Vive les combattants kurdes, seul rempart face à l’Etat islamiste génocidaire d’Irak

mardi 14 juillet 2015.
 

B) Irak : le massacre de trop qui bouleverse le monde. Les kurdes unis sur le front (L’Humanité)

Selon l’ONU, 200 000 déplacés ont fui les massacres à la suite de la percée de l’État islamique (EI) au cœur de l’Irak. Ces populations dépendent à court terme des envois humanitaires de l’Occident. Mais une solution politique en interne et avec les pays de la région devra être trouvée pour éviter une guerre opposant Kurdes et djihadistes.

De la guerre civile à l’horreur, il n’y a qu’un fil ténu que l’État islamique semble avoir coupé hier en Irak. D’après Mohamed Chia Al Soudani, ministre irakien des Droits de l’homme, les extrémistes sunnites auraient tué 500 membres de la communauté yezidie, certains parmi eux ayant même été enterrés vivants, dont des femmes et des enfants. 300 femmes auraient également été enlevées par les islamistes pour en faire des esclaves. C’est donc bien une guerre de religion aux accents médiévaux dans laquelle les Irakiens se retrouvent plongés.

Des alliances inattendues

Les États-Unis, qui se sont retirés d’Irak depuis trois ans après avoir laissé le pays dans un état de fragilité politique très dangereux, ont effectué depuis vendredi quatre frappes aériennes pour défendre cette même zone de Sinjar. Une bonne nouvelle pour les peshmergas, les combattants kurdes irakiens, qui depuis la cuisante défaite de l’armée irakienne en juin dernier et la perte de Mossoul, deuxième ville du pays, se retrouvent quasiment seuls sur la ligne de front pour lutter contre les islamistes. Seuls  ? Pas tout à fait. Car depuis la prise de Sinjar, la guerre civile provoque des alliances inattendues.

Les combattants kurdes du PKK turc (Parti des travailleurs du Kurdistan) et du PYD syrien (Parti de l’union démocratique) ont décidé de rejoindre les peshmergas irakiens pour leur prêter main-forte. « Nous devons joindre nos forces contre l’EI (…). Formons un commandement uni ! » a appelé de ses vœux Murat Karayilan, chef militaire du PKK turc, seul mouvement politique kurde défendant la création d’un Grand Kurdistan tandis que les autres partis ont opté pour un objectif d’autonomie dans le cadre des États existants. L’ennemi commun que représente l’EI rapproche donc – au moins pour un temps – l’ensemble de ces composantes kurdes et permet une nouvelle stratégie sur le terrain. « Les Kurdes de Syrie et de Turquie sont chargés de combattre les djihadistes dans la région de Rabia et Sinjar, à l’ouest de Mossoul », a ainsi déclaré en milieu de semaine dernière Hallo Penjweny, haut responsable de l’UPK (union patriotique du Kurdistan). « Nous autres (peshmergas) nous nous occupons de Zoumar et du reste du secteur nord à l’est de Mossoul », a-t-il précisé.

Cette alliance a eu pour effet d’accélérer une autre alliance, plus surprenante celle-ci  : celle entre Bagdad et les peshmergas. Aussi un avion de transport du gouvernement irakien a-t-il acheminé vendredi des munitions à Erbil. Une coopération militaire sans précédent entre le pouvoir central de Bagdad et le gouvernement régional du Kurdistan irakien, dont les relations jusqu’à présent tendues étaient dictées par les velléités indépendantistes du président de la région autonome, Massoud Barzani. Le premier ministre Nouri Al Maliki, qui a remporté les élections législatives le 30 avril dernier et qui vise un troisième mandat, reste toutefois vivement critiqué pour son autoritarisme et son choix de marginalisation de la minorité sunnite, qui aujourd’hui peut se reconnaître dans l’EI. Ce geste d’ouverture fait sur le plan militaire pourra peut-être faire changer d’avis les Occidentaux à son égard.

Hier encore, Laurent Fabius à peine débarqué sur le tarmac conseillait vivement aux parlementaires irakiens de nommer au plus vite un premier ministre capable de dépasser les divisions confessionnelles. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a également appelé à « respecter le calendrier constitutionnel » et à « former un gouvernement élargi acceptable par toutes les composantes de la société irakienne ». Reste que cette nouvelle guerre entre chiites et sunnites ne pourra certainement pas se résoudre sans l’appui des acteurs clés de la région  : le Qatar, l’Arabie saoudite et le Koweït. Pour ce faire, ceux-ci devront cesser une bonne fois de financer l’État islamique, ce qu’ils ne cessent de faire depuis le début de la guerre en Syrie, source de toute la déstabilisation régionale.

Stéphane Aubouard, L’Humanité

A) Irak : pourquoi les combattants kurdes sont devenus indispensables face à l’Etat islamique (Huffington Post)

Les Kurdes, dernier rempart face à l’offensive des djihadistes de l’Etat islamique en Irak ? Les Etats-Unis livrent des armes aux peshmergas, les forces kurdes qui combattent l’Etat islamique qui progressent vers le nord du pays, a annoncé le département d’Etat lundi 11 août...

