La coopération Europe-Israël : un appui pour la colonisation de la Palestine

mercredi 9 juillet 2014.
 

Au moment où l’Europe est aux abonnés absents des tentatives de paix au Moyen-Orient conduites sous l’égide des Etats Unis, et au-delà du sérieux de ces négociations, se pose la question de la place de l’Union Européenne dans le colonialisme israélien.

Depuis la division de la région au travers des accords "Sykes-Picot", et la promesse « Balfour » de 1917 jetant les bases de la création d’un foyer pour les juifs au Moyen-Orient, l’Europe n’a jamais cessé d’apporter son soutien à la consolidation et au développement de l’Etat d’Israël.

Cet appui s’est décliné sur tous les plans : commercial, militaire, diplomatique, scientifique, sécuritaire, etc.

Ainsi, depuis la création de la CEE en 1958 Israël n’a cessé de renforcer ses relations économiques avec elle, signant dès 1964 un accord commercial d’une durée de 3 ans. Depuis, d’autres accords ont été constamment négociés ou mis à jour aussi bien dans le domaine de la coopération économique que militaire.

L’Europe est aujourd’hui le premier partenaire de l’État hébreu malgré les clauses en matière de respect du droit humanitaire et du droit international qu’elle s’évertue à insérer dans ses accords. Israël les viole aussitôt signés sans que l’UE ne proteste et sans, au moins, menacer de leur suspension.

Coopération économique

La coopération économique d’Israël avec l’Europe a joué un rôle décisif dans la transition de son économie d’une économie agricole, sur le modèle du Kibboutz, à une économie industrielle et de service. Une longue liste d’accords de coopération a propulsé Israël aujourd’hui au rang de partenaire le plus privilégié de l’UE. Il est par exemple le seul pays non européen à participer au Programme Européen de Recherche en matière de Sécurité (PERS).

Une rapide revue de ces accords donne la dimension, ô combien importante, du soutien européen :

1970 (Accord commercial préférentiel), 1975 (Accord de commerce et de coopération), 1994 (Statut de partenaire privilégié), 1995 (Accords d’association, ces accords établissement un véritable dialogue entre l’UE et Israël en mettant en place des institutions de suivi : Conseil et Comité d’association. Celui-ci est composé d’une part des membres du Conseil de l’Union européenne et de membres de la Commission et, d’autre part, de membres du gouvernement de l’Etat d’Israël. Il se réunit au moins une fois par an), 2002 (Renforcement de l’accord d’association), 2004 (Adoption du plan d’action 2004-2011. Entré en vigueur en 2005, le but de ce plan est de faire participer Israël « davantage aux structures économiques et sociales européennes ». Par ce plan de programmation l’UE a accordé des avantages notoires à Israël dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV), jamais accordé à un pays voisin), 2008 (Décision de rehausser les relations euro-israélienne. Suite à ce rehaussement, décidé par le Conseil des ministres européens pendant la présidence Française de l’Union, un nouveau protocole de coopération renforcée a été inclus dans l’Accord d’association afin d’offrir à Israël un accès illimité aux programmes de recherches académiques, scientifiques et techniques de l’UE).

2012 (ACAA. A peine une dizaine de jours après l’octroi à l’Union européenne du prix Nobel de la paix, le parlement européen ratifie le protocole ACAA relatif à l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels UE-Israël. Cet accord vient plus que compenser le gel du rehaussement des accords d’association appliqué depuis l’agression de l’hiver 2008-2009 contre Gaza. Il représente une intensification importante des relations de l’Union européenne avec Israël. Il marque une première entrée d’Israël au sein du marché unique européen en prévoyant le libre accès de produits industriels sur les marchés respectif des deux parties. Soixante nouvelles activités dans 15 domaines différents, à commencer par les produits pharmaceutiques, sont concernées.

Les relations commerciales sont aujourd’hui telles que l’UE participe au renforcement des colonies israéliennes au mépris du droit international. Ses importations des colonies représentent plus de 100 fois plus par colon que par Palestinien : 300 millions $, ce qui représente 15 fois la valeur annuelle des importations de l’UE provenant des territoires palestinien 1

Coopération scientifique

Les origines de cette coopération remontent avant même la création de l’Etat d’Israël. Dès son ouverture en 1925 à Jérusalem, l’université hébraïque a tissé des relations de partenariat avec les universités européennes. Mais la coopération scientifique entre l’Etat d’Israël et l’UE a commencé véritablement en 1977 pour connaître un important essor par la suite, permettant à Israël de participer à de grands programmes scientifiques européens comme les programmes EUREKA ou GALILEO.

