Cahuzac, Thévenoud, Le Guen : Ah ça ira, ça ira… !

mercredi 17 septembre 2014.
 

« Non mais on se demande pourquoi nous, on paie nos impôts ! ». Cette petite phrase entendue au comptoir, d’une personne feuilletant le journal, en dit long sur l’accélération de la crise à laquelle on assiste… Cette note de blog pour cogiter sur l’affaire Thévenoud, la probable hausse de la TVA, la révolution française et Robespierre … Vous vous demandez le rapport ? La crise de régime et la question de responsabilité que chacun doit se poser : Le Pen ou la 6ème ?

Le gouvernement Valls2 n’aura pas tenu plus de 9 jours. La démission forcée de Thévenoud, le secrétaire d’Etat étourdi qui « oublie » de payer ses impôts 3 années consécutives, n’est pas qu’un évènement secondaire, pas plus que l’affaire Cahuzac. Le fait qu’un autre membre du gouvernement, Jean Marie Le Guen, ne soit finalement pas plus inquiété que cela d’avoir, lui, « oublié » de déclarer 700 000 euros de son patrimoine, et reste au gouvernement achève le tableau : celui d’une caste au pouvoir qui se croit tellement intouchable qu’elle peut décider du budget de la nation sans se soumettre à la règle commune qui impose à chacun de contribuer en fonction de ses moyens.

La crise du régime est profonde, et elle s’accélère. Tandis que le grand nombre peine à boucler ses fins de mois, avec les frais scolaires de rentrée, les loyers qui ne baissent pas et ne baisseront pas, l’avis d’imposition sur le revenu et bientôt les impôts locaux, on leur annonce une augmentation probable de l’impôt le plus injuste, la TVA, de deux points. Et qui décidera de tout cela ? Un gouvernement composé de personnes qui fraudent le fisc et un Président qui avait fait de la lutte contre la hausse de TVA de Sarkozy un argument de campagne en direction du peuple et le traiterait en retour de « sans dent » !

Et à quoi vont servir ces recettes fiscales ? Pas au financement des services publics, d’une transition énergétique planifiée ou de mesures sociales pour pallier à la crise, puisque les plans d’austérité annoncent 50 milliards de coupe budgétaires dans les dépenses publiques. Non. On va payer des impôts pour financer les cadeaux fiscaux via le CICE pour restaurer la confiance avec le Medef ! Le syndicat des actionnaires du CAC’40 peut applaudir des deux mains, ce gouvernement lui a permis d’encaisser 30 milliards d’euros supplémentaires en dividendes en un an, soit une augmentation de 30% payés in fine… par les contribuables ! Et pour quels résultats ? Aucune relance n’est en vue et n’a de chance de l’être, Macron est aux manettes pour préserver les intérêts de la finance…

Rappelons-nous que la révolution française de 1789 a éclaté dans un contexte de crise financière et que la question de l’impôt y avait joué une place centrale : qui paie l’impôt et qui en est dispensé ? Qui décide de son montant et de son utilisation ? Pour que cesse le matraquage du peuple affamé au profit du roi et des aristocrates, le peuple avait pris la rue, arraché sa souveraineté, les privilèges avaient été en partie abolis et l’égalité devant l’impôt établie …

Replongeons-nous donc dans notre Histoire. Sous l’Ancien Régime, l’impôt s’apparentait à une somme due par le roturier au seigneur en échange de sa protection. Les nobles et le clergé étaient dispensés de l’impôt. Avec l’augmentation du pouvoir royal aux XVIIè et XVIIIe siècle et les guerres de plus en plus coûteuses, ont été créés des impôts dus par tous, y compris les privilégiés, qui protestèrent et déclenchèrent la Fronde. L’impôt, toujours mal perçu, différent selon les provinces, était récolté par des collecteurs et des fermiers qui conservaient pour eux-mêmes une partie de la somme.

La question de l’impôt devint centrale dans les cahiers de doléance de 1789 : les impôts indirects sur la consommation, considérés comme injustes, tout comme notre TVA et pour les mêmes raisons, furent pour la plupart supprimés au profit d’impôts sur le patrimoine et la propriété. Ce fut le cas par exemple de la gabelle, cet impôt sur le sel dû au roi, qui variait énormément d’une province à l’autre et donnait lieu à une contrebande énorme.