Une alliance inédite

La crise qui touche l’Irak depuis début juin a poussé le gouvernement fédéral de Bagdad et le Kurdistan, dont les rapports sont historiquement conflictuels, à coopérer, a encore souligné Marie Harf, une porte-parole de la diplomatie américaine. "Cette collaboration entre les forces irakiennes et kurdes atteint des niveaux sans précédent. C’est quelque chose que nous n’avions jamais observé par le passé. Ils s’entraident", a-t-elle insisté.

Cette alliance inédite entre les Kurdes et l’Etat irakien est une nouvelle preuve de l’aggravation de la situation dans le nord du pays, alors que des centaines de milliers de personnes ont été jetées sur les routes par l’avancée djihadiste, notamment des chrétiens de Mossoul et des Yazidis, minorité kurdophone et non musulmane.

Depuis le 9 juin dernier et le début de l’offensive de l’Etat islamique, Bagdad est forcé de compter sur cette minorité kurdes avec laquelle les relations se sont pourtant encore tendues récemment. Le Kurdistan irakien, région autonome du nord de l’Irak qui compte plus de 5 millions d’habitants et réclame son indépendance, a en effet profité du chaos pour s’emparer de certains territoires contestés de longue date.

Face à la déroute totale de l’armée irakienne devant l’avancée des combattants djihadistes, Bagdad tout comme Washington, qui a exclu toute intervention au sol, ont pourtant cruellement besoin d’un appui terrestre pour contrer l’Etat islamique. Cet appui, ils l’ont trouvé avec les Kurdes, traditionnellement pro-occidentaux et progressistes, et notamment avec les peshmergas, des combattants réputés pour leur efficacité et leur organisation.

Les villes de Makhmour et Gwer reprises aux islamistes

Cette nouvelle coopération a aussi été rendue possible avec la fin du "pacte de non-agression" tacite qui existait jusqu’à fin juillet entre les combattants kurdes et les insurgés sunnites. Ces derniers étaient en effet dans un premier temps restés à distance du Kurdistan irakien, mais leur spectaculaire avancée vers le nord a convaincu les peshmergas de contre-attaquer aux côtés des forces irakiennes.

Sous pression financière et plombées par le poids que représente la sécurisation d’un nombre supplémentaires de régions, les forces kurdes ont certes dû fuir devant l’Etat islamique. Les djihadistes en ont profité pour s’approcher à une quarantaine de km d’Erbil, et s’emparer du barrage de Mossoul, le plus grand du pays.

Alors que les forces kurdes ont subi ces derniers jours plusieurs revers face aux insurgés sunnites, elles ont finalement repris la main dimanche, au troisième jour des frappes aériennes menées par les Etats-Unis, même si elles ont perdu Jalawla, à 130 km au nord-est de Bagdad. "Les peshmergas ont libéré Makhmour et Gwer (...) Le soutien aérien américain a aidé", a affirmé un porte-parole des forces kurdes, Halgord Hekmat.

Makhmour et Gwer, prises quelques jours auparavant par des insurgés sunnites, sont situées au sud-ouest de la capitale du Kurdistan irakien, Erbil. Les forces kurdes en Irak, en Syrie mais aussi en Turquie travaillent également ensemble pour briser le siège autour des monts Sinjar et secourir les dizaines de milliers de déplacés, une question prioritaire aux yeux des Etats-Unis puisque Barack Obama a justifié les frappes aériennes américaines en évoquant un risque de "génocide".

La communauté internationale se mobilise

Preuve que leur implication est désormais indispensable, la communauté internationale s’est prononcée, au-delà des seuls Etats-Unis, pour leur apporter un soutien direct. Lundi, la France a demandé lundi à l’Union européenne de se "mobiliser" face à la demande d’armements du président du Kurdistan irakien Massoud Barzani, dans une lettre adressée par le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, à son homologue européenne, Catherine Ashton.

Le président Barzani "a insisté sur la nécessité impérieuse de disposer d’armements et de munitions lui permettant d’affronter et de battre le groupe terroriste de l’Etat islamique. Il est indispensable que l’UE se mobilise dès aujourd’hui pour répondre à cet appel à l’aide", écrit Laurent Fabius dans cette lettre datée du 11 août, en souhaitant la tenue d’une réunion spéciale des ministres des Affaires étrangères de l’UE. Celle-ci a également été demandée par l’Italie, au moment où l’UE a annoncé une réunion mardi au niveau des ambassadeurs à Bruxelles.

"Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir d’urgence mobiliser les Etats membres ainsi que les institutions européennes pour répondre (à l’appel du président Barzani). Une réunion spéciale du Conseil des ministres des Affaires étrangères m’apparaît souhaitable", ajoute le ministre dans son courrier à Catherine Ashton dont l’AFP a obtenu copie.

"Les peshmergas ont gagné ces derniers jours un soutien international, se félicite le Kurdish Globe cité par Courrier International. Ils sont considérés comme une force décisive pour battre les islamistes. Ces combattants kurdes n’ont pas d’avions mais une puissance terrestre impressionnante et peuvent à présent compter sur l’aide aérienne américaine."

Par Maxime Bourdier


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