La fonction publique et les services publics sont des éléments clés de notre projet de société

dimanche 21 juillet 2013.
 

À l’heure où le nouveau patron du Medef veut refondre en profondeur l’action publique, ses modes d’action, son organisation, et veut généraliser dans la fonction publique le «  lean management  », il importe de rappeler ce que représente le statut général des fonctionnaires et ce qu’il porte encore de progrès social majeur pour notre peuple.

Le statut général des fonctionnaires est un outil moderne, qui a permis de couvrir des tâches très complexes et d’apporter des garanties à des millions de salariés (5,3 millions au total). Aujourd’hui, il devrait nous permettre, en le modernisant, de répondre aux aspirations des agents et d’en faire un outil démocratique.

C’est une des grandes conquêtes de la Libération. Le contexte de 1981-1983 a permis une nouvelle avancée démocratique avec la loi du 13 juillet 1983 dite loi Le Pors, du nom du ministre communiste. Le statut intègre désormais dans son champ la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Si le statut a pu résister aux attaques dont il fait l’objet, c’est notamment parce qu’il est fondé sur des valeurs, des principes enracinés dans l’histoire, comme l’égalité. Les garanties fondamentales reconnues au citoyen dans le cadre de la fonction publique de carrière donnent les moyens à l’agent public d’être indépendant et neutre dans l’exercice de ses missions d’intérêt général. Le statut général des fonctionnaires est à ce titre une référence unique en Europe et dans le monde.

Ces dernières années, les gouvernements de droite ont tenté de faire croire à l’opinion que la fonction publique était une idée ancienne. Le statut serait archaïque et n’aurait rien à voir avec la société moderne, ses évolutions, la construction de l’Europe. Sarkozy n’a pas réussi son entreprise de «  révolution culturelle  » qui visait sur le fond la mise en cause du statut général, en raison de l’attachement de nos concitoyens au service public. La droite a essayé d’introduire des éléments de gestion venant du privé – le fameux «  management  » – qui n’ont pas leur place dans la fonction publique car ils reposent sur une logique d’individualisation (salaires, primes au mérite, mise en concurrence…), alors que la fonction publique repose sur l’intérêt général. C’est ce qui continue de peser sur les choix actuels du gouvernement.

La fonction publique et les services publics sont des éléments clés du projet de société. Il faut rompre avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) – que ne remet pas fondamentalement en cause la «  modernisation de l’action publique  » (MAP) – et l’assujettissement aux intérêts particuliers et à la loi du marché. Cet assujettissement, qui conduit à une déstructuration continue des services, alimente la perte de sens du travail et la détresse des fonctionnaires trop souvent en incapacité d’assumer leurs missions dans des conditions correctes. Cela s’oppose à l’aspiration des salariés à être acteurs de l’organisation du travail pour mieux répondre aux besoins des citoyens.

La fonction publique doit sortir du cadre des politiques d’austérité, qui font de la compression des dépenses publiques le principal moyen qu’on aurait de résoudre la dette et les déficits publics. La fonction publique, c’est 20 % de l’emploi en France. Dans le contexte de chômage actuel, le gouvernement doit faire de l’emploi public un levier. Des emplois sont effectivement créés dans certains secteurs comme l’éducation, ce qui est positif, mais cela se fait au détriment d’autres. Par exemple, des coupes brutales interviennent dans l’administration fiscale, alors que la fraude est estimée de 60 à 80 milliards d’euros par an, un poids supérieur au paiement de la dette. La question essentielle est de partir non pas d’une logique comptable mais des besoins, besoins qui évoluent dans le temps et sur l’ensemble du territoire. Il faut répondre aux revendications des fonctionnaires en termes de reconnaissance des qualifications, de revalorisation des salaires et de titularisation des non-titulaires.

Un enjeu important pour faire vivre pleinement le statut est lié au rôle que le gouvernement veut faire jouer à la fonction publique pour préparer l’avenir (réindustrialisation, développement durable, transition écologique, politique de formation et d’emploi…) et répondre aux nouveaux besoins (petite enfance, personnes âgées…). Pour mettre en œuvre des missions publiques, il y a une complémentarité de plus en plus étroite entre l’État et les collectivités. Cela ne doit pas se traduire par une loi de décentralisation organisant une compétition entre les territoires au détriment de l’égalité des citoyens et par de moindres garanties pour les personnels. Une des premières mesures significatives concernant le statut à proprement parler pourrait être l’abrogation de la loi Galland, intervenue en 1987, qui a introduit une moindre garantie pour les fonctionnaires territoriaux par les «  cadres d’emploi  » au lieu de la distinction du grade et de l’emploi et l’embauche par les élus de leur personnel.En un mot, c’est l’ambition qui doit animer le gouvernement pour faire de la fonction publique un enjeu du XXIe siècle. Il y a un besoin d’unifier les statuts vers le haut dans le cadre d’un processus pour donner les mêmes garanties aux agents, quelle que soit leur affectation, et pour répondre aux aspirations d’évolution professionnelle et de transformation du travail.

Il faut donner plus de place aux usagers dans les processus de décision dans le cadre de conseils locaux, départementaux et régionaux de service public, aux côtés des élus et des représentants des salariés. Il importe que le peuple investisse le débat public car le Medef, lui, y réfléchit en permanence, et est entendu, comme on l’a vu avec l’accord national interprofessionnel de sécurisation de l’emploi  !

La construction d’une politique alternative à l’austérité pour mettre le cap à gauche, c’est la démarche initiée par les assises du 16 juin 2013 à Montreuil, avec toutes les forces politiques, syndicales, associatives qui attendent un changement réel.

Oui, il y a un débat sur les solutions à la crise actuelle et il faut ouvrir en grand ce débat avec nos concitoyens sur les services publics et la fonction publique. La bataille pour défendre, enrichir et promouvoir le statut des fonctionnaires participe de la bataille plus générale des droits des salariés, dans le public comme dans le privé.

Par Patrick Hallinger, secrétaire national de l’UGFF-CGT, et Isabelle Mathurin, membre du Conseil national du PCF.


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