Jean-Luc Mélenchon, la (vraie) Gauche, les assemblées citoyennes

lundi 17 novembre 2014.
 

Certaines réactions à ma recension du livre de Jean-Luc Mélenchon sur le site de Regards sont proprement désespérantes : alors que j’appelle au débat à partir de ce livre, dans la plus totale bienveillance pour son auteur et ce qu’il écrit, on m’accuse d’en faire une cible ! Je me frotte les yeux.

Jean-Luc Mélenchon n’est pas responsable de ces réactions paranoïaques (et très nettement misogynes), je tiens à le dire. Néanmoins il est urgent de s’interroger sur un certain type de militantisme dévoué au Chef dont je vois très mal dans quelle mesure il se distingue de la furie fasciste.

Je rappelle que je tiens J.-L. Mélenchon pour le leader de la (vraie) Gauche, je l’ai écrit à plusieurs reprises, non par une investiture d’autorité divine (ou "matérialiste historique" : sourire) mais parce que son travail inlassable, précis, clair, courageux, éprouvant, de médiatisation des idées sociales et écologiques lui confèrent ce rôle sur cette place publique que sont les radios et les télés. Malheureusement, et je comprends que certains le déplorent, nous n’avons pas dépassé le besoin d’incarnation ("nous" et le système politique), et Mélenchon, qu’on le veuille ou non, incarne la Gauche.

Il est visible dans n’importe quelle émission à laquelle participe le leader du Front de Gauche, que ce travail l’expose à des attaques très violentes de délégitimation de sa personne. Ne nous y trompons pas, il s’agit de délégitimer à travers lui la Gauche, c’est-à-dire les idées socialistes/communistes/écologistes : celles précisément que Manuel Valls veut ouvertement liquider. La caricature, à laquelle les journalistes du système (Caron, Polony, etc.) tentent de le réduire, a un sens politique : lorsque systématiquement, par exemple, des extraits d’interviews de Georges Marchais passent à l’antenne quand il est sur un plateau, il s’agit ni plus ni moins de renvoyer toute alternative politique au socialisme autoritaire d’avant 89 et au stalinisme. Il s’agit pour ces journalistes, comme pour Valls ou l’énarchie de Bercy, d’en finir avec l’expression politique des victimes du système (la majorité des salariés et des citoyens), c’est-à-dire d’en finir avec la démocratie, par cette pirouette : toute alternative au système conduit au Goulag. Pour mieux organiser la confusion politique qui favorise l’extrême-droite, et en définitive le retour du valet néo-bonapartiste du capitalisme financier : Nicolas Sarkozy, ils sont prêts à tout : truquer les chiffres des sondages, comme le JDD vient de le faire en gonflant les scores de Marine Le Pen, ou assimiler Le Pen et Mélenchon (Le Figaro).

La ficelle est un peu voyante, diront certains, mais elle fonctionne PARCE QU’IL Y A UN VRAI PROBLEME POLITIQUE au cœur de la défaite actuelle des idées de gauche. C’est bien précisément celui de la dérive stalinienne du socialisme, son caractère dogmatique, autoritaire, centraliste, et en définitive totalitaire, dans les Pays de l’Est, et en Asie.

Jamais la Gauche n’a véritablement examiné les liens qu’il peut exister entre le stalinisme, et ses sous-composantes mentales d’origine française : dogmatisme de parti, virilisme, étatisme, dévotion au chef, c’est-à-dire ce que je nomme dans ma recension au livre de Jean-Luc Mélenchon le "bonapartisme de gauche" .

Or IL N’Y A PAS DE VRAIE GAUCHE sans débat démocratique (Philippe Marlière l’a rappelé dans un billet récent sur Mediapart et Politis : http://blogs.mediapart.fr/blog/phil...).

Mon billet sur le livre de Jean-Luc Mélenchon (http://blogs.mediapart.fr/blog/pasc...) visait à ouvrir ce débat à TOUS les niveaux de discussion : sur la question sociale (comment opère-t-on la rupture avec ce système inégalitaire organisé par les actionnaires et les spéculateurs financiers et autres banquiers ?), sur la question écologique (comment parvenir à rompre avec les modes technicistes industrialistes et productivistes d’exploitation des richesses naturelles en voie d’épuisement), sur la question institutionnelle (quelles institutions pour une République véritablement démocratique et sociale). ET ENFIN sur les questions proprement géo-politiques (quelles alliances internationales ?) et politiques, parce qu’il y va de la survie de la gauche d’ouvrir ce débat : à savoir, en premier lieu cette question cruciale du rapport de la vraie gauche au centralisme étatique. Et en second lieu, la question de l’organisation de la citoyenneté et des modalités du militantisme. La remise en cause de la culture de parti est compliquée mais elle doit pouvoir être posée sans qu’on accuse ceux qui tentent d’ouvrir ce débat d’attenter à la personne du Duce - fût-il "de gauche" ou "du peuple".

Jean-Luc Mélenchon lui-même, en lançant le Mouvement pour la VIème République, et en quittant la direction du Parti de Gauche cet été, a clairement indiqué par là, qu’une autre façon de faire de la politique, plus citoyenne et participative, était d’urgence à inventer.

C’est en tout cas dans cet esprit que j’ai moi-même appelé à signer l’appel pour une VIème République.

L’évidence politique que tout le monde voit, mais qu’il faut bien avoir le courage d’énoncer à un moment, est que cette élection d’une assemblée constituante ne sera à l’ordre du jour et n’aura de sens que si, auparavant, un nombre conséquent de citoyens déterminés se constituent partout en assemblées citoyennes, pour délibérer localement de ce que doit être la République véritablement sociale et démocratique que nous appelons de nos vœux. Nous ne devons et ne pouvons attendre sagement les élections de 2017 : ce serait se comporter non en citoyens mais en moutons qu’on mène à l’abattoir. Il ne peut s’agir et il ne s’agit pas seulement d’institutions, tout le monde le sait : il s’agit de proposer des solutions pour que la vie quotidienne devenue intolérablement difficile pour la majorité d’entre nous, trouve des solutions pratiques : logement, lutte contre le profit aveugle et la confiscation des produits du travail au profit des seuls actionnaires, partage du travail et production coopérative et solidaire, modification des modes de production et des modes de vie, notamment par la lutte contre la désertification des campagnes, la re-ruralisation, la protection de cultures locales vivrières etc... La liste n’est pas close et chacun doit contribuer à la préciser.

Il faut donc appeler inlassablement à la constitution de telles assemblées, en lien avec les assemblées déjà existantes : associations citoyennes liées au Front de Gauche, associations qui délibèrent déjà du contenu d’une nouvelle République, etc., mouvements et partis écologistes, syndicats.

Il faut que toutes ces initiatives convergent : l’unité est urgente. Elle est la condition de l’effectivité politique d’une "révolution citoyenne", et elle est à l’ordre du jour.

Il faut d’urgence que se taisent les voix du soupçon généralisé, et les intérêts partisans à très courte vue. Il faut passer de l’expression des rancoeurs à l’action politique. C’est la possibilité de l’émergence d’un autre monde dont il est question, pour nous éviter d’aller à la catastrophe politique, sociale, écologique.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message