Préparant cette coopération intense, des liens étroits se sont tissés depuis les années 60 entre les centres de recherche israéliens et les institutions de recherche européennes comme l’organisation européenne de biologie moléculaire ou le conseil européen de la recherche nucléaire. L’Europe est actuellement le premier partenaire d’Israël dans le domaine de la recherche. La coopération concerne des champs scientifiques divers et étendus. Elle est conduite par de multiples réseaux associant des organismes gouvernementaux, des groupements de recherche et des secteurs de l’industrie.

Israël est considéré comme le principal partenaire non européen participant au Programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (CIP). Les domaines couverts sont très étendus : recherche scientifique de pointe, nano et micro-technologies, technologie de l’information et de la communication, énergie, santé, etc. L’UE est actuellement le deuxième bailleur de fonds dans le domaine de la recherche après la fondation d’Israël pour la science.

Coopération militaire

Il n’est pas facile de faire la distinction entre la coopération militaire et le reste, car tous les programmes de recherche « civils » ont des implications militaires et inversement. Et toute coopération économique constitue, directement ou non, des ressources disponibles pour l’activité militaire. C’est d’ailleurs ainsi que l’UE, même si elle s’en défend, contribue à l’occupation des territoires palestiniens et soutient l’Etat hébreu dans sa politique d’agressivité.

Sur le plan militaire, la situation est similaire aux relations sur le plan économique. A savoir que le soutien militaire direct et assumé des Etats Européens à l’Etat hébreu détourne l’attention sur le rôle majeur de l’Europe dans le développement de l’activité militaire israélienne.

Voici comment le texte de la pétition signée par 52 prix Nobel pour un boycott militaire d’Israël (déc. 2011) en parle : « Au moment où les Etats-Unis sont considérés comme les grands parrains d’Israël, et lui fournissent chaque année des équipements militaires évolués au prix de milliards de dollars, il ne faut pas oublier le rôle de l’UE, notamment son aide considérable aux complexe militaro-industriel au travers de ses programmes de recherche »

(1) cf le rapport « La paix au rabais : comment l’Union Européenne renforce les colonies israéliennes »

La France a toujours été (et reste) en tête des pays européens pour la coopération militaire avec Israël. Dans les années 60 elle a apporté tout son soutien, dans l’opacité la plus totale, à la construction du complexe nucléaire Dimona à la faveur des accords de Sèvres.

En plus des relations militaires entre l’UE et Israël, celui-ci a toujours tenu à établir des relations bilatérales avec chacun des pays de l’union. En 2013, sur 27 pays seulement 7 n’ont pas encore de relations militaires avec Israël : Estonie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Portugal et Suède. Aujourd’hui l’UE participe à hauteur de 18% dans l’équipement de l’armée israélienne.

Enfin, il faut relever qu’Israël excelle dans l’exploitation de sa supposée position de première ligne dans la lutte contre le terrorisme pour étendre et renforcer ses relations militaires. Même la Suisse, et malgré sa neutralité affichée, n’a pas échappé à cette toile.

Ventes d’armes à Israël par la France

Année Prix de marché Prix de vente Montant Unités 2004 26 18,8 101,3 122 2005 19,6 14 72,2 133 2006 18,4 22,3 89,1 144 2007 20,4 8,2 126,3 112 2008 8,4 16,2 75 104

Source : Al-Zaytouna Centre, 4 novembre 2010

Les liens entre l’UE et Israël sont très profonds et ont connu une progression constante. En 2009 déjà, le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’époque, Javier Solana, avait déclaré que la très forte relation entre l’État d’Israël et l’Union européenne équivalait à une adhésion de facto à travers la participation de l’État hébreu à nombre de programmes européens.

L’implication prépondérante de l’UE dans la création des rapports de force au Moyen-Orient lui donne la capacité d’agir pour mettre fin à une situation de colonisation absurde, mais elle refuse de l’utiliser. Elle préfère financer et laisser le leadership politique aux américains. La politique étrangère de l’Union européenne est à l’image de celle de la France, elle est dictée par les intérêts économiques.

Cette coopération entre l’Union européenne (et ses Etats membres) et Israël rend d’autant plus utile le boycott de l’Etat d’Israël que le Parti de Gauche encourage à travers la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions. En effet l’un des points d’appui du mouvement de solidarité pour la libération de la Palestine est de sensibiliser les citoyens à la domination israélienne sur l’ensemble des Palestiniens, et faire avancer l’idée de boycott global de l’Etat pour briser son impunité. Tant qu’Israël ne sera pas inquiété au niveau économique comme au travers de sanctions politiques, l’oppression du peuple palestinien continuera.

Lahsen Zbayar


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