Alstom : le coût du capital

mardi 6 mai 2014.
 

Alstom montre de manière quasi caricaturale que c’est le coût du capital le problème de l’industrie et non le coût du travail comme le pleurnichent les officiels.

Ici, la baisse du chiffre d’affaires a aggravé une autre difficulté que rencontre Alstom depuis sa privatisation en 1987, son entrée en bourse en 1998 puis sa première liquidation-revente en 2003 : le manque de capitaux pour investir à long terme. Là, c’est directement la domination des marchés financiers qui est responsable. Les actionnaires privés n’ont cessé de siphonner la trésorerie de l’entreprise plutôt que de lui fournir les fonds propres nécessaires à ses investissements. Ainsi dès son arrivée sur les marchés financiers en 1999, Alstom a été plombée par ses anciens propriétaires, Alcatel et GEC qui ont prélevé sur elle un dividende de 5 milliards. Le sauvetage orchestré par Sarkozy en 2003 n’a pas résolu ce manque de fonds propres. Il s’est confirmé avec l’arrivée de Bouygues comme actionnaire principal. Mais notez ceci : après cette opération, Alstom a cependant accumulé 5,8 milliards de bénéfices ! Cela en 7 ans, de 2005 à 2012. Soit près d’un milliard par an. Si ces profits n’avaient pas été pillés par les actionnaires mais réinvestis, ils auraient largement permis à Alstom d’acquérir la solidité financière qui lui fait aujourd’hui défaut pour investir durablement. Alors ? Coût du travail ? Les actionnaires voyous ont aussi reçu dans cette affaire un coup de main de leur allié habituel sur les marchés : les agences de notation. Jeudi, l’agence de notation Standard and Poor’s a dégradé la note d’Alstom à BBB-. Cette attaque de l’agence états-unienne est arrivée exactement au moment où General Electric présentait son offre de rachat d’Alstom. On a donc assisté à une parfaite synergie de la finance états-unienne pour déferler sur le groupe français.

Les solutions actuellement présentées de vente à la découpe au profit de General Electric ou Siemens ne résoudraient nullement ces problèmes. Puisqu’il s’agit dans les deux offres de concurrents directs, le rachat conduirait nécessairement à la liquidation d’une partie des activités. C’est particulièrement évident pour Siemens, dont les turbines pour les centrales électriques sont en concurrence directe avec celles d’Alstom. Le groupe allemand essaie d’ailleurs depuis des années de faire perdre des parts de marché à37 son concurrent français. Le très sérieux quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung reconnaît même qu’on "peut difficilement imaginer comment, après des décennies de rivalité entretenue de la manière la plus âpre, pourrait émerger une culture d’entreprise commune entre Alstom et Siemens". Le discours actuel sur un Airbus de l’énergie est donc un pur artifice de communication servi par le gouvernement.

Quant à la contrepartie proposée par Siemens pour faire main basse sur la branche énergie qui représente 75 % d’Alstom, elle est ridicule. Siemens propose de céder au groupe français une partie de ses activités ferroviaires et en particulier son train à grande vitesse. Mais Alstom n’a nullement besoin de ce segment sur lequel il est déjà leader mondial. D’autant que le train à grande vitesse de Siemens accumule les difficultés techniques et n’a pratiquement pas de clients. Les seuls trains compétitifs que Siemens produit sont des trains régionaux et urbains que le groupe prétendait garder. Si Siemens fait donc mine de vouloir s’associer de manière coopérative avec Alstom aujourd’hui, c’est uniquement pour éviter de donner à l’autre concurrent, General Electric une taille critique dangereuse en Europe. D’autant que la perspective du Grand Marché Transatlantique ouvrirait à ce concurrent un espace juridique et commercial qu’il n’a pas forcément aujourd’hui.


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