Le Père-Noël du MEDEF, nommé Manuel Valls, a parlé

mercredi 16 avril 2014.
 

Au-delà des formules de communicants, Manuel Valls a adressé une fin de non-recevoir à la gauche naïve, celle de l’indécrottable « vote utile » qui espérait trouver avec lui la fin de sa honte. Bien sûr, comme Jean-Marc Ayrault avant les élections, Manuel Valls répète les poncifs du MEDEF : « le coût du travail doit baisser. Il pèse lourd ». Le pacte de responsabilité est confirmé et précisé. Les 20 milliards d’euros de Crédit d’impôt compétitivité seront bien complétés par 10 milliards d’euros de nouveaux cadeaux. Manuel Valls a aussi prévu de supprimer toutes les cotisations patronales sur les emplois payés au SMIC. Et de baisser les cotisations sociales patronales pour la famille de 1,8 point sur tous les emplois payés jusqu’à 3,5 SMIC soit « 90% des salariés ».

Le pacte de responsabilité est même complété par de nouveaux cadeaux fiscaux pour le patronat. Manuel Valls a annoncé plus de 12 milliards d’euros de baisse d’impôts pour les entreprises ! Ainsi, la « C3S », Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés sera purement et simplement supprimée. C’est un cadeau de 6 milliards d’euros ! Sans aucune contrepartie. Et comme c’était une contribution basée sur le chiffre d’affaires, les plus grosses entreprises gagneront le plus ! D’autant que les 500 000 plus petites entreprises du pays ne gagneront rien du tout puisque la C3S n’est payée que par les entreprises dont le chiffre d’affaire dépasse 760 000 euros par an. La suppression de cette taxe était la revendication numéro un du MEDEF dans les Assises de la fiscalité des entreprises. C’est un cas typique de l’égoïsme du grand patronat. Car la C3S sert pour l’essentiel à financer le régime social des travailleurs indépendants et des commerçants. Valls satisfait donc le MEDEF sur le dos des travailleurs indépendants !

Le MEDEF peut aussi se frotter les mains pour une autre raison. Manuel Valls prépare un deuxième cadeau fiscal. Il a ainsi annoncé une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. Actuellement de 33%, Manuel Valls a annoncé qu’il serait abaissé à 28% ! Selon les années, un point d’impôt sur les sociétés rapporte entre 1,2 et 1,5 milliards d’euros. Une baisse de 5 points devrait donc coûter au moins 6 milliards d’euros par an de manque à gagner pour l’Etat. Tout le monde n’est pas frappé par l’austérité ! Là encore, c’est un chèque en blanc que fait Valls : la baisse du taux d’impôts sur les sociétés sera aveugle. Elle ne fera pas la différence entre les grandes et les petites entreprises. Et les grandes entreprises pourront continuer à cumuler les niches pour faire encore plus baisser leur facture fiscale. Manuel Valls n’ayant rien dit sur le sujet, il n’y aura pas de contrepartie exigée à cette baisse d’impôt sur les sociétés, ni pour les créations d’emplois, ni en obligation d’utilisation des bénéfices pour l’investissement. Aucune contrepartie au Crédit d’impôt compétitivité, aucune contrepartie au pacte de responsabilité, aucune contrepartie à la suppression de la C3S, aucune contrepartie à la baisse de l’impôt sur les sociétés ! Rien qu’avec ces quatre mesures, le montant total des chèques en blanc de Hollande au grand patronat atteint plus de 42 milliards d’euros par an ! Plus de la moitié du déficit public ! Même Sarkozy n’avait pas fait autant de cadeaux au MEDEF.

Hollande méprise le vote populaire. En guise de réponse, il avait inventé un « pacte de solidarité ». Ce pacte de solidarité a fait pschit. Il aura vécu à peine une semaine. La seule mesure d’apparence favorable aux travailleurs que Manuel Valls a précisée est directement tirée du programme du Front national ! Il s’agit de la baisse des cotisations sociales payées par les salariés les moins bien payés. La proposition Valls-Le Pen a tout pour plaire au MEDEF : augmenter le salaire net pour calmer les revendications salariales sans augmenter le salaire brut ! Dans la campagne présidentielle, Marine Le Pen proposait de « faire prendre en charge par l’Etat 200 euros de cotisations sur tous les salaires jusqu’à 1,4 fois le smic ». Elle ajoutait « Quelle va être la conséquence ? C’est que tous les salaires, jusqu’à 1,4 fois le Smic vont immédiatement augmenter de 200 euros net ». Manuel Valls l’a entendue, elle. Il reprend son idée. Voila ce qu’il en a dit à l’Assemblée nationale mardi 8 avril : « Le meilleur moyen [d’agir sur le pouvoir d’achat] c’est d’agir sur les cotisations salariales pour augmenter le salaire net, celui que l’on touche à la fin du mois. Dès le 1er janvier 2015, elles seront diminuées pour les salaires au niveau du SMIC pour procurer 500 euros par an de salaire net supplémentaire. C’est presque la moitié d’un 13e mois pour un salarié payé au SMIC. Ce gain sera dégressif entre le SMIC et 1,3 fois le SMIC » ! Du Le Pen dans le texte !

