Disparition de Jean-Pierre Vernant (par Pierre Izard, Président du Conseil Général de la Haute Garonne)

dimanche 14 janvier 2007.
 

« J’apprends avec une grande émotion et une grande tristesse la disparition de Jean-Pierre Vernant, qui nous a quitté à l’âge de 93 ans. Grand homme, philosophe, résistant, helléniste de dimension internationale, Jean-Pierre Vernant était avant tout un humaniste dont les travaux étaient reconnus partout dans le monde.

Orphelin très tôt, il avait été, ainsi que son frère aîné, major de l’agrégation de philosophie. Soldat en 1939, la débâcle de 1940 l’a amené jusqu’à Narbonne, où, démobilisé, il reçoit son affectation d’enseignant au lycée de garçons de Toulouse, aujourd’hui Pierre-de-Fermat. C’est là qu’il retrouva Isaac Meyerson, son ancien professeur de la Sorbonne, et qu’il devient son disciple et son ami. C’est le temps alors de la Résistance, d’abord par des tracts, puis peu à peu par un engagement plus fort, plus structuré au sein de Libération-Sud puis de l’Armée secrète, jusqu’à ce qu’il devienne, au printemps 1944, le chef départemental des FFI en Haute-Garonne.

La paix retrouvée, il se consacra tout entier à l’étude et à l’analyse de la pensée grecque, publiant régulièrement des livres, qui marqueront pour longtemps nos connaissances sur ce sujet, et au-delà notre manière de voir notre monde, car lui-même nous rappelait que « notre monde n’est compréhensible que si on cherche comment il a été fabriqué ».

J’ai eu l’immense privilège de rencontrer Jean-Pierre Vernant à plusieurs reprises, notamment au Musée départemental de la Résistance et de la Déportation qu’il ne manquait jamais de visiter lors de ses voyages toulousains, et je me souviendrai longtemps nos discussions sur son combat dans les rangs de « l’Armée des Ombres », et le sens qu’il lui donnait aujourd’hui.

Mais ce que je veux retenir de cet homme, devenu un ami, c’est sa simplicité, sa capacité à écouter, et à pouvoir transmettre aux autres, et surtout aux jeunes, ce qu’il savait si complexe et rendait si limpide. Son action et son engagement pour l’Humain ne s’est jamais démenti, et se traduisait encore très récemment par des prises de position très claires sur la défense de la langue française, de l’enseignement, de la Sécurité sociale, mais aussi et surtout sur la défense des valeurs républicaines et la lutte contre le racisme et l’antisémistisme.

Homme de convictions, forgées dans les années clandestines de lutte pour la Libération, il avait gardé en Haute-Garonne des liens très forts auprès de ses compagnons d’armes tels Pierre Bénech ou Daniel Latapie. Aujourd’hui, j’adresse mes condoléances les plus sincères et les plus émues à sa famille et à ses proches. Eux comme nous avons perdu avec Jean-Pierre Vernant une conscience qui nous a guidé, et dont il nous appartient à présent de conserver et de transmettre le message. »

Pierre IZARD Président du Conseil Général De la Haute-Garonne


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