Manifeste de l’Ecosocialisme. Ce vote en deux temps a sa raison. L’orientation appartient en propre au PG et à ses militants. Le « Manifeste » est un bien commun dont la rédaction ne nous appartient pas en propre. Car ce « Manifeste » est le texte sur lequel ont débouché les premières assises ouvertes pour l’Ecosocialisme organisées en décembre dernier. Venons au fond. Cette doctrine fait la synthèse entre une écologie radicale et un socialisme débarrassé du productivisme. Voici comment ce point de vue est résumé. "L’Ecosocialisme est une refondation de l’écologie politique qui serait impuissante sans stratégie de dépassement du capitalisme. C’est aussi une refondation du socialisme débarrassé du productivisme. Il part d’une limite du capitalisme que le mouvement socialiste originel n’avait fait qu’entrevoir et dont la prise de conscience constitue aujourd’hui le point d’appui le plus fort pour proposer le dépassement du capitalisme, désormais mondialisé. La logique de l’accumulation capitaliste menace à un horizon de plus en plus proche les conditions propices à la vie humaine sur Terre". Mais l’Ecosocialisme n’est pas une théorie abstraite. Il part des problèmes concrets et cherche à les résoudre par des actes concrets. Pour cela, nous nous sommes accordés sur quelques principes clairs. En voici quelques uns : "L’Ecosocialisme proclame la supériorité de la valeur d’usage sur la valeur d’échange. La transition globale qu’il propose consiste en effet à privilégier les biens répondant aux besoins réels des personnes, utiles et durables, compatibles avec la préservation de l’écosystème, produits par un haut niveau de qualification et dans un processus respectueux du travailleur plutôt que des marchandises inutiles et jetables mais « compétitives » et lucratives."

Cette nouvelle formulation de la doctrine progressiste, et le mot lui-même « Ecosocialisme » est déjà partagée par plusieurs organisations du Front de Gauche. Nous allons poursuivre le débat à ciel ouvert avec l’ensemble des écologistes mais aussi les forces sociales et syndicales qui seraient intéressées. Nous le faisons en France mais aussi à échelle régionale et mondiale. Cette extension du débat avait commencé sur place, avec la réunion du PGE, le parti de la gauche européenne, qui s’est tenue le vendredi matin. Elle s’est confirmée dans les échanges avec les quatre-vingt délégations étrangères présentes au congrès. Et nous nous sommes immédiatement mis au travail au FSM de Tunis en tenant une réunion avec plus de dix partis maghrébins sur la base de ces thèses. J’avais commencé, vous vous en souvenez, par une tournée de conférences dans les trois capitales maghrébine il y a deux mois. Le document commence à circuler dans le monde et déjà les demandes de rencontres et de débats affluent.

Notre Congrès a aussi très largement adopté la référence à un "protectionnisme solidaire". Le débat a porté sur le fond mais aussi sur le mot lui-même. Jusqu’ici, notre programme proposait des mesures contre le libre-échange comme les "visas sociaux et écologiques aux frontières" mais nous n’utilisions pas le mot "protectionnisme". Il fallait que le débat ait lieu pour que chacun s’en empare et qu’il entre dans notre vocabulaire commun. Ce fut fait et bien fait. Le texte précise bien pourquoi "le libre-échange compromet gravement notre souveraineté" en organisant "un nivellement par le bas des normes sociales et environnementales et mettant les peuples en compétition". Notre résolution dit que notre protectionnisme est "le compagnon logique" de la conversion écologique de l’économie, de la relocalisation des productions et de la "souveraineté alimentaire". Il explique bien aussi en quoi il est un outil pour lutter contre le dumping social, les délocalisations et la désindustrialisation de notre pays. Enfin, il indique que pour nous, ce "protectionnisme" est "solidaire" car il s’inscrit dans la voie d’"échanges commerciaux internationaux sur la base de la coopération et de la complémentarité" plutôt que sur la concurrence.

Le Congrès a aussi débattu de notre relation à l’euro. Bien qu’il ait été écrit il y a plusieurs semaines, le passage du texte sur ce sujet et le débat qu’il a suscité ont pris une autre dimension compte-tenu de l’affaire chypriote. Notre congrès a rappelé avec force notre stratégie. Elle est tranchée : il s’agit de mettre en place un rapport de force pour obtenir de changer l’euro. Notre résolution le dit nettement : "Il n’y a aucune raison d’aborder cette confrontation avec frilosité : l’Europe ne peut pas fonctionner sans la France". Elle envisage plusieurs moyens de pression comme la suspension du paiement de la contribution française au budget de l’UE ou le retrait de la garantie de la France au Mécanisme européen de stabilité. Dans les deux cas, la machine européenne se bloquerait.