Cette mesure est un attrape-gogo. La loi prévoit que l’Etat est obligé de compenser à l’euro près à la Sécurité sociale les allègements de cotisations sociales qui ne sont plus versés. Donc il faudra payer en impôts en plus ou en service public en moins ce qui était avant payé en cotisations sociales ! Sauf à ce que l’Etat ne compense pas la baisse de cotisations malgré l’obligation. Mais, dans ce cas, ce sera creuser le déficit de la Sécurité sociale. Et alors ? Il pourrait ensuite justifier un recul de la couverture des soins, du chômage ou des prestations familiales. Et devoir se payer par soi-même ce qui ne sera plus pris en charge par la collectivité. Dans tous les cas, à la fin, ce sont toujours les salariés qui payeront !

Pour le reste, le « pacte de solidarité » est en fait un pacte d’austérité. Manuel Valls a confirmé que le gouvernement fera 50 milliards d’euros de coupes budgétaires entre 2015 et 2017. Il a précisé un peu la répartition : 19 milliards d’euros de coupes dans le budget de l’Etat, 10 milliards d’euros dans l’Assurance maladie, 10 milliards d’euros dans les collectivités locales et « le reste viendra d’une plus grande justice, d’une mise en cohérence et d’une meilleure lisibilité de notre système de prestations ». Derrière les formules creuses se cache un jeu de massacre à venir : RSA, aide au logement, Prime pour l’emploi, autres prestations de la Sécurité sociale ou dispositifs de solidarité de l’Etat, on ne sait pas encore où le rabot passera. Mais il passera lourdement : 11 milliards d’euros ! Manuel Valls a aussi précisé qu’il n’avait pas l’intention d’attendre 2015 pour reprendre les amputations à la suite de Ayrault. Il a ainsi prévenu qu’ « au début de l’été, un projet de loi de finances rectificative traduira les économies nouvelles que nous aurons proposées » pour l’année 2014.

Manuel Valls n’a pas précisé comment ces coupes seront faites mais, déjà, la presse relaie les ballons d’essai : poursuite du gel du salaire des fonctionnaires pour 2015 et 2016 ? Abandon de la promesse des 60 000 recrutements dans l’éducation ? Durcissement des conditions d’accès à l’Allocation Spécifique de Solidarité pour les chômeurs en fin de droit ? On ne sait pas encore. Mais une chose est sûre : ça va saigner. L’enrobage de communication ne trompera personne. Quand Manuel Valls clame « je suis pour le respect de nos engagements, pour le sérieux budgétaire, pas pour l’austérité ! », il ment. Il sera le Premier ministre du pire plan d’austérité de l’Histoire moderne du pays.

Cadeaux au MEDEF, austérité et féodalité ! La démocratie locale du pays est aussi dans le viseur du Premier ministre. D’abord par les 10 milliards d’euros de coupes dans les budgets des collectivités locales. Nous avions raisons de dénoncer les mensonges des candidats du PS aux élections municipales lorsqu’ils disaient vouloir refuser l’austérité. Mais la brutalité la plus grande est la reprise de tous les projets sarkoziens de réforme territoriale. Valls prépare le retour à une France féodale. Il annonce la suppression des départements, et la division par deux du nombre de régions. Va-t-on leur demander leur avis ? Non : il a annoncé que les regroupements de régions se feraient « par la loi » et non par des référendums locaux.

Ces attaques sont purement idéologiques. C’est l’Etat républicain garant de l’égalité sur tout le territoire que les libéraux veulent détruire au profit d’une « Europe des régions » libérale et austéritaire. Manuel Valls a d’ailleurs présenté ces changements dans l’organisation territoriale comme des « réformes de structures » nécessaire à « notre indépendance financière ». Valls ne cherche pas le renforcement de la démocratie locale ou un meilleur aménagement du territoire. Son seul objectif est d’imposer l’austérité partout et donc de faire reculer le service public offert aujourd’hui par les collectivités locales. Car sinon, pourquoi lier cette réforme territoriale à « l’indépendance financière » de la France ? La réduction du nombre de régions ou la suppression des départements ne feront pas faire d’économies en elles-mêmes, ou très peu. Car l’argent dépensé par ces collectivités sert à entretenir les routes, faire circuler les trains régionaux, entretenir et construire des collèges et des lycées ainsi que payer les personnels qui les entretiennent, verser le RSA et d’autres allocations à ceux qui vivent dans la pauvreté. Or avec 100 départements ou aucun, et avec 10 régions ou 22, il faudra toujours faire tout cela. Si Valls veut faire des économies avec sa réforme territoriale, c’est qu’il prépare à remettre en cause tout ce système de solidarité et de service public.


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