Ce fut Robespierre qui fit voter le premier l’impôt progressif (qui sera supprimé par Bonaparte) en 1793 quand il présenta la version de 1793 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. “Vous parlez aussi de l’impôt pour établir le principe incontestable qu’il ne peut émaner que de la volonté du peuple ou de ses représentants ; mais vous oubliez une disposition que l’intérêt de l’humanité réclame ; vous oubliez de consacrer la base de l’impôt progressif. Or, en matière de contributions publiques, est-il un principe plus évidemment puisé dans la nature des choses et dans l’éternelle justice, que celui qui impose aux citoyens l’obligation de contribuer aux dépenses publiques, progressivement, selon l’étendue de leur fortune, c’est-à-dire, selon les avantages qu’ils retirent de la société ? Je vous propose de le consigner dans un article conçu en ces termes : “Les citoyens dont les revenus n’excèdent point ce qui est nécessaire à leur subsistance, doivent être dispensés de contribuer aux dépenses publiques ; les autres doivent les supporter progressivement selon l’étendue de leur fortune.” ” Aujourd’hui il n’y a pas un mot à supprimer à cette parole !

L’égalité devant l’impôt et que nul n’y échappe, le fait que les modalités de sa collecte comme de son utilisation procèdent de la souveraineté du peuple par le biais de ses représentants mandatés pour ce faire, sont des conditions incontournables permettant le libre consentement à l’impôt. Si les conditions ne sont plus réunies, pourquoi payer ? Cette simple interrogation n’est pas forcément, loin de là, une adhésion aux discours libéraux contre l’impôt. Mais un signe que la crise de confiance dans le système actuel est profonde. Les raisons de la colère sont donc en partie là, sans que nous ne puissions savoir dans quelle direction cela peut basculer. Mais nous pouvons agir !

Le sentiment est fortement partagé par l’électorat ayant voté à gauche en 2012 de la trahison complète des maigres engagements pris par Hollande et le PS qui poursuivent la même politique que Sarkozy, de soumission à la finance. Leurs politiques d’austérité, suivant non pas de façon contrainte, mais par idéologie assumée les directives de Bruxelles, ont fait exploser leur majorité, divisé le PS même. Plus profondément, elles ont provoqué une rupture très forte dans le peuple qui de façon majoritaire préfère s’abstenir même face à la menace de l’extrême droite.

Il apparaît clairement que la poignée au pouvoir défend les intérêts du petit nombre des puissants aux dépens de tous les autres et de l’intérêt général. Il semble tout aussi clair que si le PS poursuit la même politique que l’UMP, l’UMP poursuivrait la même politique que le PS si elle revenait aux manettes. Le seul changement du personnel politique à la tête des mêmes institutions n’incarne plus la voie au changement pour le plus grand nombre, la marée silencieuse des abstentionnistes lors des élections européennes en témoigne. Discréditant ainsi le mot même de gauche, le Ps entraine ainsi toute la gauche et le Front de gauche, s’il a su résister, n’est pas épargné. Je ne reviendrais pas ici sur les multiples raisons.

Cette dépossession complète de la souveraineté du peuple au profit d’une poignée est de fait rendue possible par la Vème République, et sa constitution quasi monarchique. L’oligarchie a pris le pouvoir. Pour la renverser, il faut que le peuple se mette en mouvement. Sans cela, le scénario catastrophe voulu tant par le PS que l’UMP pourrait bien se dérouler : la possible conquête du pouvoir par le FN. Ainsi ils espèrent, dans un ultime duel, garantir leur réélection malgré le rejet massif de leur politique. Ces apprentis sorciers ont-ils seulement conscience qu’à ce jeu dangereux ils peuvent perdre et mettre en péril la République même ?

Construire une perspective permettant au peuple de redéfinir les règles du jeu, voilà le seul moyen d’établir un rapport de force pour gouverner face à la finance en instaurant pleinement l’exercice de la souveraineté populaire. La mise en mouvement du peuple par la redéfinition de ses règles et de ses valeurs communes est aussi le meilleur moyen d’empêcher que la crise de régime se termine par la victoire de l’extrême droite.

Le mouvement pour la 6ème République que Jean-Luc Mélenchon souhaite contribuer à construire avec toutes celles et ceux qui le souhaiteront est donc à la fois un objectif et un moyen pour que le contexte insurrectionnel, traduit tant par le poids du vote FN que l’abstention massive, ne bascule dans la victoire de l’extrême droite mais soit repris par un mouvement qui émancipe et porte en projet l’émancipation. Faisons de l’enjeu de 2017, non pas le plébiscite d’un changement sur le trône du système, mais l’exigence de la convocation de la constituante pour renverser le système. Faisons du mouvement pour la 6e un mouvement créatif de convergences et d’ébullition de luttes citoyennes concrètes, qui redonne du pouvoir d’agir en arrachant des victoires, mêmes petites sur nos quotidiens. Ayons l’audace de contribuer ainsi à fédérer le peuple et d’écrire une nouvelle page déterminante de notre Histoire.

En à peine 15 jours, ce débat sur la 6e a réussi à s’imposer sur la table. Tout reste à faire, mais l’espoir est enfin revenu !


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