L’extraordinaire menace de la BCE contre Chypre a bousculé notre congrès. Elle m’a obligé à revenir sur cette question dans mon interview à Sud-Ouest. Voila ce que j’ai déclaré : "L’euro est devenu le garrot avec lequel on étrangle les peuples. Dire que nous voulons sortir de l’euro reviendrait à capituler et à clamer la victoire de Mme Merkel. Mais, s’il faut choisir entre la souveraineté des Français et l’euro allemand, nous n’aurons pas peur de choisir la souveraineté". En disant cela, j’étais parfaitement en accord avec l’amendement voté par le Congrès samedi qui rappelait qu’"un gouvernement du Front de Gauche refuserait d’appliquer l’euro fort de la BCE et qu’il serait prêt à prendre des décisions unilatérales en ce sens, par exemple en mobilisant la Banque de France". Nous espérons ne pas avoir à en arriver là. Mais nous sommes des gens sérieux et décidés à diriger ce pays. Donc nous devons envisager toutes les hypothèses. Car nous ne renoncerons pas à appliquer notre programme une fois au pouvoir.

C’est l’autre aspect de notre congrès. Il a confirmé notre objectif politique : la conquête du pouvoir. Et la stratégie pour y parvenir : celle de l’autonomie conquérante pour rassembler une majorité alternative, populaire et politique. Le texte précise que les élections municipales et surtout européennes s’inscrivent dans cet objectif. Le but est de passer devant le PS pour réorganiser la gauche autour de notre programme, de nos valeurs. A l’occasion de ce congrès, le PG a ainsi annoncé une première liste de 60 villes grandes et moyennes où il présentera des listes autonomes. Ces listes autonomes se feront dans le cadre du Front de Gauche partout où ce sera possible, dans d’autres cadres là où ce sera nécessaire. C’est ce que dit le communiqué diffusé par le Parti de Gauche à la clôture du congrès : "Le 3ème congrès du Parti de Gauche a confirmé la stratégie d’autonomie rassembleuse et conquérante. Elle s’exprimera dans les deux échéances électorales de 2014, municipales et européennes. C’est pourquoi le Parti de gauche travaille dès maintenant à la concrétisation de cette stratégie lors du scrutin municipal partout où c’est possible en France. Dans les semaines à venir, dans toutes les grandes villes pour commencer, le PG va localement prendre contact avec ses partenaires du Front de Gauche et tous ceux qui, à gauche, refusent la politique d’austérité du gouvernement, pour avancer sur ces listes. D’ores et déjà, en comptant sur ses forces et ceux de ses partenaires qui se sont déjà montrés disponibles pour cela, il a établi une première liste de 60 villes qui répondront à cette ambition. Parmi elles les dix plus grandes villes française et déjà 17 des 21 capitales régionales".

Fallait-il ou non rendre publique cette liste à la connaissance des médias ? Nous avons conclu que oui. Pourquoi ? Parce que nous ne voulons pas être assimilés à l’orientation inverse, d’union autour du PS. Nous n’acceptons pas que cette confusion nous soit imposée. Cette publication a été rendue nécessaire par l’ouverture de négociations entre le PCF et le PS à propos des municipales, au niveau national et souvent aussi au niveau local. Les dirigeants solfériniens en ont fait état au niveau national. Au niveau local il en va souvent de même. Dans certaines villes nous avons appris par la presse que des listes seraient en cours de négociations. Dans un département au moins, c’est même le texte d’orientation du Front de Gauche qui a été rejeté par un vote du congrès départemental du PCF en même temps qu’était annoncée une liste commune avec les solfériniens. C’est en Haute-Garonne et dans la ville de Toulouse. Naturellement nous respectons le droit du PCF de faire l’union autour du PS. Ce n’est pas notre analyse de la nécessité du moment. Ni notre lecture du document d’orientation du Front de Gauche. Mais qu’y pouvons-nous ? Nous n’approuvons pas davantage la formulation d’un vocabulaire et d’initiatives avancées sans aucune discussion entre partenaires du Front de gauche comme « coopératives citoyennes », « place au peuple » et ainsi de suite dans le cadre des municipales. Il existe un fort soupçon dans nos rangs que toutes ces formules ne soit pas autre chose qu’une passerelle pour habiller un accord déjà conclu ou à venir avec les solfériniens. Ou bien parfois, à l’inverse, juste un moyen de pression avant accord. Bref nous ne voulons ni être instrumentalisés ni impliqués par une négociation secrète, dont nous supportons les inconvénients. La seule manière de la mettre à sa place relative, et limitée à un partenaire, est de faire savoir que les négociations en cours ne nous engagent d’aucune manière, ni nous, ni le Front de Gauche auquel nous appartenons. Dès lors, la publication d’une série de villes où nous savons qu’il y aura une liste autonome est destinée à éviter le brouillage résultant des tractations en cours. Le choix de notre congrès est l’autonomie. Nous sommes prêts à discuter des exceptions. Nous ne sommes ni buttés, ni sectaires, ni incapables de comprendre une situation locale. Mais nous ne sommes pas d’accord pour nous faire infliger l’union autour du PS comme règle et l’autonomie comme exception. Nous soutenons que c’est l’inverse qui doit être la norme. Cette attitude est-elle contraire à la cohésion du Front de Gauche ? Non, bien sûr. La lecture du texte d’orientation suffit à le savoir. La meilleure preuve est que la liste que nous publions est faite de communes où il est déjà acquis entre tous les membres du Front de Gauche qu’une liste autonome sera constituée et parfois même que sa tête de liste préférée serait communiste.


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